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Le principal organisme de surveillance des prisons du pays affirme que les préoccupations et les obstacles systémiques, y compris la discrimination, les stéréotypes, les préjugés raciaux et l’étiquetage, sont «aussi répandus et persistants qu’auparavant».
Le Canada a fait peu de progrès dans la lutte contre la surreprésentation des personnes noires et des autochtones dans les prisons, certains faisant face à des conditions encore pires qu’il y a dix ans, selon un nouveau rapport.
Le principal organisme de surveillance des prisons du pays affirme que les préoccupations et les obstacles systémiques, y compris la discrimination, les stéréotypes, les préjugés raciaux et l’étiquetage, sont «aussi répandus et persistants qu’auparavant».
L’enquêteur correctionnel Ivan Zinger a dit lors d’une conférence de presse mardi qu’il était déçu que l’agence «extraordinairement bien financée» en charge des prisons canadiennes n’ait pas reconnu son rôle dans l’inversion de la crise de surreprésentation.
«Pour une organisation qui dépense autant d’argent pour avoir de mauvais résultats correctionnels, en particulier pour les prisonniers autochtones ainsi que pour les prisonniers noirs, c’est une véritable honte et quelque chose dont les Canadiens devraient se préoccuper», a-t-il déclaré.
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Le Service correctionnel du Canada (SCC) emploie environ 1,2 membre du personnel pour chaque personne incarcérée et dépense près de 109 000 $ par an par prisonnier, a souligné M. Zinger, ce qui le place parmi les agences les mieux financées au monde. «Ce sont des chiffres phénoménaux», a-t-il dit.
Le ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino, qui supervise le service, a annoncé qu’il accueillait favorablement le rapport «méticuleux» et que de «nombreux travaux» sont en cours pour résoudre les problèmes.
«Je me réjouis à l’idée de travailler en étroite collaboration avec le SCC pour veiller à ce que des progrès soient réalisés à l’égard des questions soulevées dans ce rapport afin d’améliorer notre système correctionnel fédéral», a-t-il précisé dans une déclaration écrite.
«Tous les délinquants doivent pouvoir purger leur peine dans la dignité et sans crainte, dans un environnement propice à la réadaptation et qui les prépare à réintégrer la société canadienne», a-t-il ajouté.
Le dernier rapport annuel de M. Zinger comprend une enquête sur l’expérience des prisonniers noirs et la première partie d’une enquête sur les peuples autochtones dans le système carcéral. Les deux sont des mises à jour des rapports historiques de 2013, et aucune grande amélioration n’a été observée depuis.
Les prisonniers noirs représentent 9,2 % de la population carcérale totale, bien qu’ils ne représentent qu’environ 3,5 % de l’ensemble de la population canadienne, indique le rapport. Plus d’un tiers d’entre eux sont de jeunes hommes noirs âgés de 18 à 30 ans.
L’enquête a révélé que les prisonniers noirs étaient plus susceptibles d’être surreprésentés dans les établissements à sécurité maximale, impliqués dans des «incidents où il y a recours à la force», transférés involontairement, placés à l’isolement, inculpés en établissement et évalués comme «à haut risque» et «moins motivés».
Les prisonniers noirs ont raconté leurs expériences de «discrimination explicite, stéréotypes, préjugés et traitement différentiel», lit-on dans le rapport, et l’utilisation constante d’un «langage raciste», en plus d’être «ignorés et méprisés d’une manière qui accroît leurs sentiments de marginalisation, d’exclusion et d’isolement».
Ils ont également dit aux enquêteurs qu’ils étaient plus susceptibles d’être étiquetés comme «membre d’un gang» ou traités comme tels.
M. Zinger a décrié le service correctionnel pour une réponse «décevante» à ses recommandations, et pour avoir systématiquement omis d’inclure les contributions et le soutien des groupes communautaires noirs. Il a ajouté que l’agence avait promis en retour davantage de formation à la sensibilité, d'études et d’examens des politiques.
«L’engagement déclaré du service de créer “une organisation antiraciste plus inclusive, diversifiée et équitable” semble bien sur le papier», a-t-il indiqué aux journalistes.
«Mais les systèmes descendants, axés sur la diversité, l’inclusion et l’antiracisme ne sont pas susceptibles de parvenir à éradiquer le traitement discriminatoire et injuste que les Noirs nous ont constamment rapporté au cours de cette enquête», a-t-il ajouté.
La surreprésentation des Autochtones en prison continue de s’aggraver, les Autochtones représentant désormais 32 % de la population carcérale et plus de 50 % des femmes incarcérées.
Les Autochtones sont également plus susceptibles d’être soumis à l’usage de la force par des agents correctionnels, mis en unité d'intervention structurée, placés en sécurité maximale et étiquetés comme des membres d’un gang.
Les détenus autochtones sont plus susceptibles de s’automutiler et de tenter de se suicider. Cinq personnes sur six qui se sont suicidées l’année dernière étaient autochtones, a spécifié M. Zinger.
«Nous avons trouvé, encore une fois, des résultats terribles», a-t-il déclaré.
Bien que plus de 30 recommandations aient été faites au service correctionnel au fil des ans sur la façon de résoudre le problème, notamment en finançant des pavillons de ressourcement et en autorisant la surveillance des délinquants autochtones dans leurs propres communautés, il «n’y a pas eu beaucoup de suite à bon nombre d'entre elles», a souligné M. Zinger.
Le rapport de M. Zinger comprend une troisième enquête portant sur les formes restrictives de détention dans les pénitenciers à sécurité maximale pour hommes.
Il a constaté que la législation fédérale visant à remplacer l’ancien régime d’«isolement préventif» par des «unités d’intervention structurée» n’a pas réussi à empêcher la création et l’extension de conditions assimilables à l’isolement.
Un large éventail de pratiques similaires à l’isolement cellulaire sont encore utilisées, y compris les «unités à association limitée sur la base volontaire», qui sont censées être conçues pour les «détenus qui ne veulent pas s’intégrer dans la population carcérale générale et qui ne répondent pas aux critères de placement en isolement préventif», indique le rapport.
Ceux-ci «existent en dehors de la loi», indique le rapport, et M. Zinger appelle le service correctionnel à développer une politique nationale traitant de tels systèmes qui tienne compte des droits, libertés et privilèges des détenus.
Le bureau de l’enquêteur correctionnel a fait 18 recommandations au gouvernement fédéral dans son ensemble, dont huit axées sur l’amélioration de la vie des prisonniers noirs.
Les recommandations comprennent l’élaboration d’une stratégie nationale qui aborde spécifiquement «les expériences vécues et les obstacles uniques auxquels sont confrontés les Noirs purgeant une peine de ressort fédéral» et un nouvel appel à la nomination d’un nouveau sous-commissaire axé exclusivement sur les services correctionnels autochtones.
Entre autres choses, M. Zinger exhorte également le gouvernement à interdire l’utilisation des cellules sèches au-delà de 72 heures, à mettre à jour la stratégie nationale antidrogue du SCC, à modifier un système «discriminatoire» de niveaux pour les femmes placées dans des unités à sécurité maximale et à ajouter des équipements de sécurité de base tels que des ceintures de sécurité aux détenus dans les véhicules d’escorte.