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«Le droit de vote est sacré. Si vous n’êtes pas un citoyen américain, il est illégal de voter».
Avant l’élection présidentielle de novembre, le secrétaire d’État et le procureur général de l’Ohio ont annoncé des enquêtes sur une fraude électorale potentielle, notamment sur des personnes soupçonnées d’avoir voté alors qu’elles n’étaient pas des citoyens américains.
Cela a coïncidé avec une stratégie nationale de communication républicaine avertissant que des milliers d’électeurs potentiellement inéligibles voteraient.
«Le droit de vote est sacré. Si vous n’êtes pas un citoyen américain, il est illégal de voter – que vous pensiez y être autorisé ou non. Vous serez tenu responsable», avait déclaré à l’époque le procureur général Dave Yost, un républicain.
En fin de compte, leurs efforts n’ont abouti qu’à une poignée de cas. Sur les 621 renvois criminels pour fraude électorale que le secrétaire d’État Frank LaRose a soumis au procureur général, seulement neuf personnes ont été accusées pour avoir voté en tant que non-citoyens sur une période de 10 ans – et l’une d’entre elles est décédée par la suite.
Ce total ne représente qu'une infime fraction des huit millions d'électeurs inscrits dans l'Ohio et des dizaines de millions de bulletins de vote déposés au cours de cette période.
Le résultat et les histoires de certains de ceux qui sont aujourd'hui poursuivis en justice illustrent l'écart, à la fois dans l'Ohio et dans l'ensemble des États-Unis, entre la rhétorique sur le vote des non-citoyens et la réalité. Ce phénomène est rare, il est détecté, des actions sont prises lorsqu'il se produit et il ne s'inscrit pas dans le cadre d'un plan coordonné visant à perturber les élections.
L'Associated Press a assisté aux audiences en personne et virtuelles de trois des accusés de l'Ohio au cours des deux dernières semaines. Chacun des cas impliquait des personnes ayant des liens de longue date avec leur communauté qui ont agi seules, souvent sous l'impression erronée qu'elles étaient éligibles. Elles se retrouvent maintenant confrontées à des accusations criminelles et à une possible expulsion.
C'est le cas notamment de Nicholas Fontaine, un ouvrier d'Akron. L'homme de 32 ans a été accusé d'avoir voté illégalement.
M. Fontaine est un résident permanent né au Canada qui a déménagé aux États-Unis avec sa mère et sa sœur lorsqu’il avait deux ans. Il risque une peine de prison et une expulsion pour avoir voté aux élections de 2016 et 2018.
Il se souvient qu’il était étudiant à l’université lorsqu’on l’a abordé dans la rue pour lui demander de s’inscrire pour voter.
«Je pense que, dans mon jeune cerveau d’adolescent, je me suis dit: "Eh bien, si je dois m’inscrire, je devrais pouvoir voter"», a-t-il affirmé dans une entrevue.
Les résidents permanents comme lui ne sont qu’une des nombreuses catégories d’immigrants qui doivent s’inscrire pour une éventuelle conscription par l'entremise du service sélectif, mais qui ne peuvent pas voter légalement.
M. Fontaine a déclaré avoir reçu en 2016 une carte par la poste de la commission électorale locale l'informant de son lieu de vote. Il a voté sans problème. Il a même présenté sa carte d'identité avant de recevoir son bulletin de vote.
Il a raconté qu'un responsable du Département de la sécurité intérieure lui avait rendu visite en 2018 ou en 2019 et l’avait alerté du fait que ses votes de 2016 et 2018 avaient été illégaux et l’avait averti de ne plus voter. Depuis, il ne l’a plus jamais fait. C’est l’une des raisons pour lesquelles son accusation cet automne a été un choc.
Il a déclaré n’avoir jamais reçu d’avis de mise en examen et avoir manqué son audience au tribunal début décembre, n’ayant été informé des accusations que lorsqu’un journaliste de l’AP a frappé à sa porte après l’audience prévue.
Il a assuré qu’il n’aurait jamais voté illégalement intentionnellement.
«Je ne connais personne, même pas les Américains à qui j’ai parlé de vote, qui envisagerait de voter illégalement pour quelque raison que ce soit. Pourquoi faire ça? Ça n’a pas de sens.»
Faith Lyon, la directrice des élections du comté de Portage, a déclaré que les responsables locaux du comté où M. Fontaine est accusé n’avaient aucun moyen de vérifier de manière indépendante son statut d’immigrant. Chaque formulaire d’inscription d’électeur comprend une case à cocher demandant si une personne est citoyenne américaine ou non et expliquant que les personnes ne peuvent pas voter à moins de l’être, a-t-elle indiqué.
Dans deux autres affaires de vote illégal en cours devant les tribunaux de l’Ohio, les accusés ont laissé cette case non cochée, selon leurs avocats, pensant que l’omission aurait pour conséquence que le conseil électoral ne les enregistrerait pas s’ils n’étaient effectivement pas admissibles. Pourtant, ils se sont quand même inscrits et font maintenant l’objet de poursuites pénales pour avoir voté.
Les cas en Ohio ne sont qu’un exemple de ce qui est vrai à l'échelle nationale, à savoir que la thèse selon laquelle un grand nombre d'immigrants dépourvus des documents légaux nécessaires s'inscrivent sur les listes électorales et votent ensuite n'est tout simplement pas étayée par les faits, a déclaré Jay Young, directeur principal du programme «Vote et démocratie» du groupe de surveillance Common Cause.
Les listes électorales des États sont régulièrement «nettoyées», a-t-il ajouté, et les peines encourues pour avoir voté illégalement en tant que non-citoyen sont sévères: amendes, peine de prison potentielle et déportation.
Selon lui, la capacité des immigrants comme M. Fontaine à influencer l'élection «a été le faux récit le plus durable que nous ayons vu tout au long de cette élection». À son avis, cela sert un objectif: maintenir le pays divisé et semer la méfiance à l'égard du système électoral.
«Si votre candidat préféré ne gagne pas ou si vous êtes un candidat qui ne gagne pas, vous avez une excuse que vous pouvez vous donner pour justifier le résultat», a-t-il déclaré.