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«Peu importe la décision, y'a du monde qui va chialer.»
Malgré le dépôt du rapport de CDPQ Infra, attendu depuis six mois, le gouvernement Legault décide quand même d'aller de l'avant avec la construction d'un 3e lien autoroutier entre Québec et Lévis, a annoncé le premier ministre jeudi. Il s'y engage, tout comme il s'est engagé à construire un tramway à Québec, comme l'étude de CDPQ Infra le recommande.
Voyez les explications de François Legault en direct de Québec dans la vidéo.
CDPQ Infra a pourtant suggéré un tunnel de transport collectif entre les deux rives, davantage de services de bus rapides afin de faciliter le transport collectif dans la région. L'organisme ne recommandait pas de troisième lien dans son rapport. Qu'à cela ne tienne, le gouvernement Legault estime qu'il persiste un «risque économique» important à n'avoir qu'un seul pont, le pont Pierre-Laporte, le seul qui peut supporter la charge de camions à l'est de Trois-Rivières.
«Il y a 10 500 camions qui passent chaque jour sur le pont Pierre-Laporte, qui a été construit il y a 54 ans», a déclaré le premier ministre en conférence de presse à Québec. «Est-ce qu'on peut vivre avec ce risque économique» advenant une éventuelle fermeture, pour des travaux ou des imprévus par exemple?
La réponse est non, selon François Legault, même si le rapport de CDPQ Infra indique que l'achalandage routier ne justifie la construction d'un nouveau lien autoroutier.
Sans fournir d'échéancier, Québec cite des raisons de «sécurité économique» pour aller de l'avant. Pourtant, au printemps 2023, le gouvernement insistait que l'achalandage, au contraire, justifiait un nouveau pont.
«En prenant un pas de recul, on fait le constat que l’enjeu de risque économique est très important», a dit François Legault, qui était accompagné jeudi de la ministre des Transports et de la Mobilité durable, Geneviève Guilbault, du ministre responsable de la région de la Capitale-Nationale, Jonatan Julien, et du ministre responsable de la région de la Chaudière-Appalaches, Bernard Drainville. «C’est pour ça qu’on change notre décision [...] avec de l'humilité.»
La déclaration de Bernard Drainville est allée en ce sens jeudi. «La confiance envers nous et envers la réalisation du projet est ébranlée, j'en suis conscient, mais une chose est certaine, on va travailler tous les jours pour rebâtir ce lien de confiance», a plaidé le ministre Bernard Drainville, qui est député de Lévis, sur la rive-sud.
«Je suis conscient de cette perte de confiance, mais il nous reste deux ans et demi pour démontrer qu'on est sérieux, regardez-nous aller», a ajouté M. Legault.
Le ministre fédéral Jean-Yves Duclos a pourtant indiqué mercredi que le tablier du pont de Québec, qu'Ottawa vient d'acheter, allait pouvoir être abaissé pour permettre le passage des poids lourds.
«Je trouve ça drôle que M. Duclos sorte ça de son chapeau», a répondu M. Legault.
«Je ne sais pas où M. Duclos a pris ses informations», a répliqué la ministre Guilbault.
«C'est gênant que le gouvernement du Québec n'ait pas considéré cette possibilité et ne soit pas au courant», a déploré le chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon en conférence de presse à Montréal.
À voir aussi : Plan de CDPQ Infra: «La ville, chaque citoyen, gagne», dit Bruno Marchand
Pour ce qui est du tramway, pas de problème avec le lancement d'une première phase avec un tracé de 19 km entre les secteurs Le Gendre, Sainte-Foy, Saint-Roch et Charlesbourg. Le projet est incroyablement similaire à ce qu'avait proposé Régis Labeaume en 2018, lui qui était maire de Québec à l'époque. Le gouvernement avait alors écarté ce projet.
«Le projet de tramway est différent techniquement de ce qu’il y avait dans l’ancien projet», s'est défendu M. Legault. Les voitures de tramway plus courtes, des stations plus petites et une technologie d'alimentation hybride, se faisant par ligne aérienne de contact et batteries afin de réduire la présence de câblage, permettraient de réduire les coûts.
Reste que le projet CITÉ, dans son entièreté, pourrait coûter un total de 15,5 milliards $ à terme. De son côté, le ministre des Finances, Eric Girard, a assuré mercredi que le gouvernement a les moyens de payer le projet mis de l'avant par la CDPQ.
«On a des moyens financiers qui sont considérables, on a une bonne cote de crédit, on a un bon bilan, puis gouverner, c'est faire des choix, et oui, on a les moyens, si ce sont ces décisions qui sont prises», a dit M. Girard.
En suivant le plan CITÉ en entier, le réseau de tramway en tant que tel comporterait deux lignes et s'étalerait sur 35 kilomètres se déployant d'est en ouest et du nord au sud sur le territoire de la Communauté métropolitaine de Québec (CMQ). Le premier trajet, d'une longueur de 28 km, relierait les secteurs de Le Gendre (secteur Chaudière) – Sainte-Foy – Saint-Roch – Charlesbourg (phase 1), D’Estimauville (phase 2) et Lebourgneuf (phase 3). Le second, d'une longueur de 7 km, consisterait en un tunnel passant sous le fleuve Saint-Laurent et relierait le centre-ville de Lévis à celui de Québec.
«La Coalition avenir Québec (CAQ) se couvre de ridicule», a réagi jeudi le député Etienne Grandmont, de Québec solidaire. «Ils utilisent la ''sécurité économique'' pour justifier le gaspillage d’encore plus d'argent.»
«Les pirouettes rhétoriques de la CAQ pour justifier leur troisième lien injustifiable atteignent de nouveaux sommets en avançant le supposé besoin de dédoubler les infrastructures», a-t-il ajouté.
Dans son «Plan CITÉ» dévoilé mercredi, la Caisse recommande, en plus du tramway, un système rapide par bus, des voies réservées et un tunnel sous le fleuve entre Québec et Lévis, mais qui serait uniquement réservé à une ligne de tramway.
Pour cet aspect du plan, qui importe en ce qui a trait à la desserte des banlieues, le gouvernement Legault n'est pas encore décidé. Dans les prochains mois, Mme Guilbault rencontrera les maires de Québec et de Lévis, Bruno Marchand et Gilles Lehouillier, afin d'en discuter.
La question de la mobilité à Québec fait débat depuis plusieurs années. Différentes administrations ont mis de l'avant des projets, mais à ce jour, le mode de transport structurant qu'attendent les résidents de la capitale provinciale se fait toujours attendre.
L'an dernier, le gouvernement Legault a fait table rase: il a mis la hache dans le projet de troisième lien autoroutier Québec-Lévis qu'il avait lui-même promis et stoppé le projet de tramway du maire de Québec, Bruno Marchand.
Il a plutôt demandé à la CDPQ de réévaluer les besoins et de présenter un rapport sur les façons d'«améliorer la mobilité et la fluidité dans la communauté métropolitaine de Québec, notamment entre les deux rives».
Avec de l'information de Laurence Royer et d'Émeric Montminy pour Noovo Info, ainsi que de Caroline Plante pour La Presse canadienne.