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«Ce n'est pas en allant débaucher des infirmières d'une province à une autre que vous réglerez la crise du système de santé que nous traversons en ce moment», estime Sylvain Brousseau qui préside l'Association des infirmières et infirmiers du Canada.
Des efforts pour attirer des infirmières d'autres provinces sont en cours dans certaines régions du Canada, mais le président d'une association nationale d'infirmières affirme que ce maraudage ne résoudra rien, à moins que les conditions de travail ne soient améliorées.
«Nous savons que les infirmières font face à des conditions de travail inadéquates, et c'est la principale raison pour laquelle beaucoup quittent leur emploi», selon Sylvain Brousseau, qui préside l'Association des infirmières et infirmiers du Canada. «Si les conditions de travail et la rétention ne sont pas au centre des préoccupations, les nouvelles infirmières recrutées dans d'autres provinces pourraient se retrouver à vouloir quitter leur emploi.»
Cette semaine, le Réseau de santé Horizon, l'une des deux autorités sanitaires du Nouveau-Brunswick, a organisé des événements de recrutement de trois jours à Edmonton, Toronto, Ottawa et Montréal. Son argumentaire pour attirer 120 infirmières dans la province comprend la promesse d'une vie attrayante près de l'océan avec des incitatifs financiers pouvant atteindre 20 000 $.
Un porte-parole du Réseau a signalé que le recrutement à l'extérieur du Nouveau-Brunswick n'est pas nouveau et qu'il embauche également des infirmières grâce à des partenariats avec des universités du Maine et de l'Inde, et qu’il existe des mesures pour retenir les travailleurs.
L'autre régie régionale de la santé de la province, le Réseau de santé Vitalité, a annoncé qu’elle participera à plusieurs salons de l'emploi au Québec au cours des prochaines semaines.
La semaine dernière, le premier ministre de l'Ontario, Doug Ford, a annoncé que la province commencerait à reconnaître automatiquement les titres de compétence des travailleurs de la santé inscrits dans d'autres provinces et territoires. «Un médecin de la Colombie-Britannique ou une infirmière du Québec qui veut venir travailler en Ontario ne devrait pas faire face à des obstacles ou à des retards bureaucratiques pour commencer à fournir des soins», a précisé le premier ministre Ford lors d'une conférence de presse le 19 janvier.
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Terre-Neuve-et-Labrador a mis en place des incitatifs dans le but d'attirer les travailleurs de la santé à domicile ayant des liens avec la province, tandis que le Québec a déclaré qu'il cherchait à recruter à l'étranger.
«Toutes les provinces du Canada font face au même défi de pénurie de main-d'œuvre dans leurs systèmes de soins de santé», soutient dans un communiqué l’entourage politique du ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec, Christian Dubé. «C'est dans l'intérêt de tous de recruter à l'international. En attendant, nous continuons à travailler pour que notre réseau devienne un employeur de choix et pour améliorer les conditions de travail.»
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Sylvain Brousseau pense que les infirmières ont besoin d'un meilleur salaire, de plus de personnel de soutien afin qu'elles puissent se concentrer sur les soins aux patients, de même que la responsabilité de moins de patients.
«Il y a trente ans en chirurgie, j'avais six patients le jour, sept à huit le soir, et maintenant c'est 15 le jour en chirurgie à certains endroits, ou 10. C'est trop», selon M. Brousseau. Il souhaite aussi la fin des pratiques comme le temps supplémentaire obligatoire (TSO), qui reste courant au Québec, et les pressions exercées sur les infirmières pour qu'elles fassent des heures supplémentaires apparemment facultatives.
Il a déclaré que l'association des infirmières ne s'oppose pas à ce que les infirmières se rendent dans une autre province pour travailler et qu'il y ait une réduction des barrières entre les provinces, mais il assure que cela ne résoudra pas les problèmes.
«Ce n'est pas en allant débaucher des infirmières d'une province à une autre que vous réglerez la crise du système de santé que nous traversons en ce moment», dit-il. «C'est en leur offrant de meilleures conditions de travail et un meilleur environnement de soins de santé.»
Ivy Lynn Bourgeault, professeure à l'Université d'Ottawa et directrice du Réseau canadien de la main-d'œuvre en santé, a déclaré que les efforts pour recruter des infirmières au-delà des frontières provinciales sont le symptôme d'un problème plus vaste.
Bien que ce ne soit pas la première fois que les systèmes de santé canadiens se tournent vers d'autres parties du pays pour du personnel, la pénurie d'infirmières et d'autres travailleurs de la santé est pire qu'avant. «Je pense que ce qui est nouveau, c'est l'ampleur du problème et que ce n'est pas seulement un problème canadien. Cela se produit dans le monde entier», d’après Mme Bourgeault.
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À son avis, pour résoudre la pénurie d'infirmières au Canada, il faut commencer par la rétention, car à lui seul, le recrutement ne peut pas le résoudre.
La professeure Bourgeault affirme aussi que les gouvernements ont besoin de meilleures données pour la planification de la main-d'œuvre et que des organismes fédéraux, tels que l'Institut canadien d'information sur la santé et Statistique Canada, pourraient être utilisés pour donner aux provinces de meilleurs outils.
Des ratios obligatoires infirmière-patient aideraient également à retenir les infirmières, dit-elle, mais ils pourraient à court terme entraîner des temps d'attente plus longs. «Je pense qu'en tant que société, nous devons avoir une conversation cruciale sur la façon dont nous gérons cette crise à l'avenir».