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Québec annonce qu’il modifiera le projet de loi 96 réformant la Charte de la langue française.
Un nouvel épisode de la partie de bras de fer entre le ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, et la juge en chef de la Cour du Québec, Lucie Rondeau, a eu lieu lundi, alors que Québec a annoncé sa décision de modifier le projet de loi 96 de manière à encadrer et restreindre le critère du bilinguisme au moment de sélectionner les nouveaux juges.
L'enjeu de fond consiste à déterminer d'une part l'étendue du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif, et de l'autre, celle de l'indépendance du pouvoir judiciaire.
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À première vue, la juge Rondeau sort gagnante, car le ministre Jolin-Barrette a annoncé lundi matin qu'il n'en appellera pas du jugement de la Cour supérieure, rendu en février, qui en venait à la conclusion que le ministre n'avait pas le pouvoir de s'ingérer dans le processus de sélection des magistrats.
Le juge Christian Immer a donc donné raison à la juge Rondeau, qui considérait que pour des raisons d'efficacité des tribunaux, elle pouvait exiger la maîtrise de l'anglais pour combler un des postes à la Cour du Québec, et ce, sans consulter le ministre.
La Cour supérieure avait conclu le mois dernier que le ministre de la Justice ne jouissait «d'aucun pouvoir quant à la rédaction des avis de sélection des candidats à la fonction de juge à la Cour du Québec». Il revenait donc à la juge en chef de fixer les critères de sélection.
Mais le ministre Jolin-Barrette n'avait pas dit son dernier mot. En marge de sa démarche de promotion du français, encadrée dans le projet de loi 96 présentement à l'étude, le ministre maintient que la nomination des juges relève du pouvoir exécutif et qu'il s'oppose toujours à l'idée de voir la connaissance de l'anglais faire partie des critères de nomination de six juges de la Cour du Québec.
Après avoir étudié le jugement, le ministre de la Justice en est donc venu à la conclusion qu'il n'était pas nécessaire de le contester, car il avait tous les leviers requis pour affirmer ses droits sur la composition de la magistrature et éviter que le bilinguisme devienne une exigence systématique pour devenir juge au Québec.
Il passera donc par la voie législative pour obtenir gain de cause et imposer sa façon de faire, en amendant le projet de loi 96, en modifiant le Règlement sur la procédure de sélection des candidats à la fonction de juge de la Cour du Québec, de juge d'une cour municipale ou de juge de paix. Il modifiera aussi la Loi sur les tribunaux judiciaires.
Le gouvernement Legault va clarifier le règlement `afin d'y apporter les modifications nécessaires, afin d'assurer que la maîtrise d'une langue autre que la langue officielle ne soit pas un obstacle systématique pour accéder à la fonction de juge au Québec', a indiqué le cabinet du ministre de la Justice.
Dans son argumentaire, le ministre fera valoir dans ses amendements que la Charte de la langue française prévoit depuis 1977 que cette langue doit être celle de l'administration de la justice au Québec.
On ne pourra donc pas exiger qu'un candidat à la magistrature maîtrise une autre langue que le français, sauf dans des circonstances bien précises: notamment en démontrant que cela est «nécessaire», «raisonnable» et en consultant le ministre.
Ce dernier veut faire en sorte de ne pas exclure d'emblée un candidat à la magistrature uniquement parce qu'il ne parle pas anglais.
Ces dernières années, la tendance était plutôt d'exiger la connaissance de l'anglais des futurs juges.