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Dans un jugement partiellement caviardé de 58 pages, les juges tranchent que la Cour d'appel «n'a d'autre choix» que de maintenir les ordonnances de confidentialité pour éviter de compromettre l'identité de l'informateur de police accusé dans l'affaire.
La Cour d'appel du Québec maintient sous scellés des informations concernant le «procès fantôme» dans une décision à une requête déposée par la juge en chef de la Cour du Québec et par divers médias, dont La Presse Canadienne.
Dans un jugement partiellement caviardé de 58 pages, les juges Marie-France Bich, Martin Vauclair et Patrick Healy tranchent que la Cour d'appel «n'a d'autre choix» que de maintenir les ordonnances de confidentialité pour éviter de compromettre l'identité de l'informateur de police accusé dans l'affaire.
Selon eux, c'est la décision de porter des accusations contre l'informateur qui est à «la source du problème», soit une atteinte aux droits de l'accusé et au principe de la publicité des débats judiciaires.
«Les circonstances ont forcé la main du juge» qui n'avait désormais «guère le choix» d'ordonner le huis clos, insiste la Cour d'appel.
Cela «a fini par engendrer une situation dont il est maintenant impossible de s'extirper autrement qu'en préservant le secret sur ces renseignements ordinairement publics que sont l'identité du corps de police, de la poursuivante, des avocat.e.s de celle-ci et de (l'informateur), de même que l'identité du tribunal (incluant le district judiciaire) et du juge de première instance», précisent-ils.
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Accuser l'informateur «n'était vraisemblablement pas la voie à suivre», tranchent-ils, puisqu'il était «hautement probable» que cela viole ses droits constitutionnels, dont celui à un procès public. Et pour être clairs, les juges précisent qu'il ne semble pas y avoir un autre moyen de poursuivre un informateur de police.
«La collaboration avec les indicateurs de police, qui ne sont pas toujours blancs comme neige, a ses revers, dont celui qu'on ne peut pas toujours les poursuivre pour leurs crimes, est-il écrit dans le jugement. Mais c'est le prix d'une relation que, depuis très longtemps, la jurisprudence estime essentielle à la justice criminelle, malgré les compromis qu'elle engendre nécessairement.»
La Cour d'appel estime également qu'elle n'a «pas compétence» pour annuler les ordonnances de confidentialité prononcées par le juge de première instance comme le demande un regroupement de médias. Elle reconnaît qu'en «ne pouvant révéler» l'identité du tribunal de première instance, elle empêche les médias de demander une révision des ordonnances prononcées par ce tribunal.
Le juge de première instance n'a jamais demandé à la Cour que son identité soit gardée secrète, soutiennent les juges de la Cour d'appel, reprochant au passage à cette «supposition gratuite» de tendre à discréditer le système de justice.
Dans sa requête, la juge en chef Lucie Rondeau plaide qu'elle n'a même pas été en mesure de confirmer si la cause avait été entendue par la Cour du Québec, l'instance qu'elle préside. Elle demandait alors une copie sous scellés du dossier judiciaire de première instance ou, le cas échéant, les éléments pertinents qui lui permettraient de reconstituer la procédure.
La demande particulière de la juge Rondeau est également rejetée, notamment parce que son avocat «n'a pas réussi à justifier l'intérêt juridique de sa cliente» pas plus que les raisons pour lesquelles un tel droit d'accès devrait être conféré. D'importants pans de cette section du jugement sont caviardés, mais seront rendus disponibles uniquement à la juge en chef, précise-t-on.
L'avocat représentant les médias, soit Radio-Canada, La Presse, la Coopérative nationale de l'information indépendante, Montreal Gazette et La Presse Canadienne, a indiqué que ses clients sont déçus et analysent la décision afin notamment de déterminer si elle devrait être portée en appel.
En entrevue avec La Presse Canadienne, Me Christian Leblanc a noté qu'il est «intéressant» que la Cour d'appel recommande aux médias de s'adresser à la Cour de première instance tout en reconnaissant qu'ils sont dans l'impossibilité d'agir n'ayant pas les informations administratives nécessaires.
«Ça fait en sorte que les médias ne peuvent pas vraiment contester devant la Cour de première instance la décision rendue. Et ça, c'est quant à nous problématique puisque cette décision-là ne pourra pas faire l'objet d'un contrôle en première instance», a-t-il déclaré.
Du côté des avocats de la juge en chef, Me Maxime Roy a fait savoir qu'ils sont à analyser l'arrêt de la Cour et en discuteront avec la juge Rouleau.
L'existence du procès n'a été connue que parce que l'informateur de la police accusé dans l'affaire a fait appel de sa condamnation en première instance. Dans sa décision, fortement caviardée, fin février, la Cour d'appel a critiqué la procédure secrète en première instance.
La Cour d'appel soulignaitdans sa décision qu'«aucun numéro formel ne figure sur le jugement étoffé du juge du procès, les témoins ont été interrogés hors de cour, les parties ont demandé au juge de trancher sur la base des transcriptions, dans le cadre d'une audition secrète, et le jugement a été gardé secret».
On ignore en outre la nature du crime allégué et la région administrative où il se serait produit, tout comme le corps policier impliqué. Les noms des avocats et du juge qui ont participé aux procédures n'ont pas non plus été divulgués.