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Le projet de loi C-18 visant à forcer les «géants du web» à indemniser les médias d'information pour le partage de leurs articles et reportages recevra la sanction royale mercredi ou jeudi.
Le projet de loi C-18 visant à forcer les «géants du web» à indemniser les médias d'information pour le partage de leurs articles et reportages recevra la sanction royale promptement et possiblement jeudi, selon le parrain de la proposition législative à la Chambre haute, le sénateur Peter Harder.
La Chambre des communes a adopté tard mercredi soir une motion de réponse aux sénateurs quant à la dizaine d'amendements qu'ils ont proposés.
Ce sont 208 députés qui se sont prononcés en faveur de la motion et 113, contre, les conservateurs s'y étant opposés.
Un peu plus tôt, un amendement du Parti conservateur à cette motion avait été rejeté en Chambre.
M. Harder est convaincu que le Sénat acceptera ensuite rapidement de «ne pas insister», ce qui permettra au C-18 de devenir réalité.
«Je pense qu'il serait très inhabituel que le Sénat n'accepte pas le message de la Chambre et je crois que le projet de loi recevra la sanction royale très rapidement», a-t-il dit en entrevue avec La Presse Canadienne.
Les deux Chambres doivent s'entendre sur la même version de la proposition législative pour que la formalité de la sanction royale puisse s'opérer et que la pièce législative ait force de loi.
Ce dernier sceau d'approbation donné par la gouverneure générale, Mary Simon, pourrait survenir d'ici la fin de journée de jeudi, estime M. Harder. Il a mentionné que cela dépendra des disponibilités de Mme Simon et du déroulement des travaux du Sénat.
Plus tôt cette semaine, le gouvernement a présenté une motion de réponse au Sénat qui allait vraisemblablement être entérinée mercredi soir par une majorité de députés. Les libéraux de Justin Trudeau peuvent compter sur l'appui du Nouveau Parti démocratique et du Bloc québécois.
Avec la motion, la Chambre s'apprête à rejeter «respectueusement» deux amendements précisant que les négociations entre médias et plateformes du numérique doivent porter sur «la valeur que chaque partie tire du contenu de nouvelles» et de ce qui doit faire l'objet d'un transfert.
Sans la modification, cette «valeur», qui peut être monétaire ou autre, ne sera mentionnée comme devant être considérée qu'au stade de l'arbitrage du cadre de négociations qui sera mis en place avec le projet de loi C-18.
Ce cadre de négociations en trois étapes est prévu de s'enclencher après une période durant laquelle Google et Meta pourront s'entendre volontairement avec un éventail de joueurs, y compris des médias locaux, pour en être exemptés. L'arbitrage est le dernier élément du cadre de négociations.
Aux yeux du gouvernement, les amendements concernant la «valeur» «minent les objectifs» du projet de loi et «réduisent la portée du processus de négociation et des facteurs clés qui guident les décisions d'arbitrage de l'offre finale», peut-on lire dans la motion proposée par les libéraux.
Il reste à voir ce que les entreprises du numérique, qui s'opposent vigoureusement au C-18, feront une fois que la pièce législative sera loi. Au cours des derniers mois, Google et Meta ont menacé de retirer l'accès des Canadiens, sur leurs plateformes, à du contenu produit par des médias d'information.
La première des deux compagnies a mené des «tests» visant certains utilisateurs en mars et la deuxième a mis en branle, au cours des dernières semaines, son propre blocage alors que le C-18 s'approchait de plus en plus de la ligne d'arrivée.
Meta a soutenu qu'elle menait, elle aussi, des «tests» sur Facebook et Instagram visant certains Canadiens et que ceux-ci avaient pour objectif d’identifier tout problème avant de définitivement fermer le robinet pour tous.
«La Loi sur les nouvelles en ligne est une loi fondamentalement imparfaite qui fait fi des réalités du fonctionnement de nos plateformes, des préférences de leurs utilisateurs et de la valeur que nous accordons aux éditeurs de presse», fait valoir l'entreprise sur son site web.
Au moment du renvoi du C-18 du Sénat vers la Chambre, un porte-parole de la division canadienne de Google a déclaré que la société était «très préoccupé(e) par la voie sur laquelle nous nous engageons». «(Nous) cherchons de toute urgence à travailler avec le gouvernement pour trouver un compromis qui éviterait un résultat négatif pour les Canadiens et nous ouvrirait la voie pour maintenir et développer nos investissements au sein de l'écosystème des nouvelles au Canada», a affirmé Shay Purdy.
Le ministre du Patrimoine, Pablo Rodriguez, a condamné les tentatives d'«intimidation» de Google et Meta. Il s'est montré confiant, au cours des derniers mois, que les «géants du web» changeront d'attitude, citant l'exemple de Meta qui a conclu des ententes avec les médias quand l'Australie a adopté une législation du même genre.
Le sénateur Harder s'attend à ce que Meta «continue de négocier» avec les médias canadiens, relevant que plusieurs accords existent déjà.
«Je noterais que plusieurs autres juridictions (comme) la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni et même les États-Unis et l'Europe envisagent une législation similaire et je suis sûr que, dans ce contexte, les plateformes devront prendre des décisions stratégiques en réponse à la loi canadienne», a-t-il soutenu, ajoutant qu'il considère qu'il est dans l'intérêt des entreprises de conclure des ententes avec les médias.
Il y a quelques semaines, la sénatrice Julie Miville-Dechêne a plutôt signalé en entrevue qu'elle croit que Meta ne fera pas marche arrière.
«Si Facebook se retire de C-18 comme je crois qu’ils vont le faire, ça va faire particulièrement mal aux petits médias», a-t-elle dit.
Selon elle, le contexte dans lequel d'autres pays considèrent d'emboîter le pas au Canada fait en sorte que «les plateformes ont des messages à passer».
«Le mystère qui demeure, pour moi, c’est Google parce que si Facebook sort, ça veut dire qu'il ne reste qu’une seule plateforme, essentiellement, qui serait soumise à C-18», a poursuivi la sénatrice du Québec, ajoutant que les deux entreprises ont des modèles d'affaires différents.
Mme Miville-Dechêne est en faveur du projet de loi C-18 même si elle y voit «des failles». «J'espère que le gouvernement gagnera son pari et que le journalisme en sortira plus fort», a-t-elle conclu sur Twitter dans les derniers jours.