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Justice

La Couronne réclame 15 ans de prison pour l'ancien magnat de la mode Peter Nygard

L'ex-magnat de la mode Peter Nygard a été reconnu coupable en 2023 de quatre chefs d'accusation d'agression sexuelle.

Peter Nygard quitte le tribunal dans un fourgon de police, après avoir été reconnu coupable de quatre chefs d'accusation d'agression sexuelle, à Toronto, le dimanche 12 novembre 2023.
Peter Nygard quitte le tribunal dans un fourgon de police, après avoir été reconnu coupable de quatre chefs d'accusation d'agression sexuelle, à Toronto, le dimanche 12 novembre 2023.
/ La Presse canadienne

L’une des femmes agressées sexuellement par l’ancien magnat de la mode Peter Nygard a pleuré devant le tribunal, mercredi, en décrivant comment l’agression d’il y a plusieurs décennies avait «entaché» sa vie, érodant sa santé mentale, interférant avec sa carrière et la dissuadant de nouer des relations à long terme.  

La femme, qui ne peut être identifiée en vertu d’une ordonnance de non-publication, a déclaré qu’elle avait commencé à avoir des crises de panique et de l’anxiété après que M. Nygard l’a violée au siège social de son ancienne entreprise à Toronto, à la fin des années 1980.

Après cela, la femme «ne pouvait plus supporter d’être vue», ce qui a entravé sa brillante carrière d’actrice, et elle ne pouvait pas non plus faire confiance aux hommes ou développer des relations plus significatives, a-t-elle confié devant un tribunal de Toronto au début de l’audience de détermination de la peine de M. Nygard.

«Ce viol a entaché ma vie, a-t-elle clamé.  Je n’ai pas exploité tout mon potentiel.»

«Je suis maintenant une femme de 63 ans et je suis profondément attristée par le manque d’amour dans ma vie, a-t-elle ajouté. Rétrospectivement, je me rends compte que c’est le résultat direct de ce viol.»

Peter Nygard, 83 ans, a été reconnu coupable de quatre chefs d’accusation d’agression sexuelle en novembre dernier, mais a été acquitté d’un cinquième chef d’accusation, ainsi que d’une accusation de séquestration.

Les accusations portent sur des allégations datant des années 1980 jusqu’au milieu des années 2000.

Autres témoignages

Deux autres plaignantes, dont aucune n’a pu être identifiée, ont également mis à nu mercredi l’impact émotionnel et mental durable des agressions sexuelles.

«Les dégâts causés par mon agression sexuelle sont infinis», a dit l’une d’elles dans une déclaration lue au tribunal.

«Les cauchemars sont sans fin, sans parler de la douleur et de la honte», a-t-elle déclaré, ajoutant que les procédures judiciaires — et les retards au stade de la détermination de la peine — lui ont fait revivre le traumatisme et ont prolongé le processus de guérison.

Une autre plaignante a déclaré que sa vie avait déraillé à cause des actions de Peter Nygard et qu’elle vivait désormais «sous un voile de tristesse». 

«Je suis toujours fragile, je suis toujours fragile», a-t-elle affirmé.

La mère de l’une des plaignantes a également décrit sa culpabilité persistante dans une déclaration écrite lue par la Couronne, affirmant qu’elle avait été induite en erreur en emmenant sa fille «dans un piège où elle a été violée».

Peine de 15 ans demandée

Les procureurs ont avancé mercredi que même si une peine de 19 ans serait appropriée, ils demandent au juge de condamner M. Nygard à 15 ans de prison pour tenir compte de son âge et de son état de santé. 

La Couronne demande également que M. Nygard reçoive un crédit d’un jour pour chacun des 1000 jours et plus qu’il a passés en détention jusqu’à présent, au lieu de 1,5 jour.

Parmi les facteurs aggravants figurent la préméditation et le fait que Peter Nygard a utilisé sa richesse, son pouvoir et sa position dans la société pour exploiter des jeunes femmes pour son propre plaisir, a soutenu le procureur de la Couronne Neville Golwalla.

«Ce modèle doit être compris pour ce qu’il est. En termes simples: prédateur», a dit Me Golwalla.

Les violations du consentement par Peter Nygard étaient «délibérées et manifestes», a-t-il plaidé, notant que les plaignantes ont affirmé avoir dit non à plusieurs reprises et que le verdict suggère que le jury a cru leur récit. 

«Le consentement n’était pas dans l’esprit de M. Nygard. La possession était ce qui nourrissait ses actions», a martelé Me Golwalla.

Facteurs atténuants

L’âge de Peter Nygard et son état de santé sont des facteurs atténuants, a suggéré son avocate.

Gerri Wiebe a déclaré que son client n’est pas simplement confronté à des problèmes de santé dus au vieillissement, mais qu’il a besoin de «soins et traitements améliorés» pour vivre. 

Elle a énuméré un certain nombre de problèmes de santé, notamment le diabète de type 2, qu’il était auparavant capable de gérer en partie grâce à son alimentation avant d’être placé en détention. On lui sert continuellement de la «nourriture inappropriée» et il a perdu beaucoup de poids en détention, a-t-elle souligné. 

M. Nygard souffre également d’une détérioration de sa vision, de douleurs chroniques et d’allergies multiples, ainsi que de problèmes de mobilité et d’incontinence dus à une hypertrophie de la prostate, a-t-elle relevé.

Me Wiebe a également contesté certaines des circonstances aggravantes énumérées par la Couronne.

Me Golwalla a soutenu que c’était à Peter Nygard de démontrer que ses besoins médicaux ne pouvaient pas être satisfaits dans un établissement correctionnel. 

M. Nygard était assis dans un fauteuil roulant pendant une partie de l’audience de mercredi, portant une veste d’hiver sur un chandail à capuchon et ce qui semblait être une visière.

L’audience de détermination de la peine qui a débuté mercredi a été repoussée à plusieurs reprises, en partie parce que les deux précédents avocats de la défense de M. Nygard, Brian Greenspan et Megan Savard, ont demandé à se retirer de l’affaire plus tôt cette année.

Peter Nygard, qui dirigeait autrefois un empire vestimentaire de plusieurs millions de dollars, a également été confronté à des problèmes de santé tout au long de cette affaire.

Autres accusations

Outre le cas de Toronto, il fait également face à des accusations dans deux autres provinces et aux États-Unis.

Son procès au Manitoba pour des accusations d’agression sexuelle a été retardé en partie à cause de la démission de Me Greenspan comme avocat de la défense dans cette affaire ainsi que dans celle de Toronto. 

M. Nygard fait également face à un chef d’accusation d’agression sexuelle et à un chef de séquestration au Québec. 

Il a été arrêté pour la première fois à Winnipeg en 2020 en vertu de la Loi sur l’extradition après avoir été inculpé de neuf chefs d’accusation à New York, dont des accusations de trafic sexuel et de racket.

En mai, le plus haut tribunal du Manitoba a rejeté la demande de révision judiciaire de l’ordonnance d’extradition de Nygard, estimant qu’il n’y avait aucune raison d’interférer avec l’ordonnance émise par le ministre de la Justice de l’époque, David Lametti.

Aucune des accusations criminelles portées contre M. Nygard au Québec, au Manitoba ou aux États-Unis n’a été testée devant les tribunaux, et il a nié toutes les allégations portées contre lui.

/ La Presse canadienne