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Tout comme la technologie, le congrès de l'ASR va plus loin que jamais et se renouvelle à toute vitesse.
Des chercheurs québécois sont aux premières loges d'une révolution technologique qui a le pouvoir de transformer - et transforme déjà - la sexualité des humains. Si l'érobotique peut causer la surprise, l’incompréhension ou la curiosité, le domaine n’a désormais plus rien d’hypothétique, comme le montre l'ordre du jour lors du congrès international «L’amour et le sexe avec les robots» (ASR), qui se tient samedi et dimanche à l’Université du Québec à Montréal (UQAM).
Tout comme la technologie, le congrès de l'ASR va plus loin que jamais et se renouvelle à toute vitesse. Pour sa neuvième année, une vingtaine de conférences, majoritairement en anglais, porteront sur un éventail de questions liées à l'érobotique, comme la réciprocité des sentiments, les effets du cycle menstruel sur la personnalisation d'un stimulus sexuel, les manifestations de troubles érectiles lors d'une exposition à des scénarios érotiques virtuels ou l'exploration de la créativité artistique des compagnons virtuels.
L’érobotique est un terme créé par deux chercheurs: Simon Dubé, professeur associé au Département de sexologie à l'UQAM, et Dave Anctil, professeur de philosophie et d’intelligence artificielle (IA) au Collège Jean-de-Brébeuf. Il fait référence au domaine de recherche étudiant l’interaction et la co-évolution érotique entre les humains et les machines.
Le terme englobe entre autres les jouets sexuels, les sites de rencontres augmentés avec réalité virtuelle et les agents conversationnels. Simon Dubé s’y intéresse depuis 2017, mais le champ d’études a explosé dans les dernières années, affirme-t-il.
«On est vraiment ailleurs» maintenant, résume Simon Dubé, si bien que les représentations les plus stéréotypées de cette sexualité du futur ne reflètent plus l'éventail de possibilités désormais sur le marché.
Une des avancées les plus impressionnantes, selon lui, est la convergence entre les technologies de l'IA et la production vidéo de l'industrie pornographique, qu'il qualifie de «révolution dans l'industrie du X».
«Les gens créent de plus en plus leur propre pornographie; ils peuvent créer des images et des vidéos complexes et créer des personnages avec lesquels ils peuvent interagir, et après (d'autres personnes) peuvent interagir avec ce contenu», explique Simon Dubé, qui est également chercheur à la Kinsey Institute de l’Université de l’Indiana.
Grâce aux progrès des agents conversationnels, les partenaires artificiels comme Nomi.ai ou Replika n'ont plus la langue dans leur poche. Leurs aptitudes permettent aux utilisateurs et utilisatrices de développer une relation intime avec ceux-ci, d'où le slogan de Nomi.ai, qui promet sur son site internet «un petit ami IA avec une mémoire et une âme».
Contrairement aux croyances populaires, ces relations intéresseraient autant les hommes que les femmes, selon les recherches de Simon Dubé. Toutefois, à l'heure actuelle, une différence demeure: «les hommes seraient plus intéressés à avoir du sexe avec des partenaires artificiels, y compris des robots, que les femmes», précise-t-il.
Devant la profondeur des relations qu'il est maintenant possible d'établir, le besoin de recherche n'a jamais été aussi réel, assure Simon Dubé.
Dans un univers qu'il décrit comme de plus en plus polarisé, le discours nuancé représente presque un anachronisme dans le domaine. Il est pourtant essentiel, soutient le chercheur, en raison de l'«immense potentiel pour ces technologies d'être utilisées de manière problématique».
Le congrès abordera entre autres les questions éthiques qui sont rapidement soulevées lorsqu'on évoque l'érobotique, notamment en lien avec l'inclusivité ou le féminisme.
En effet, si Simon Dubé assure avoir vu une plus grande diversité et inclusivité dans les produits développés au fil des années, il admet que ces outils technologiques demeurent le reflet de notre société. «Je pense qu’on voit une amélioration significative de l'offre, mais est-ce que c'est vraiment ça que (la société) consomme?», s'interroge-t-il.
D'autres enjeux importants comme la protection des données sensibles et les droits des utilisateurs seront à l'ordre du jour. «Il faut vraiment se poser des questions comme société et comme individu, sur comment on amène des compagnies à être responsables quand elles ont entre leurs mains le bien-être relationnel, intime et sexuel des gens», rappelle M. Dubé.
À travers ces questionnements, le congrès sera aussi l'occasion de célébrer les prouesses de l'IA et de donner une voix aux personnes qui utilisent ces produits et les affectionnent. L'approche positive à la sexualité et la technologie est donc priorisée tout au long de l'événement pour souligner sans tabous les bienfaits de ces technologies.
Selon le chercheur, un des points forts de ce congrès ouvert au grand public est la transdisciplinarité. «Chaque année, le (mélange) entre le contenu scientifique et le contenu expérientiel donne une saveur à l'ASR qui est vraiment unique. C'est à la fois informatif, touchant et plaisant», se réjouit le chercheur.
«Qu'on le veuille ou non, ces technologies vont s'intégrer dans notre érotisme. Il faut trouver une manière harmonieuse de le faire.»