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«On a des histoires qui nous paraissent être suffisantes pour démontrer au juge que le Diocèse était au courant de ces abus et qu’il n’a rien fait.»
Après un an de négociations qui n’ont finalement donné aucun résultat, l’action collective contre l’Archidiocèse de Sherbrooke ira à procès.
Le recours rassemble près d’une centaine de victimes alléguées de violences sexuelles commises par près de 50 membres de l’Archidiocèse depuis les années 1930, mais d’autres personnes peuvent toujours s’y ajouter afin d’obtenir un dédommagement.
Dans la demande introductive d’instance transmise à Noovo Info, on relate notamment le cas du demandeur «A.B», l’une des victimes alléguées faisant partie de l’action collective.
Vers les années 1949-1950, A.B s’est rendu à la paroisse Saint-Isaac-Jogues pour aider avec des travaux. Le vicaire Edmond Doran lui aurait touché les parties génitales alors qu’il allait à la toilette. D’autres événements similaires se seraient produits dans les années qui suivent. À plusieurs reprises, l’abbé lui aurait chuchoté à l’oreille «ça doit rester entre nous, ne dis rien à personne», peut-on lire dans le document.
Parmi les dommages rapportés, on note notamment de l’anxiété, la crainte de ne pas être cru, la méfiance, la colère, les cauchemars, l’humiliation, la dysfonction sexuelle et l’apparition de comportements autodestructeurs.
À voir aussi : Agressions sexuelles au diocèse de Sherbrooke: les séquelles des victimes
Près d’une centaine d’autres personnes ont indiqué avoir été elles aussi victimes de la part du membre du clergé diocésain ou des membres du personnel laïc. La poursuite soutient donc l’existence d’un caractère systémique de ces agressions sexuelles commises sur le territoire du Diocèse de Sherbrooke.
La liste des victimes alléguées de l’abbé Robert Jolicoeur, décédé en 2018, s’allonge également dans cette nouvelle version du document de la poursuite, alors que son nom y apparaît à 12 reprises.
«Les victimes avaient peur»
Encore aujourd’hui, moins de 10% des agressions sexuelles sont dénoncées, selon les chiffres de Statistiques Canada. Dans les années 1930, 1940 et 1950, le contexte culturel était encore plus difficile pour dénoncer ces actes, particulièrement contre l’Église qui avait une main de fer sur le Québec.
«L’Église était si importante, et surtout, les prêtres jouissaient d’une autorité et faisaient en sorte que les victimes n’osaient pas dénoncer. Les victimes avaient peur des représailles, elles avaient honte», soutient l’avocat de la poursuite, Me Justin Wee.
Cette peur explique la continuité de ces allégations à travers les décennies, selon l’avocat. Parfois, la seule punition imposée par l’archevêque était de déplacer les agresseurs allégués vers une autre institution religieuse.
À la recherche des archives
L’une des premières requêtes de la poursuite sera de mettre la main sur les archives du Diocèse. En plus de déplacer les agresseurs allégués, l’institution aurait également déplacé ses documents.
L’objectif est d’appuyer les témoignages des victimes alléguées avec la démonstration que des dénonciations ont été faites sans aucun résultat.
Rappelons que les victimes alléguées qui s’inscrivent à l’action collective n’ont pas à témoigner lors du procès, mais pourraient tout de même aider la poursuite à ajouter de la preuve au dossier. De plus, il est possible de participer au recours, même si l’agresseur présumé est décédé.