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Lundi, lors du premier jour du procès, la plaignante dans ce dossier a raconté à la barre ce qu'elle a vécu un soir, en 1988, au collège militaire de Saint-Jean-sur-Richelieu.
Le major-général Dany Fortin jure qu'il n'est pas coupable d'agression sexuelle et qu'il n'a jamais eu de contact physique avec celle qui a fait des allégations détaillées au procès cette semaine.
Témoignant en français, mardi après-midi, au palais de justice de Gatineau, M. Fortin a déclaré qu'il avait été choqué et dévasté en apprenant les allégations qui le visaient.
La plaignante au procès pour agression sexuelle avait déclaré plus tôt mardi que l'accusé était «sans aucun doute» celui qui l'avait agressée en 1988 dans sa chambre de dortoir du Collège militaire royal de Saint-Jean-sur-Richelieu.
Le major-général Fortin était responsable de la campagne fédérale de distribution de vaccins aux provinces contre la COVID-19 lorsqu'il a été démis de ses fonctions en mai 2021. Il a été accusé d'un chef d'agression sexuelle trois mois plus tard.
Son avocate, Isabel Schurman, a tenté de convaincre le juge Richard Meredith, de la Cour du Québec, que la plaignante commettait une erreur sur la personne dans cette affaire d'agression sexuelle.
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La plaignante, dont l'identité est protégée par une ordonnance de non-publication, a témoigné lundi qu'elle s'était réveillée une nuit, dans sa chambre au collège militaire, en réalisant qu'un homme lui avait pris la main et l'utilisait pour se masturber. L'autre main de l'homme était sur sa poitrine, sous les draps, a-t-elle témoigné.
Elle a dit au tribunal qu'elle avait ouvert l'œil et reconnu l'accusé, puis l'avait repoussé et avait dit à M. Fortin de partir, ce qu'il a fait éventuellement, selon elle.
Interrogé mardi par son avocate, M. Fortin, en uniforme, a confirmé que les portes de chambres à la caserne devaient rester déverrouillées, pour des raisons de sécurité incendie. Il a aussi confirmé que les portes extérieures des casernes étaient déverrouillées, sans que personne ne les surveille ni ne contrôle les allées et venues.
Mais il a affirmé qu'il n'était jamais entré dans la chambre de la plaignante et qu'il ne lui avait jamais fait d'avances sexuelles. L'accusé n'a pas encore été contre-interrogé par la Couronne.
Lors du contre-interrogatoire de la présumée victime, lundi, Me Schurman avait soulevé des incohérences entre son témoignage devant le tribunal et ce qu'elle avait dit à un enquêteur l'année dernière. La défense a souligné des divergences sur des détails comme le moment précis de l'agression présumée, la présence ou non de la colocataire dans la chambre de la caserne à ce moment-là, ou si la plaignante avait entendu et reconnu la voix de M. Fortin cette nuit-là.
Lors de la conclusion de son témoignage, en anglais, mardi matin, la plaignante a rejeté la thèse de la défense selon laquelle un certain flou sur des détails pourrait jeter un doute sur sa mémoire concernant des éléments clés de l'affaire. Elle a déclaré qu'elle avait encore des «cauchemars» et des «visions récurrentes» de l'agression, et que même si elle ne pouvait pas être sûre à 100 % de certains des détails 34 ans plus tard, elle n'avait absolument aucun doute, en tout cas, sur l'identité de son agresseur.
«Je peux vous assurer sans aucun doute que c'était Dany Fortin qui se tenait devant moi en train de se masturber avec ma main, a-t-elle déclaré au tribunal. Je l'ai regardé; je le connaissais, cet homme.»
La plaignante avait également déclaré lundi qu'elle avait rendu visite à son amoureux de l'époque immédiatement après l'agression présumée et lui avait raconté ce qui s'était passé. Elle a témoigné que leur relation s'était ensuite détériorée et elle a admis qu'ils n'étaient «certainement pas» en bons termes.
Appelé à la barre mardi par la défense, cet homme a dit au tribunal, en français, qu'il n'avait aucun souvenir de cette conversation, ni d'aucune interaction entre la plaignante et Dany Fortin.
En contre-interrogatoire, la procureure Diane Legault lui a demandé s'il avait entendu parler d'agressions sur le campus du collège à l'époque. Il a dit qu'il ne se souvenait pas d'avoir eu connaissance d'agressions sexuelles à caractère criminel, mais il a reconnu avoir été témoin de discussions ou d'un environnement qui pourrait être décrit par le terme «inconduite sexuelle».
La plaignante avait également témoigné lundi qu'elle croyait que sa colocataire était présente lors de l'agression et qu'elle aurait donc pu en avoir été témoin. Elle a aussi soutenu qu'elle avait ensuite demandé à sa camarade si elle avait vu ou entendu quelque chose pendant la nuit, sans fournir plus de détails.
Me Legault a appelé cette chambreuse à la barre mardi matin, avant de conclure la preuve de la poursuite. Témoignant en anglais, l'ancienne colocataire a corroboré le récit de la plaignante selon lequel les deux femmes partageaient à l'époque une chambre dans la caserne de Saint-Jean-sur-Richelieu.
Elle se souvenait aussi avoir eu du plaisir avec le confrère de classe Fortin, et elle a expliqué qu'on attendait des élèves officiers qu'ils fassent preuve d'une certaine camaraderie au collège militaire.
Elle a par ailleurs affirmé que son expérience globale au collège n'avait pas été positive, avec «de nombreux comportements qui n'étaient probablement pas appropriés». Elle a souligné qu'il s'agissait de très jeunes hommes, dont plusieurs n'avaient même pas l'âge légal pour consommer de l'alcool, et qu'ils étaient poussés à leurs limites.
Mais elle a indiqué qu'elle n'avait aucun souvenir d'avoir été interrogée par sa colocataire de l'époque sur un incident en particulier. «Je ne dis pas que ça n'est pas arrivé, car personnellement, à cause de mon propre traumatisme, j'ai bloqué beaucoup de ces souvenirs», a-t-elle expliqué au tribunal.
Un supérieur de la plaignante, appelé à la barre mardi, a par ailleurs confirmé qu'elle lui avait signalé l'agression au début de 2021.
En plus de se défendre contre cette accusation criminelle, le major-général Fortin conteste en Cour fédérale la décision du gouvernement de lui retirer la direction de la campagne nationale de distribution de vaccins aux provinces, en mai 2021.
Il a témoigné mardi que lorsqu'il a été démis de ses fonctions, il ne savait pas pourquoi il faisait l'objet d'une enquête, mais il savait que le Bureau du Conseil privé et le Cabinet du premier ministre étaient impliqués dans la décision. Il a déclaré mardi qu'il avait appris la nature de l'enquête par le biais de reportages dans les médias.
La Cour fédérale a rejeté sa demande de réintégration l'an dernier, mais M. Fortin fait appel de cette décision. Sa requête en appel doit être entendue au début du mois prochain.
Il soutient notamment que le premier ministre Justin Trudeau et d'autres hauts responsables du gouvernement l'ont écarté de ses fonctions pour des motifs purement politiques.