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Le chef du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) fait partie des témoins attendus jeudi à un comité parlementaire qui étudie les allégations d’ingérence étrangère dans les élections.
Le comité parlementaire qui étudie les allégations d'ingérence étrangère dans les deux dernières élections fédérales demande la tenue d'une enquête publique et indépendante sur ce dossier.
L'ensemble des partis d'opposition se sont unis jeudi pour faire adopter une motion en ce sens.
Le comité n'a toutefois pas le pouvoir de commander une commission d'enquête ni de contraindre le gouvernement de Justin Trudeau à le faire.
Le premier ministre n'a jusqu'à présent pas fermé la porte à déclencher une telle enquête, mais a souligné que l'examen du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre se déroule déjà publiquement, y compris les témoignages des conseillers en renseignement entendus.
Mercredi, il a néanmoins affirmé être «toujours ouvert à en faire plus» pour rassurer les Canadiens que les institutions sont «robustes et outillées pour contrer l'ingérence étrangère».
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Le leader parlementaire néo-démocrate Peter Julian a défendu jeudi l'idée d'une enquête publique en débattant de sa motion demandant une telle commission.
«Les allégations pourraient possiblement impliquer une violation de la Loi électorale du Canada. Ce sont des allégations très sérieuses», a-t-il fait valoir.
Le conservateur Luc Berthold a, pour sa part, donné en exemple des questions qui pourraient, selon lui, être éclaircies par une enquête.
«Qu'est-ce que le premier ministre Justin Trudeau savait? Quand le premier a-t-il appris? Qu'est-ce que le premier ministre Justin Trudeau a fait? Ou plutôt qu'est-ce qu'il n'a pas fait quand il a eu connaissance des nombreuses allégations d'ingérence du régime de Pékin dans le processus démocratique au Canada?», a-t-il énuméré.
La bloquiste Christine Normandin a pour sa part souligné que sa formation politique souhaite que le commissaire qui présiderait une éventuelle enquête soit nommé au terme d'une entente entre les partis.
«Si on veut rétablir la confiance des électeurs dans leurs institutions démocratiques, s'assurer dès le départ que la personne qui mènera l'enquête ait une forme de crédibilité, c'est absolument nécessaire», a-t-elle plaidé
Le député libéral Greg Fergus, qui siège au comité, a exprimé des réserves quant à l'idée d'une enquête durant le débat sur la motion de M. Julian.
Voyez les explications de Fanny Lachance-Paquette sur ce dossier.
«Il y a des faiblesses dans sa motion. L'une d'entre elles est le fait que cette enquête publique nationale va faire face aux mêmes limites qui sont devant nous aujourd'hui, a-t-il dit. Quelles sortes d'informations peut-on partager avec le grand public sans mettre en péril nos alliances avec les services de renseignement de nos alliés ou les méthodes que nos services utilisent pour (contrer) l'ingérence?»
Des experts entendus en comité partagent cet avis. La conseillère en sécurité nationale et renseignement au Bureau du Conseil privé, Jody Thomas, a d'ailleurs souligné la problématique.
«Nous ne pouvons pas parler dans un forum public des informations qui ont trait à la sécurité nationale«, a-t-elle soutenu. Le directeur du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), David Vigneault, a fait des commentaires similaires.
Dans les derniers mois, la pression s'est accrue sur le gouvernement de Justin Trudeau pour qu'il donne plus d'information sur la façon dont Ottawa répond aux menaces que pose l'ingérence étrangère.
Une série de reportages du réseau Global et du quotidien `The Globe and Mail' ont détaillé des tentatives d'ingérence orchestrées par la Chine au cours des deux dernières campagnes électorales fédérales.
Ces allégations, évoquées dans des fuites anonymes aux médias provenant de sources dans des agences canadiennes de sécurité, portent à croire que Pékin voulait s'assurer de la réélection des libéraux de Justin Trudeau - à la tête d'un gouvernement minoritaire - aux dépens des conservateurs. Les reportages rapportent que, pour ce faire, des consulats ont été pressés de mobiliser des membres de la communauté sinocanadienne.
Ni M. Vigneault ni les autres témoins entendus par le comité n'ont voulu confirmer l'exactitude des allégations.
Le sous-ministre des Affaires étrangères, David Morrison, a vertement critiqué la tournure que prend le débat `sur les réseaux sociaux, dans les médias traditionnels et dans le comité'.
Les Canadiens seraient mieux servis si le débat prenait en compte ce qu'est du renseignement et ce que ce n'est pas. Et de mal interpréter ou prendre un rapport d'intelligence hors contexte peut créer de la division et faire le jeu de certains de nos adversaires», a-t-il laissé tomber.
À VOIR | Les explications de Sabrina Rivet et de l'analyste Karl Bélanger au bulletin Noovo Le Fil 17.
Le chef du SCRS s'est dit préoccupé par les fuites d'information dans les médias et a souligné que son agence menait une enquête à l'interne pour faire la lumière là-dessus. Interpellé à savoir si ces fuites témoignaient de désaccords d'employés du renseignement quant à la façon dont sont gérées les menaces une fois signalées au gouvernement, le chef du SCRS a répondu qu'il y avait, `dans une agence de renseignement avec des professionnels comme on a, (...) toujours des points de vue'.
«Par contre, je voudrais rassurer le comité que les questions spécifiquement d'ingérence font partie des plus importantes qu'on discute, a ajouté M. Vigneault. C'est un dossier que ma collègue directrice d'opération et moi-même on discute de façon très sérieuse avec tous les gens et je ne crois pas qu'il y ait de problèmes à ce niveau-là.»
Il a souligné qu'il existe des mécanismes à l'interne «si quelqu'un n'est pas satisfait» «pour que les personnes puissent soulever les problèmes de façon organisée». Il a mentionné que l'Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement a un processus de traitement de plaintes permettant de recevoir de l'information dite «classifiée».
Témoignant un peu plus tôt, la commissaire aux élections fédérales, Caroline Simard, a fait savoir que son bureau examine des plaintes reçues au cours des dernières semaines au sujet d'allégations d'ingérence étrangère.
«Cette analyse est en cours au moment où je vous parle», a-t-elle indiqué.
En tout 158 plaintes ont été reçues au sujet de «10 situations» en lien avec les élections générales de 2019 et 16 plaintes au sujet de «13 situations» en lien avec celles de 2021.
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Mme Simard aassuré que l'exercice mené par son bureau était impartial et indépendant du gouvernement au pouvoir. `Je suis saisie de l'importance de cet enjeu et du besoin de rassurer les Canadiens et les Canadiennes dans les circonstances exceptionnelles actuelles', a-t-elle dit.
Elle a précisé que le but de l'analyse des plaintes reçues à son bureau était de déterminer si les allégations sont fondées en vertu de la Loi électorale du Canada. Elle a signalé que cela ne lui permettrait toutefois pas de trancher sur la validité de résultats électoraux.
M. Trudeau a rappelé au cours des derniers jours que son gouvernement a mis sur pied un comité de surveillance des élections et que ce dernier a conclu que l'intégrité des deux dernières élections générales a été préservée malgré des tentatives d'ingérence.
En plus de demander une enquête publique, les conservateurs souhaitent aussi que la cheffe de cabinet du premier ministre Trudeau, Katie Telford, comparaisse devant le comité parlementaire poursuivant son étude.
Avec la collaboration de Michel Saba