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En plus de l’engouement au sein des salles de cinéma et des festivals, le film est devenu un véritable levier dans la lutte contre les cyberviolences envers les femmes.
Le film Je vous salue salope: la misogynie au temps du numérique, réalisé par Léa Clermont-Dion et Guylaine Maroist, a connu une ascension internationale fulgurante au cours des derniers mois et sera présenté dans près d’une quinzaine de pays.
La Ruelle Films, producteur et distributeur du long-métrage, a annoncé des représentations en Égypte, en Inde, en Chine, en Turquie, en Roumanie, en Guinée et au Burkina Faso, entre autres.
Après une entrée remarquée au Québec en septembre dernier, le documentaire choc a captivé les États-Unis lors de la première projection américaine (Backlash: Misogyny in the Digital Age, en anglais), le 7 février dernier, en remplissant le Capitole de l’État du Vermont.
«Le plan initial, c’était d’avoir une forte présence sur les écrans et les plateformes d’ici, puis d’être capable de faire la même chose pour le Canada anglais, explique en entrevue Éric Ruel, producteur et directeur de la distribution de La Ruelle Films. On avait aussi des visées d’aller aux États-Unis et sur le continent européen.»
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Agréablement surpris de la réception du film à travers le monde, le producteur souligne que les outils de communication ont été pensés en fonction des différents marchés ciblés.
«Juste le choix du titre était un enjeu dans certains pays pour s’assurer que ça résonne de la bonne façon. "Je vous salue salope" aurait mal fonctionné en anglais, par exemple», ajoute-t-il.
Le long-métrage aux airs de thriller psychologique détaille les histoires de quatre femmes de deux continents qui ont vu leur vie bouleversée par des vagues de cyberharcèlement sexiste.
«Ce n’est pas un film facile, on ne va pas le voir pour le fun, soutient la réalisatrice Guylaine Maroist. (...) Mais quand les gens le regardent, ça provoque une conversation et une prise de conscience.»
Le projet a pris sept ans avant de se rendre à l’écran, notamment en raison du travail laborieux de scénarisation et de recherche. Les réalisatrices ont aussi effectué plus d’une centaine d’entrevues avec des gens de la communauté académique afin de comprendre l’ampleur du phénomène.
«On a commencé à tourner et c’est devenu évident que le problème, c’est que les violences que vivent les femmes sont constamment banalisées, affirme Mme Maroist. (...) Il faut que les gens comprennent que le monde numérique, ce n’est pas un monde à part. Et ces femmes-là subissent des violences dans la vraie vie.»
En plus de l’engouement au sein des salles de cinéma et des festivals, Je vous salue salope est devenu un véritable levier dans la lutte contre les cyberviolences envers les femmes.
«Avec le développement de l’intelligence artificielle, c’est assez facile d’aller enlever les contenus haineux. Si tous les États font des lois pour tenir les réseaux sociaux responsables et qu’on les amène en cour de justice, je pense qu’on va y arriver», atteste la réalisatrice.
Au Québec, la pétition «Stop les Cyberviolences» lancée à l’automne dernier avait récolté près de 30 000 signatures et avait été déposée à l'Assemblée nationale. Une motion en sa faveur avait été adoptée de façon unanime le 6 décembre dernier.
Les signataires demandaient au gouvernement provincial de s'engager à instaurer une formation obligatoire au sein des corps policiers du Québec sur les cyberviolences faites aux femmes, et d’adopter une loi forçant les réseaux sociaux à supprimer les contenus haineux sous peine d'une amende salée.
«On n’accepterait pas que quelqu’un se présente chez une femme pour lui faire des menaces de mort ou de viol. Mais parce que ce sont les réseaux sociaux, on ne comprend pas les répercussions, estime Mme Maroist. (...) On veut réveiller la conscience pour que les gens réalisent l’ampleur du phénomène et qu’on passe à l’action.»
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Pour Éric Ruel, le documentaire «ouvre des portes différentes pour amener le film au public américain», notamment en sensibilisant le public aux impacts des réseaux sociaux. Rights & Democracy Vermont a d’ailleurs lancé sa propre pétition appelant les élus à prendre des mesures concrètes pour prévenir les cyberviolences aux États-Unis.
Le producteur s’est dit «très confiant» de la réception du film en France, où il sera présenté pour une première fois le 13 avril prochain, à Montpellier, lors d’une projection organisée par le collectif Abolition34.
«On pense que le potentiel [en France] est aussi grand que celui d’ici. (...) On est dans le début de quelque chose, et le film a déjà touché plus de 500 000 personnes au Québec et au Canada français seulement», indique-t-il.
C’est quelque 293 établissements d’enseignement québécois qui ont d’ailleurs utilisé à des fins pédagogiques le film ou les contenus créés par La Ruelle Films, ajoute M. Ruel.
«Pour Léa et moi, c’était évident qu’il ne fallait pas seulement amener le problème, mais aussi une solution. (...) On a voulu faire une campagne et produire des contenus destinés aux jeunes pour qu’ils soient sensibilisés et qu’ils comprennent que le harcèlement, c’est criminel», résume Guylaine Maroist.