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Après de multiples retards dans l'affaire, l'homme de 83 ans avait été reconnu coupable de quatre chefs d'accusation en novembre dernier.
Peter Nygard est un «prédateur sexuel» qui n'a montré aucune empathie pour ses victimes, a déclaré lundi un juge de l'Ontario en condamnant l'ancien magnat canadien de la mode à 11 ans de prison pour ses agressions sexuelles commises à Toronto.
Si l'on déduit le temps déjà passé en détention préventive, l'homme de 83 ans devrait purger un peu moins de sept ans de prison. Nygard sera par ailleurs admissible à une libération conditionnelle dans un peu plus de deux ans.
Le juge Robert Goldstein, qui a présidé l'affaire en Cour supérieure de l'Ontario, a qualifié Nygard lundi de «"success story" canadienne qui a mal tourné».
«Peter Nygard est un prédateur sexuel», a déclaré le juge Goldstein en prononçant sa peine, lundi, après de multiples retards et reports dans ce procès.
Nygard, qui est arrivé au tribunal en fauteuil roulant, ne s'était pas adressé à la cour lorsqu'il en avait eu l'occasion. Son avocate Gerri Wiebe a déclaré plus tard à l'extérieur du tribunal que Nygard ferait appel du verdict et de la peine.
Il a été reconnu coupable en novembre de quatre chefs d'agression sexuelle, mais acquitté d'un cinquième chef d'accusation ainsi que d'un chef de séquestration.
Les accusations découlent d’allégations datant des années 1980 jusqu’au milieu des années 2000, alors que plusieurs femmes l'accusaient de les avoir agressées sexuellement au siège social de la prospère entreprise de mode féminine à Toronto.
L'identité des victimes est protégée par une ordonnance de non-publication, mais l'une d'elles a fourni une brève déclaration écrite que la thérapeute Shannon Moroney – qui a déclaré avoir conseillé plusieurs victimes – a lue aux journalistes à l'extérieur du tribunal.
«Aujourd'hui, nous, les survivantes, pouvons enfin tourner la page», a-t-elle lu. «Ce fut un voyage long et cahoteux, mais nous l'avons fait.»
À l'extérieur du tribunal, le procureur Neville Golwalla a d'ailleurs souligné le «processus très difficile pour les plaignantes» et les a félicitées «pour leur courage».
L'avocate de Nygard avait réclamé en juillet une peine de six ans, invoquant l'âge et la mauvaise santé de son client; la Couronne demandait une peine de 15 ans.
Le juge Goldstein a rejeté l’argument en faveur d’une peine réduite, soulignant que Nygard avait déjà reçu un traitement spécial en détention en raison de ses divers problèmes de santé et que son âge avancé ne constituait pas une raison suffisante pour assouplir la peine. Le juge a également suggéré que Nygard avait exagéré ses problèmes de santé.
Me Wiebe avait fait valoir devant le tribunal en juillet qu’une longue peine serait dévastatrice pour son client, qui souffre de diabète de type 2 et d’une vision détériorée, entre autres ennuis de santé.
Mais le juge Goldstein a déclaré que le dossier pénitentiaire de Nygard montre que même si tous ses besoins n'ont pas été satisfaits en prison, il bénéficie toujours d'accommodements exceptionnels par rapport aux autres détenus — comme un accès régulier à un téléphone et des repas apportés à son chevet.
Le juge a par ailleurs cité un certain nombre de facteurs aggravants dans sa détermination de la peine, notamment la violence et la manipulation impliquées dans les crimes. Il a souligné que Nygard avait utilisé sa richesse et son influence pour attirer ses victimes au siège de sa société à Toronto et les agresser.
«Il a intentionnellement humilié et dégradé chaque victime», a déclaré le magistrat, soulignant qu'une des victimes n'avait que 16 ans à l'époque.
Le juge a rappelé que Nygard avait soumis plusieurs lettres de soutien de personnes qui affirmaient ne l'avoir jamais vu avec des filles mineures ou maltraiter des femmes. Mais le magistrat a déclaré que ces lettres contenaient des «observations dénuées de sens» et qu'il ne les considérait pas comme de véritables références sur sa moralité.
«Ce n'est pas un facteur atténuant que M. Nygard ait pu désigner les nombreuses femmes qu'il n'a pas violées», a souligné le juge.
Peter Nygard avait fondé une petite entreprise de mode à Winnipeg en 1967, qui est devenue au fil du temps Nygard International. Son entreprise produisait des vêtements pour femmes sous plusieurs marques et possédait des manufactures au Canada et aux États-Unis. Ses magasins de Winnipeg étaient autrefois drapés de ses photos.
Outre cette affaire à Toronto, Nygard fait également face à des accusations au Québec, au Manitoba et aux États-Unis.
Il avait été arrêté pour la première fois à Winnipeg en 2020 en vertu de la Loi canadienne sur l'extradition, après avoir été accusé aux États-Unis de neuf chefs d'accusation, à New York, notamment de trafic sexuel et de racket.
En mai dernier, le plus haut tribunal du Manitoba a rejeté la requête de Nygard pour un examen judiciaire de son ordonnance d'extradition vers les États-Unis. La cour a conclu qu'il n'y avait aucune raison d'interférer avec l'ordonnance émise par le ministre de la Justice de l'époque, David Lametti.
Aucune des accusations criminelles portées contre Nygard au Québec, au Manitoba ou aux États-Unis n'a été testée devant un tribunal, et il a nié toutes les allégations.
«Il va continuer à se défendre là où il le peut, à faire appel là où il le peut», a déclaré lundi Me Wiebe.