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Le Canada ne devrait pas soutenir le président rwandais, selon une professeure

Une professeure qui étudie les relations entre les pays et les États autoritaires affirme que le Canada a raté la cible en embrassant chaleureusement le président rwandais Paul Kagame.

Le président rwandais Paul Kagame.
Le président rwandais Paul Kagame.
Dylan Robertson / La Presse canadienne

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La Presse canadienne

Une professeure qui étudie les relations entre les pays et les États autoritaires affirme que le Canada a raté la cible en embrassant chaleureusement le président rwandais Paul Kagame, en marge d'une conférence sur le développement des femmes à Kigali cette semaine.

«Le Rwanda est définitivement un État autoritaire. La plupart des gens diraient qu'il est devenu de plus en plus autoritaire au cours de la dernière décennie», estime Marie-Eve Desrosiers, professeure à l'Université d'Ottawa.

«Chaque mauvais choix que nous faisons, chaque poignée de main, devrait s'accompagner de la question de savoir ce qui se cache derrière cette poignée de main. Parce que cela a un coût», croit-elle.

Cette semaine, une délégation canadienne de haut rang a rencontré M. Kagame dans le cadre de sa visite à la conférence Women Deliver à Kigali, et a rapporté qu'elle avait parlé des moyens par lesquels leurs deux pays pourraient coopérer davantage.

Sur des photos publiées en ligne, le ministre du Développement international Harjit Sajjan, la ministre de l'Égalité des genres Marci Ien et la députée libérale Arielle Kayabaga sourient en serrant la main de M. Kagame. Un communiqué de presse d'Affaires mondiales Canada annonce que « le Canada renforce ses relations bilatérales avec le président rwandais».

L'indice démocratique international Freedom House affirme que M. Kagame est un autocrate responsable de «la surveillance, de l'intimidation, de la torture et des restitutions ou des assassinats présumés de dissidents exilés», tandis que l'organisation non gouvernementale Human Rights Watch affirme que le régime de M. Kagame arrête et menace les opposants politiques.

Paul Kagame dirige le Rwanda depuis 1994, depuis que son Front patriotique rwandais a renversé un régime génocidaire et créé un pays fonctionnel qui prétend être une démocratie. Pourtant, le pays a limité le rôle des médias et de l'organisation politique, en particulier au cours de la dernière décennie.

Le pays a également soutenu les rebelles du M23 qui ont violé, tué et commis des crimes de guerre en République démocratique du Congo, selon Human Rights Watch.

Une démocratie d'apparence

Mme Desrosiers a co-écrit un rapport pour la Westminster Foundation for Democracy intitulé «How (Not) to Engage with Authoritarian States», qui examine en détail comment le Rwanda s'est présenté comme un bénéficiaire de confiance de l'aide occidentale qui épouse des valeurs alignées sur celles des pays donateurs.

«Au lieu d'avoir cette image de dictateurs comme ces individus terrifiants et répressifs... Le Rwanda a vraiment nourri cette image d'un leader innovant sur le continent africain», explique-t-elle.

Par exemple, le Rwanda se vante souvent d'avoir certains des taux les plus élevés au monde de participation des femmes à des fonctions électives et à des rôles tels que la police, mais ces femmes ne peuvent pas exercer leur liberté d'expression.

«C'est comme donner aux femmes l'accès à des postes qui ne sont que théâtraux, par opposition à des postes significatifs et substantiels», illustre l'experte.

«Vous pouvez être un champion en ce qui concerne les femmes, mais si vous êtes dans un pays où les droits de la personne et surtout les droits politiques ne signifient absolument rien, qu'est-ce que cela signifie?»

Mme Desrosiers fait valoir que mettre des dirigeants tels que Paul Kagame sur une plate-forme ne fait que les enhardir à continuer de réprimer leurs populations, ce qui sape la démocratie dans le monde entier.

Mauvaise compréhension

La visite intervient un an après que le premier ministre Justin Trudeau a annoncé que le Canada ouvrirait un haut-commissariat à Kigali, au lieu d'avoir quelques diplomates sur le terrain qui relèvent de la mission diplomatique complète du Canada au Kenya. Cette décision vise en partie à contrecarrer l'influence croissante de la Russie sur le continent. M. Trudeau a déclaré qu'il souhaitait également contribuer à faire progresser les droits de la personne au Rwanda.

Le Canada avait des liens plus étroits avec le Rwanda dans les années 1960, en partie parce que le français jouait un rôle plus important au Rwanda avant le génocide et que le Canada contribuait au développement du secteur de l'éducation du pays.

Mais l'implication d'Ottawa a diminué, notamment avec la dégradation de sa présence diplomatique sous le gouvernement conservateur de Stephen Harper.

«Parce que nous sommes partis, nous n'avions pas nécessairement les oreilles et les yeux sur le terrain comme nous en avions dans le passé», croit Mme Desrosiers.

La compréhension limitée du Canada à l'endroit du Rwanda «nous pousse à nous enthousiasmer pour des choses brillantes comme des conférences faisant l'éloge des femmes», poursuit-elle, soutenant que le même problème entoure l'approche du Canada envers des pays comme le Zimbabwe.

Mme Desrosiers ajoute que le Canada peut essayer de mieux comprendre le pays grâce à une présence diplomatique élargie.

Selon elle, avoir une influence démontrable au Rwanda aiderait à saper ce qu'elle dit être la réponse habituelle du pays lorsque M. Kagame est critiqué — accuser les pays occidentaux d'être condescendants et coloniaux.

Ottawa est devenu «de plus en plus timide pour condamner les pratiques problématiques, note la spécialiste. Et le Canada n'a certainement pas la présence en Afrique pour être le seul à commencer à dénigrer ce que font certains de ces régimes.»

«Il est important que les Canadiens poussent leurs gouvernements à s'engager sur ces questions», croit-elle.

Au cours de la dernière année, le Canada a déclassé un plan longtemps retardé pour sa politique envers l'Afrique d'une stratégie à un cadre, au milieu des critiques selon lesquelles les libéraux ne prennent pas la région au sérieux.

Depuis au moins un an, les libéraux ont déclaré qu'ils évaluaient la présence diplomatique du Canada sur le continent, les groupes auxquels il devrait participer et les objectifs qu'il devrait présenter aux dirigeants africains.

L'idée est de s'appuyer sur les programmes commerciaux et d'aide existants et d'avoir une approche coordonnée du continent à croissance rapide.

Dylan Robertson / La Presse canadienne

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La Presse canadienne