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Le député solidaire Haroun Bouazzi, réagit vivement au projet du ministre Pierre Fitzgibbon de déposer un projet de loi qui légalisera la vente directe d'électricité d'une entreprise privée à une autre, comme le rapporte Radio-Canada.
Le député de Maurice-Richard et porte-parole solidaire en matière d'énergie, Haroun Bouazzi, réagit vivement au projet du ministre Pierre Fitzgibbon de déposer un projet de loi qui légalisera la vente directe d'électricité d'une entreprise privée à une autre, ce qui est pour le moment interdit, comme le rapportait Radio-Canada vendredi matin. «Une réflexion» est en cours, a confirmé le ministre Fitzgibbon plus tard sur X.
«Je préviens les Québécois et les Québécoises, le délire idéologique du ministre Fitzgibbon va nous coûter cher», écrit le député via le réseau social X.
L'incapacité de la société d'État à fournir de l'électricité à tous les projets industriels serait à l'origine de la réforme envisagée.
Le ministre Fitzgibbon a confirmé sur X qu'il y avait bel et bien des discussions en cours sur l'électricité privée, mais il est resté prudent en assurant que la décision finale «n'a pas été prise».
«C’est vrai qu’il y a une réflexion au gvt sur la production privée. Je suis ouvert, mais la décision n’est pas prise. Si on ouvre à la prod. privée, elle sera balisée par HQ et limitée sur le territoire. Devant l’ampleur du défi de la transition énergétique, il faut être créatifs», a-t-il écrit sur le réseau social X.
Selon le gouvernement, il ne resterait à Hydro-Québec que 500 mégawatts de capacité disponible pour le développement industriel d’ici 2028.
À voir également : Nouveau plan d’Hydro-Québec: des objectifs réalistes ou trop ambitieux?
Présentement, seuls Hydro-Québec et certains réseaux publics municipaux, dont Hydro-Sherbrooke, ont le droit de vendre de l'électricité au Québec.
Outre certaines exceptions, les entreprises québécoises qui produisent de l'électricité peuvent le faire pour leur propre consommation, sans autorisation de la vendre.
Selon Radio-Canada, le plan du gouvernement est de permettre aux entreprises de vendre leur énergie renouvelable — éolienne, solaire, petit barrage — à d'autres entreprises situées sur un emplacement «à proximité» de leur site de production.
«Pour faire plaisir à ses amis multimillionnaires, le ministre Fitzgibbon veut nous transformer en Far West énergétique pour les multinationales étrangères, en permettant la création de réseaux privés entre compagnies, parallèles à celui d'Hydro-Québec», s'insurge le député Bouazzi.
«C'est un retour à Duplessis et une destruction en règle de ce que les Godbout, Lesage et Renée Lévesque ont mis des décennies à construire!»
M. Bouazzi soutient que les rivières, le vent et le territoire «sont notre richesse commune» et qu'«ils ne sont pas illimités».
«Hydro ne pourra exploiter ce qui aura été accaparé par ces entreprises privées, verra sa main-d'œuvre qualifiée siphonnée par les multinationales, perdra des revenus et de précieuses ressources humaines et matérielles pour raccorder des projets qu'elle n'aura pas planifiés. Ça va finir par coûter une beurrée aux Québécoises et aux Québécois. Il faut arrêter ce délire idéologique avant qu'il ne soit trop tard», dit-il.
Le porte-parole de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, abonde dans le même sens, jetant aussi la pierre au premier ministre du Québec.
«François Legault n’a jamais obtenu de mandat démocratique pour dénationaliser l’électricité. Hydro-Québec ce n’est pas le jouet du businessman Fitzgibbon, ça appartient au peuple québécois», mentionne-t-il sur X.
Le député de Jacques-Cartier et porte-parole de l'opposition officielle en matière d'énergie, Gregory Kelley, a aussi réagi négativement au projet du ministre Fitzgibbon.
«Hydro-Québec n’appartient pas à M. Legault, mais bien aux Québécois. Mettre fin au monopole sur la distribution d’électricité devient donc un enjeu national», a-t-il écrit vendredi sur X ajoute que «cette privatisation n’était pas dans la plateforme électorale de la CAQ et 60% des Québécois n’ont pas voté pour la CAQ.»
Hydro-Québec n’appartient pas à M. Legault mais bien aux Québécois.
— Gregory Kelley (@gharperkelley) January 19, 2024
Mettre fin au monopole sur la distribution d’électricité devient donc un enjeu national.
Cette privatisation n’était pas dans la plateforme électorale de la CAQ et 60% des Québécois n’ont pas voté pour la CAQ. https://t.co/lisP34xbmD
L'idée de légaliser la vente d’électricité entre compagnies privées provoque des réactions jusqu'au fédéral alors que le député du Bloc québécois, Yves-François Blanchet partage son avis sur la question sur X.
«Cette réflexion doit être québécoise, seulement québécoise, et engager toute la société québécoise. Le Québec que nous connaissons, sa culture entrepreneuriale francophone, son identité et sa fierté profondes, sa crédibilité comme État sur les marchés financiers, son rôle comme possible modèle environnemental bien au-delà de ses frontières, nos assises industrielles, l’idée même de nationalisme économique, l’esprit de la Révolution tranquille… tout ça est en grande partie redevable à la nationalisation par René Lévesque de notre plus grande richesse collective dans un monde où elle ne fera que gagner en importance. Faire évoluer le modèle est envisageable, mais avant que cette richesse ne soit plus collective, pensons-y bien», écrit-il.
Selon un chercheur de l'Institut économique de Montréal (IEDM), permettre la vente d’électricité entre entreprises «aiderait le Québec à faire face au manque d’électricité pour les projets de développement.»
«Hydro-Québec n’a pas l’électricité nécessaire pour répondre à la demande créée par le développement du Québec », explique Gabriel Giguère, analyste en politiques publiques à l’IEDM.
«En permettant aux producteurs indépendants de vendre directement aux entreprises, on évite que le manque d’électricité ne vienne stopper le développement de la province.»
En juillet dernier, l'IEDM a recommandé au gouvernement du Québec, dans le cadre d'une consultation publique portant sur l'avenir énergétique, de mettre en place un projet de loi visant à permettre aux producteurs d'électricité indépendants de vendre leur électricité directement aux entreprises.
«Le plan d’augmentation de l’approvisionnement d’Hydro-Québec est nécessaire et ambitieux, mais il est aussi nettement insuffisant pour répondre à la demande créée par le développement du Québec », affirme M. Giguère. « Chaque fois qu’un producteur indépendant vendra de l’électricité à une entreprise, il réduira la pression sur Hydro-Québec, ses infrastructures et les contribuables qui sont garants de ses finances.»
Craignant une hypothétique privatisation d’Hydro-Québec, des syndicats d’employés ont diffusé au début du mois de janvier une vidéo d’une campagne publicitaire pour passer leur message.
Les syndicats craignent la hausse des tarifs, la perte du contrôle décisionnaire du Québec et la perte d’expertise locale si le gouvernement Legault en venait à privatiser la société d’État, selon ce qui avait été affiché sur le site du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP).
«Les entreprises privées ont pour objectif de faire des profits», dit-on sur le site du SCFP en faisant la promotion de la campagne intitulée Nos énergies à nous.
En matière de contrôle et d’expertise, la SCFP écrivait que «les entreprises privées ne sont pas redevables aux Québécois» – donc qu’elles pourraient «prendre des décisions qui ne sont pas dans notre intérêt ni de celui de l’environnement» – et que «l’autonomie d’Hydro-Québec serait menacée si l’innovation et le développement de nouvelles méthodes de production sont confiés aux entreprises privées».
Noovo Info a tenté d’obtenir des informations et des précisions auprès de l’équipe de Pierre Fitzgibbon, ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, au sujet du projet de légaliser la vente directe d'électricité d'une entreprise privée à une autre et n’a pas obtenu de réponse au moment d’écrire ces lignes.
Avec des informations de Guillaume Théroux et Simon Bourassa, Noovo Info.