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Les chercheurs invitent «l'ensemble des services publics d'électricité à revoir sans plus attendre leurs plans d'investissements pour les prochaines années».
Le Québec et les autres provinces du centre et de l'est du pays se dirigent vers un manque important d'électricité disponible pour répondre aux différents besoins générés par la transition énergétique.
C'est l'avertissement que lancent des chercheurs de l'Institut de l'énergie Trottier de Polytechnique Montréal dans un rapport intitulé «Une perspective stratégique pour le secteur de l'électricité dans le centre et l'est du Canada», publié mercredi.
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Selon ce «livre blanc», avec la trajectoire actuellement empruntée, la plupart des provinces seront incapables de combler les besoins en électricité créés par l'augmentation du parc de véhicules électriques et la décarbonation du chauffage des bâtiments, à l'horizon 2030.
Les chercheurs invitent «l'ensemble des services publics d'électricité à revoir sans plus attendre leurs plans d'investissements pour les prochaines années».
En conférence de presse mercredi, le premier ministre du Québec a laissé entendre que la province pourrait effectivement manquer d'électricité.
«On est ouverts à des exportations d'hydrogène vert, si le prix est bon et selon aussi les capacités qu'on a en électricité. Parce qu'actuellement, on prévoit que dans les prochaines années, on va manquer d'électricité, donc il faut être prudent», a indiqué François Legault.
Le Québec est toutefois mieux positionné que les autres provinces, tout simplement parce qu'il est le plus grand producteur d'hydroélectricité du pays.
Mais cette source d'énergie renouvelable attire aussi de nouveaux clients qui contribueront à augmenter la demande dans les prochaines années.
«Hydro-Québec voit énormément d'industries qui veulent s'installer au Québec pour profiter de l'électricité et c'est de grosses industries qui demandent beaucoup d'énergie», a indiqué Normand Mousseau, directeur scientifique de l'Institut Trottier et coauteur du rapport.
Ces nouvelles industries, comme les centres de données, les centres de minage de cryptomonnaie ou les serres agricoles, contribueront à augmenter la demande, mais c'est aussi le cas pour les industries déjà présentes sur le territoire et qui devront se décarboner dans les prochaines années, donc quitter les énergies fossiles pour les énergies renouvelables.
Les enjeux de décarbonation au Québec sont aussi liés au transport, puisque la province vise à avoir un parc de 1,5 million de véhicules électriques d'ici 2030 et cesser de vendre des véhicules à essence à partir de 2035.
«Hydro-Québec est largement capable de prendre la demande qui s'en vient pour les véhicules électriques, les bâtiments commerciaux institutionnels et les manufacturiers», a indiqué Normand Mousseau, en précisant toutefois que les contrats d'exportation d'électricité aux États-Unis «risquent de diminuer la marge de manoeuvre du distributeur» et «on risque de se retrouver avec un manque à gagner d'ici 2030».
Hydro-Québec devra donc trouver de nouvelles sources d'électricité et le distributeur ne peut compter sur le gaz naturel en raison des engagements climatiques de la province, selon le chercheur.
La réponse, selon Normand Mousseau, ne se trouve pas non plus dans la construction de nouveaux barrages.
«Les réservoirs donnent une flexibilité immense au réseau, mais on n'a plus la capacité aujourd'hui d'inonder des territoires comme on l'a fait dans le passé. D'un point de vue environnemental et d'un point de vue de l'acceptabilité sociale, ça ne passe pas», a souligné le directeur scientifique de l'Institut Trottier.
La solution repose donc dans la construction de nouveaux parcs éoliens, selon lui.
«La construction d'éoliennes, pilotée par Hydro-Québec pour réduire les coûts, on peut faire ça à des tarifs très compétitifs» et «si on se retrouve dans une situation où on a trop d'électricité au Québec, on pourra l'a vendre sans problème parce que les autres provinces sont dans une situation encore pire que la nôtre».
Le rapport souligne qu'à l'échelle du pays, «il existe un décalage majeur entre la planification actuelle des services publics d'électricité et les efforts qui sont nécessaires pour atteindre les objectifs climatiques que se sont fixés les gouvernements provinciaux et fédéral».
Les autorités sous-estiment «l'ampleur de la transformation exigée pour atteindre les objectifs climatiques», a précisé M. Mousseau.
En outre, les chercheurs de l'Institut de l'énergie Trottier de Polytechnique Montréal proposent six chantiers axés sur différents thèmes: la réglementation, la tarification, la gestion de la demande, les données, le soutien à la mise en ?uvre et la résilience.
En ce qui concerne la résilience, le rapport souligne que les innovations technologiques comme les compteurs intelligents rendent les réseaux beaucoup plus flexibles, mais «cette flexibilité s'accompagne cependant d'un risque accru de cyberattaques».
Également, les phénomènes météo extrêmes causés par les changements climatiques font augmenter les risques de détériorations physiques des infrastructures.
«La résilience des réseaux électriques demeure donc un élément essentiel, mais les changements climatiques affectent également la demande, notamment en augmentant les besoins de refroidissement ou de chauffage des locaux lors de conditions estivales ou hivernales extrêmes», peut-on lire dans le rapport.
Les chercheurs de l'Institut Trottier sont d'avis que les gouvernements et les distributeurs devraient faciliter l'accès aux «données sur les systèmes actuels» pour élaborer les trajectoires menant à la carboneutralité.
Une meilleure collecte et un meilleur partage des données pourraient également améliorer la productivité énergétique, la planification, la production, le stockage, le transport et la distribution de l'électricité.
Miser sur l'efficacité énergétique, avec des tarifs modulés qui sont moins coûteux en dehors des heures de pointe et une réglementation lors de la période de pointe hivernale, fait également parti des solutions qui aideront à l'atteinte des cibles climatiques.