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«Notre rôle est de voir comment on peut aider et on ne peut plus être naïfs là-dedans. Si on voulait bien aider au cours des dernières années, mais que ça a donné ce qu’on voit maintenant, il faut qu’on ait une nouvelle approche».
Le Canada reste déterminé à jouer un rôle de premier plan dans une éventuelle intervention de la communauté internationale en Haïti, assure le premier ministre Justin Trudeau tout en insistant sur l'importance de changer d'approche afin d'éviter de répéter les erreurs du passé.
«Notre rôle est de voir comment on peut aider et on ne peut plus être naïfs là-dedans. Si on voulait bien aider au cours des dernières années, mais que ça a donné ce qu’on voit maintenant, il faut qu’on ait une nouvelle approche», a-t-il dit en français au cours d’une entrevue de fin d’année accordée à La Presse canadienne.
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Le sujet s’invitera vraisemblablement à la table de discussions du Groupe d’intervention en cas d’incident qui se réunit mardi pour aborder la crise en Haïti.
M. Trudeau, qui présidera la rencontre, a mentionné durant l’entretien que le Canada a une expérience d’une trentaine d’années à fournir du soutien à la perle des Antilles. Or, il a noté que plusieurs initiatives en matière de développement international n’ont pas donné les résultats escomptés, comme celles de formation de policiers.
«On a une longue histoire en Haïti et on se retrouve quand même, 30 ans plus tard, dans une crise aussi grave sinon pire que les autres», a souligné le premier ministre.
Il a présenté le régime de sanctions du Canada comme un élément de la nouvelle approche souhaitée. Ottawa a sanctionné -- conjointement avec Washington -- des membres de l’élite haïtienne jugés responsables ou complices des violences subies par la population en Haïti.
M. Trudeau a évoqué, au cours de l’entrevue, une volonté de voir des pays d’Europe emboîter le pas au gouvernement canadien.
«On emmène les États-Unis et peut-être même l’Europe à (mettre de l’avant) leurs propres sanctions aussi.»
Le premier ministre n’a pas manqué de réitérer que d’autres sanctions allaient s’ajouter à la liste du Canada. Sa ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, l’a récemment signalé.
Le premier ministre Trudeau a dépêché en Haïti l’ambassadeur du Canada aux Nations unies, Bob Rae, pour tenter de trouver une voie de passage vers un consensus afin de sortir le pays de la crise.
Le peuple haïtien est confronté, depuis les derniers mois, à une nouvelle vague de violences par des bandes armées dont les membres perpètrent des viols répétés et des blocages empêchant la population de recevoir des services essentiels.
En plus des enjeux criants de sécurité, le pays est actuellement confronté à une éclosion de choléra et à de l’insécurité alimentaire.
M. Trudeau, s’il reconnaît sans détour que les interventions passées du Canada n’ont pas permis aux Haïtiens de trouver un climat de stabilité, ne va pas jusqu’à parler de constat d’échec. Questionné à ce chapitre, il a plutôt employé le mot «déception».
«C’est certain qu’on est extrêmement déçu de voir la situation, mais (ce) n’est rien comparé à la violence et à ce que sont en train de vivre les Haïtiens actuellement», a-t-il répondu.
Néanmoins, quelques phrases plus tard, le premier ministre a employé le mot `échec' en revenant sur le régime de sanctions du Canada.
«C’est peut-être une façon de briser ce ''pattern'' qui est là depuis longtemps, mais qui n’est pas juste un échec du Canada tout seul, mais (aussi) des Nations Unies, des États-Unis, de la France, de l’Europe -- de tout le monde qui a voulu aider au cours des années, mais sans voir de vrais résultats pour la perle des Antilles», a laissé tomber M. Trudeau.
Le premier ministre haïtien Ariel Henry et président autoproclamé -- qui n’a pas été élu au terme d’élections -- a demandé une intervention militaire étrangère afin de permettre d’ériger un corridor humanitaire.
Le secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, s’est dit favorable et les États-Unis ont participé à des discussions, depuis, sur le sujet, évoquant que le Canada pourrait assumer un rôle de leader.
Appelé à préciser s’il entrevoit toujours qu’Ottawa puisse mener la parade, M. Trudeau a assuré que oui, écartant toute possibilité de rôle secondaire.
«Il y a un niveau de confiance entre le peuple haïtien et le gouvernement du Canada qu’ils ont moins avec d’autres alliés ailleurs. Donc on est bien positionné pour ça», a-t-il affirmé.
Le premier ministre a noté qu’Ottawa tente d’impliquer des intervenants issus des Caraïbes et de l’Amérique du Sud tout en réitérant que le Canada serait «au premier plan».
«L’une des choses qu’on cherche à faire, c’est justement d’emmener avec nous d’autres pays (…) du sud mondial pour faire partie d’une approche qui (ne va pas) seulement (se résumer à) ''ça va être encore le Nord, l’Occident, qui va venir à la rescousse de l’Haïti''», a soutenu M. Trudeau.
Tout au long du segment de l’entrevue sur la crise en Haïti, il a martelé qu’Ottawa souhaite entraîner les Haïtiens à trouver un consensus sur la marche à suivre.
Les dernières élections dans ce pays remontent à avant la pandémie de COVID-19. L’ex-président Jovenel Moïse a été assassiné en juillet 2021 et le premier ministre Henry s'est ensuite présenté comme leader.