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L’enquête menée par La Presse Canadienne révèle que 87 personnes ont été touchées par des balles de policiers entre le 1er janvier et le 30 novembre, dont 46 en sont décédées.
Le nombre de personnes qui ont été atteintes par balle par des policiers a augmenté de près de 25% en 2022 au Canada, selon des données obtenues par La Presse Canadienne, ce qui inquiète certains experts.
L’enquête menée par La Presse Canadienne révèle que 87 personnes ont été touchées par des balles de policiers entre le 1er janvier et le 30 novembre, dont 46 en sont décédées. Ces données ont été compilées grâce à des informations fournies par les corps policiers, ainsi que par des sources indépendantes.
Ce nombre représente un quart de plus qu’en 2021, une année au cours de laquelle les policiers avaient ciblé 70 personnes, dont 37 mortellement. En 2020, 60 personnes ont été atteintes, et 36 d'entre elles sont mortes.
Pour le professeur de criminologie à l’Université de l’Alberta Temitope Oriola, cette augmentation des affrontements avec la police qui mènent à des décès est inquiétante.
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Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette tendance, selon lui, notamment le manque de formation, le trop peu de redevabilité et le système qui repose trop sur le recours à la force.
«Nous avons donc tous les éléments pour une tempête parfaite qui va mener à ce genre d’événements», explique-t-il.
Même si de nombreux mouvements sociaux réclament ces dernières années un changement de culture au sein de la police, le nombre de fois où les policiers dégainent et font feu est en hausse depuis 2020.
En décembre, au moins cinq fusillades pourraient être ajoutées aux données compilées par La Presse Canadienne. Parmi celles-ci, la police a abattu le suspect qui aurait fait six victimes dans un immeuble à logements de la région de Toronto, et un autre incident est survenu à Noël dans une station d’essence de Calgary.
Les jeunes hommes représentent toujours la forte majorité des personnes qui ont été ciblées par une arme à feu de la police.
L’origine ethnique était signalée dans 23 cas. De ceux-ci, 40 % concernaient des membres des Premières Nations, tandis qu’environ le quart étaient des personnes racisées.
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Les appels initiaux faits à la police concernaient principalement la possession d'armes, des voies de fait ou des mandats. Dans près de 80 % de ces événements, la personne avait une arme. Dans 62 % de ces cas, il s'agissait d'une arme à feu.
Beaucoup de ces individus abattus ne sont pas des criminels endurcis et violents, mais plutôt des personnes en proie à une crise de santé mentale ou de toxicomanie, rappelle le professeur adjoint à l'Université de Toronto Akwasi Owusu-Bempah, qui étudie le travail de la police.
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Dans un cas, Allan Andkilde «n’allait pas bien» et avait envisagé de se suicider en août lorsqu'il a été tué par balle par la police, selon un rapport de l'Unité des enquêtes spéciales, l'organisme de surveillance de la police en Ontario. L'homme de 70 ans a lui-même appelé le 911 avant de marcher dans une rue pour brandir une machette qu'il venait d'acheter.
Les agents qui sont intervenus ont utilisé un pistolet paralysant pour essayer d’immobiliser M. Andkilde. Ils lui ont ordonné de laisser tomber son arme, mais il a continué à se diriger vers eux et a été abattu. L'Unité des enquêtes spéciales a conclu plus tôt ce mois-ci qu'il n'y avait aucun motif raisonnable de porter des accusations criminelles contre le policier impliqué dans cette affaire.
M. Owusu-Bempah, de l’Université de Toronto, souligne qu’il faut que le public puisse comprendre comment la police interagit avec les civils et utilise la force. Mais pour ce faire, il faut avoir les bonnes données, plaide-t-il.
«Pourquoi n'avons-nous toujours pas de base de données nationale? s’interroge-t-il. Ce sont des agents de l'État, qui agissent au nom de l'État et qui appliquent les lois de l'État. Ils sont habilités par l'État à utiliser la force et à tuer des gens.»
En 2022, la GRC a été impliquée dans 35 fusillades, contre 26 en 2021 et 15 l'année précédente.
La Colombie-Britannique est la province qui a enregistré le plus de fusillades, avec 23. Cela représente une augmentation par rapport aux 13 survenues en 2021 et aux cinq en 2020. Le service de police de Vancouver a été impliqué dans six des fusillades de cette année.
L'Ontario a suivi avec 22 fusillades et l'Alberta avec 15, deux légères baisses par rapport à l'année précédente.
Au Québec, sept fusillades impliquant des policiers ont eu lieu en 2022, dont cinq ont mené à des décès. Il y en avait aussi eu sept en 2021, dont quatre ont été mortelles. Pour 2020, on parle de neuf fusillades, dont sept mortelles.
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Le Manitoba, la Nouvelle-Écosse, la Saskatchewan et le Yukon ont tous connu une augmentation du nombre de personnes abattues par la police cette année.
Les fusillades policières demeurent rares au Canada comparativement à d'autres pays, y compris les États-Unis. Mais les experts en criminologie soutiennent que l'augmentation demeure une source de préoccupation.
«L'usage excessif de la force rend le maintien de l'ordre plus dangereux», estime M. Oriola, de l’Université de l’Alberta.
Quatre agents ont été tués cette année alors qu'ils intervenaient dans des situations qui ont entraîné une fusillade policière.
Selon M. Oriola, il existera toujours des situations où les agents doivent recourir à la force.
«Je crois fermement que les policiers ont le droit de retourner en toute sécurité chez eux avec leur famille à la fin de leur quart de travail», soutient-il.
«Mais, de la même manière, les civils ont le droit de ne pas se voir appliquer une force excessive.»