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Certains déchets industriels sont transférés au-delà des frontières des pays d’où ils proviennent pour être recyclés ou éliminés.
Le Canada ignore où aboutissent certains déchets industriels importés des États-Unis et du Mexique et d'importantes lacunes subsistent dans la déclaration et le suivi des transferts pour l'élimination de déchets industriels à l’échelle du continent.
C’est ce que révèle un rapport de la Commission de coopération environnementale (CCE) de l’Amérique du Nord, qui a analysé les données déclarées par quelque 24 000 établissements industriels du Canada, des États-Unis et du Mexique à leur Registre de rejets et de transferts de polluants (RRTP) national respectif.
Certains déchets industriels sont transférés au-delà des frontières des pays d'où ils proviennent pour être recyclés ou éliminés.
Par exemple, des municipalités canadiennes, des sites gaziers et d'autres industriels ont envoyé plusieurs centaines de kilogrammes de phosphore total dans les dernières années aux États-Unis, pour élimination.
Comment ce phosphore a-t-il été éliminé? Difficile de le savoir, car si au Canada, il est obligatoire de déclarer les déchets de phosphore total, ce n'est pas le cas aux États-Unis.
À l'inverse, les entreprises américaines doivent déclarer les déchets de baryum, mais pas les entreprises canadiennes.
Des sites canadiens reçoivent pourtant des déchets de baryum provenant d'aciéries américaines, mais on ignore où aboutissent ces déchets.
«Aussitôt qu'il transite la frontière, on ne sait pas quelle est la destination de ce baryum», a expliqué Danielle Vallée, chargée de projet de l'Initiative RRTP de l'Amérique du Nord.
Dans son rapport, la Commission de coopération environnementale de l'Amérique du Nord indique que les différentes exigences de déclaration des RRTP pour les déchets industriels et l'impossibilité, dans certains cas, de suivre leurs traces, entravent la capacité des chercheurs, des gouvernements et de la population à comprendre pleinement les risques liés à leur élimination.
«Si le baryum se retrouve dans un site d'enfouissement, ou dans un bassin de retenue, et qu'il n'y a pas de contrôle adéquat, ça peut contaminer les eaux souterraines, donc des sources d'eau potable», a indiqué Danielle Vallée à La Presse Canadienne.
«Qu'est-ce qui arrive dans un contexte de changement climatique? Qu'est-ce qui arrive si une inondation se produit et qu'on ne connaît pas les sortes de polluants que contient un site d'enfouissement? On a alors de la difficulté à gérer efficacement et rapidement les risques pour la communauté et l'environnement», a ajouté Mme Vallée.
La Commission de coopération environnementale de l'Amérique du Nord est un organisme intergouvernemental créé en 1994, pour favoriser la protection de l'environnement après la création de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA).
Pour que la commission puisse remplir son mandat et que la population soit protégée, le rapport de la CEE souligne que les pays doivent mettre à jour leur registre national de polluants.
Chaque programme national de RRTP possède sa propre liste de polluants (ou groupes de polluants) qui sont sujets à déclaration. Au Canada, l'Inventaire national des rejets de polluants compte environ 320 substances, le RETC mexicain 200, et l'inventaire des rejets toxiques américain en a plus de 700. Seulement 70 polluants (ou groupes de polluants) sont communs aux trois pays.
«On travaille avec les programmes des trois pays pour montrer où sont les lacunes. Si on avait des données comparables pour les trois pays, on pourrait développer de meilleures pratiques de gestion de déchets et minimiser la génération de déchets», a expliqué Danielle Vallée.
Le rapport a également mis au jour d'autres problèmes de qualité des données, comme des déclarations de codes de secteur industriel erronés, «qui sont susceptibles d'avoir d'importantes répercussions sur la capacité de savoir en quoi consistent les activités industrielles en Amérique du Nord, de même que les polluants qu'elles génèrent».
Dans d'autres cas, les informations dans les déclarations des entreprises sont tout simplement insuffisantes.
«Les informations pour les transferts transfrontaliers ont tendance à être incomplètes, parfois l'entreprise remplit la déclaration, mais ne connaît pas nécessairement les coordonnées du site dans l'autre pays où elle envoie ses déchets», a souligné Danielle Vallée.
Le rapport met en garde contre les impacts négatifs des substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées (SPFA), un groupe de produits chimiques synthétiques connus sous le nom de «substances chimiques éternelles».
Certains SPFA sont associés au cancer, à des problèmes de thyroïde et de foie et à des malformations congénitales.
La CEE rappelle que récemment, des niveaux élevés de SPFA ont été retrouvés dans des biosolides à base de boues d'épuration appliqués sur les terres agricoles aux États-Unis et ailleurs.
En mars dernier, le gouvernement du Québec a annoncé l'imposition d'un moratoire temporaire sur l'épandage agricole des biosolides importés des États-Unis.
La CEE recommande que les SPFA soient inclus dans les listes de polluants des RRTP.
Le rapport de la CCE indique que les établissements industriels du Canada, des États-Unis et du Mexique ont déclaré au total quelque 5 milliards de kilogrammes de polluants chaque année, dont 335 millions qu'ils ont transférés hors site pour élimination.
Les auteurs du rapport ont indiqué que l'étude avait été élaborée en réponse aux préoccupations que soulèvent certaines pratiques d'élimination des déchets, telles que l'enfouissement et l'épandage sur le sol, qui peuvent libérer des contaminants dans l'environnement et entraîner une pollution à long terme tout en ayant des effets néfastes sur la santé de la population.