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Le projet de loi 32 visant à mieux protéger la liberté académique a fait l'objet de plusieurs critiques mardi, au premier jour des consultations particulières.
Le président du comité d'experts qui s'est penché sur la liberté académique, l'ex-ministre Alexandre Cloutier, appelle le gouvernement Legault à modifier son projet de loi 32.
Lors de son passage à l'Assemblée nationale en fin de journée mardi, M. Cloutier a identifié plusieurs différences entre le rapport qu'il a remis au gouvernement et le projet de loi 32 qui était censé en découler.
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«La première recommandation qu'on veut vous faire, c'est de reprendre la définition de la liberté universitaire telle qu'on vous le propose dans le rapport. Honnêtement [...] ça réglerait beaucoup d'enjeux», a-t-il déclaré.
Alexandre Cloutier réclame également une modification à l'article 4, afin que le gouvernement crée un «comité» et non un «conseil» qui agirait en lien avec les enjeux de liberté universitaire, mais «uniquement en cas de litige».
«On n'a pas suggéré dans notre rapport que le comité sanctionne», a-t-il précisé pour le bénéfice de la ministre de l'Enseignement supérieur, Danielle McCann, qui a dit recevoir «très positivement» tous ses commentaires.
Enfin, M. Cloutier recommande de changer l'article 6, qui confère au ministre le droit « d'ordonner à un établissement [...]de prévoir [...] tout élément qu'il indique » ou de «faire apporter les correctifs nécessaires».
«Vous devriez vous inspirer de la Loi sur les violences à caractère sexuel dans laquelle grosso modo on permettait au gouvernement d'intervenir en cas de violation de la loi.»
«C'est un peu normal que le gouvernement souhaite s'assurer que la loi soit respectée, mais en même temps, il faut s'assurer de ne pas être trop intrusif dans le concept d'autonomie des universités», a lancé M. Cloutier.
Cet article 6 qui octroie des super pouvoirs au ministre fait l'unanimité contre lui, a observé lors des consultations la libérale Hélène David.
Une «quasi-tutelle», avait commenté plus tôt Jean Portugais, de la Fédération québécoise des professeures et professeurs d'université (FQPPU).
Donner de tels pouvoirs au ministre «va à l'encontre des principes mêmes de la liberté académique», a soutenu dans son mémoire la Fédération nationale des enseignantes et enseignants du Québec (FNEEQ).
Cela «ouvre une porte inquiétante à l'ingérence de l'État dans les politiques des universités», a ajouté le syndicat, qui dit souhaiter une intervention législative «minimale et circonscrite».
Il veut que le ministre n'émette que les conditions générales encadrant les devoirs et obligations des établissements. Le projet de loi pourrait aussi s'appliquer aux établissements collégiaux publics et privés, dit-il.
L'Union étudiante du Québec (UEQ), qui représente quelque 91 000 étudiants universitaires, s'est quant à elle prononcée carrément contre l'adoption d'une loi.
«L'UEQ considère que le gouvernement ne devrait pas légiférer au sujet de la liberté académique dans les universités», a tranché son président par intérim, Jonathan Desroches.
Il estime que le gouvernement devrait plutôt encourager les universités à développer des énoncés de principe afin qu'elles conservent leur autonomie.
Lors de ses remarques préliminaires, la ministre McCann a promis d'être «à l'écoute» des différents groupes.
«Je suis dans un mode d'ouverture et de collaboration. S'il est nécessaire de bonifier le projet de loi, nous allons le faire assurément», a-t-elle déclaré.
«Mais sur le principe de la protection de la liberté académique et de la fin de l'autocensure, nous sommes catégoriques: il n'y aura pas de compromis», a-t-elle ajouté.
M. Cloutier a rappelé que ses travaux avaient démontré que 60 % des membres du corps professoral, et 28 % des étudiants, s'étaient déjà censurés en évitant d'utiliser certains mots.
Celui qui est à présent vice-recteur à l'Université du Québec à Chicoutimi a réitéré toute l'importance de légiférer, afin d'offrir une protection uniforme pour l'ensemble des établissements au Québec.
La commission Cloutier avait été mise sur pied par le gouvernement en août 2021, à la suite de quelques incidents survenus en milieu universitaire et relayés dans l'actualité.
Une enseignante de l'Université d'Ottawa avait notamment été suspendue dans la foulée d'une plainte pour avoir utilisé dans sa salle de cours le mot qui commence par la lettre «N».
Les consultations particulières sur le projet de loi 32 se poursuivent mercredi avec le Bureau de coopération interuniversitaire.