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Le juge Martin Sheehan vient d'autoriser la demande d'action collective des locataires du Faubourg Mena'Sen de Sherbrooke.
L’action collective en dommages et intérêts intentée par les locataires du Faubourg Mena’Sen contre les 5 ex-administrateurs du complexe est autorisée par le juge Martin Sheehan. Les locataires estiment avoir subi ces dommages par la vente de l’OBNL à des intérêts privés.
La locataire Johanne Proulx a également été nommée comme représentante des locataires. Elle est, depuis le début des procédures, à l’avant-plan pour critiquer la vente du Faubourg.
Les audiences s’étaient tenues le 6 décembre dernier, au palais de justice de Sherbrooke. Il s’agit d’une autre étape franchie pour le groupe de personnes âgées dans ce dossier, néanmoins, le tribunal n’avait pas à trancher à ce stade sur de possibles fautes commises par les ex-administrateurs et par les acheteurs.
«Pour autoriser l’action collective, il n’est pas nécessaire de conclure définitivement à une faute de la part des Administrateurs ou de l’Acheteur, écrit le juge Sheehan. Il suffit de déterminer si les allégations, telles que formulées et prises pour avérées, peuvent potentiellement mener à une telle conclusion», poursuit-il, dans son jugement de 31 pages.
Le juge cite des allégations des locataires et rappelle que selon eux, les «administrateurs ont violé leurs obligations de diligence, bonne foi et loyauté en utilisant des manœuvres afin de s’approprier illégalement les actifs de Mena’sen causant des dommages au Groupe des Locataires.»
Parmi ces «manœuvres», il évoque la modification « en catimini » du nom de l’organisme avant la dissolution, de même que la « modification radicale et en cachette des objets et des pouvoirs de Mena’sen afin de permettre la distribution des actifs aux membres du conseil d’administration », note-t-il également. La vente du Faubourg, rappelons-le, s’est conclue pour un peu plus de 18M$ et l’encaisse était alors de 1M$.
«Les faits allégués sont suffisamment précis pour conclure à une faute potentielle de la part des Administrateurs ou de l’Acheteur.»
Dans son jugement, le magistrat identifie les principales questions de faits et de droits qui devront être traitées pour la suite.
1) Les défendeurs, membres du conseil d’administration de Faubourg Mena’sen, ont-ils commis une faute en s’appropriant à des fins personnelles les actifs de Faubourg Mena’sen, incluant le produit de la vente de la totalité des immeubles appartenant à celle-ci?
2) Les mis en causes ont-ils commis une faute en contribuant sciemment à la violation des obligations des défendeurs, membres du conseil d’administration?
3) Les fautes, s’il en est, des défendeurs et des mis-en causes ont-elles causés des dommages pécuniaires ou moraux au membre du Groupe des Locataires?
4) Le cas échéant, à combien s’élèvent les dommages subis par les membres du Groupe des locataires?
Dans son jugement, Martin Sheehan a également rejeté la demande des acheteurs du Faubourg, Denis Bourque et David Busque, qui souhaitaient être exclus de l’action collective. Les acheteurs nient depuis le début avoir commis une faute, alors qu’ils sont accusés par les locataires d’avoir fait de «l’aveuglement volontaire» quant à la nature de la transaction.
Une conférence de gestion sera organisée au cours des 60 prochains jours pour déterminer de la suite des procédures. Les défendeurs, avant même de penser à un possible procès sur le fonds, disposent d’un délai pour porter cette décision en appel.
Le juge Sheehan, dans la même décision, a rejeté deux requêtes additionnelles des locataires. L’association Sauvons Mena’Sen souhaitait obtenir les profits de la vente du complexe d’habitation, comme représentante d’un groupe d’OSBL.
Avant leur modification, en 2022, les lettres patentes du Faubourg Mena’Sen prévoyaient effectivement que les profits en cas de dissolution ou de liquidation soient distribués à des personnes morales «dont le siège social est situé dans le district judiciaire de Saint-François » et « qui poursuivent des objets analogues ou similaires».
«Aucun des administrateurs, associés ou membres de Sauvons Mena’sen ne sont membres du Groupe des OSBL», écrit toutefois le juge Sheehan, rappelant que l’association est plutôt composée de locataires du Faubourg, et non d’OSBL. Le juge rappelle aussi que l’association Sauvons Mena’Sen n’existait pas, au moment de la vente en 2022. «Ainsi, Sauvons Mena’sen ne peut prétendre que sa chance perdue était "réelle et sérieuse" ou que la réalisation de chance était "probable"», peut-on lire.
Dans un troisième temps, les locataires demandaient l’annulation de la vente, de la dissolution et de la liquidation du Faubourg, ce qui leur a aussi été refusé.
«Un tiers qui n’est pas partie au contrat ne peut invoquer sa nullité même s’il y a intérêt né, actuel et personnel, écrit le juge. Ainsi, même si l’on devait conclure que la Vente entre Mena’sen et les Acheteurs étaient nulle, seul Mena’sen peut se prévaloir d’un tel recours. La demande de madame Proulx ou de Sauvons Mena’sen à cet égard n’est pas recevable», poursuit-il.
L’avocat qui représente les locataires et l’association Sauvons Mena’Sen, Me Louis Fortier, a refusé de commenter la décision.
Joint au téléphone, l’un des acheteurs David Busque a indiqué que son groupe ne commenterait pas le dossier.
L’un des ex-administrateurs du Faubourg Mena’Sen, l’avocat Serge Dubois, n’avait pas retourné notre appel au moment d’écrire ces lignes