Début du contenu principal.
L’achat d’équipements de protection individuelle, destinés à protéger le personnel de la santé contre le virus de la COVID-19, s’est transformé en véritable gouffre financier de près d’un milliard de dollars de fonds publics.
L’achat d’équipements de protection individuelle (ÉPI), destinés à protéger le personnel de la santé contre le virus de la COVID-19, s’est transformé en véritable gouffre financier de près d’un milliard de dollars de fonds publics.
À lire également - Aînés en grande perte d’autonomie: la VG critique la gestion de Québec
Cette importante perte financière a été causée par la « réaction tardive » du gouvernement Legault durant la première année de la pandémie et le manque de préparation du Québec, conclut le Vérificateur général, dans son rapport annuel 2021-2022, un document dévastateur déposé mercredi à l'Assemblée nationale.
Rapport de la Vérificatrice Générale (mai 2022): gestion des équipements de protection individuelle déficiente dès le début de la pandémie.Plusieurs semaines pour faire un premier inventaire des stocks. Achat à gros prix et dévaluation = perte financière de 938M$. #polqc pic.twitter.com/pi7R4yyB7s
— Simon Bourassa (@Simon_Bourassa) May 11, 2022
La vérificatrice générale du Québec, Guylaine Leclerc, y documente la liste des ratés en série survenus entre janvier 2020 et juin 2021, aux différentes étapes d'acquisition de ces masques, blouses, gants, visières, lunettes et autres équipements de protection individuelle par le ministère de la Santé.
Pris de court, mal préparé pour affronter une pandémie, le Québec a dépensé plus de 3 milliards $ pour acquérir ces équipements, souvent hors de prix au moment de l'achat parce que tous les pays se les arrachaient. Seulement pour des masques médicaux et des masques N95, la facture a grimpé à 1,4 milliard $, soit près de la moitié du total.
Pour l'État québécois, la perte financière qui a suivi la baisse de prix de ces équipements est évaluée à 938 millions $ au 31 mars 2021, calcule la vérificatrice, qui n'hésite pas à blâmer le ministère, dirigé au début de la pandémie par Danielle McCann, puis par Christian Dubé, pour sa lenteur à prendre la mesure de l'ampleur de la crise et à agir en conséquence, dans le respect des bonnes pratiques de gestion.
Chose certaine, le ministère de la Santé « aurait dû réagir plus rapidement devant les signes avant-coureurs de la pandémie », écrit-elle dans son rapport, et « il aurait dû être plus vigilant ». « C'est son travail de le faire », a-t-elle insisté.
En conférence de presse, elle a rappelé qu'avant 2020 tout le monde sur la planète savait qu'un jour ou l'autre il y aurait une pandémie. Pourtant, Québec n'a pas planifié, ne s'est pas préparé à ce scénario, et ce, jusqu'à la dernière minute, même quand les signaux et les avertissements se multipliaient au début de 2020.
« Une saine gestion passe par une bonne planification », résume la vérificatrice générale.
Dans un tableau chronologique, elle rappelle que les premiers cas de COVID-19 ont été signalés en décembre 2019 en Chine. Le 5 janvier 2020, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) avait prévenu les gouvernements de prendre les précautions nécessaires pour prévenir les risques d'infections respiratoires. Le 25 janvier 2020, l'OMS plaidait pour un approvisionnement « adéquat et régulier » d'ÉPI, et pour la formation du personnel. Au Québec, où le premier cas de COVID-19 a été enregistré le 27 février 2020, les commandes massives d'ÉPI n'ont débuté que le 22 mars 2020. En comparaison, dès la mi-décembre 2019, l'Alberta avait doublé ses commandes d'ÉPI.
Sur le tard, le Québec a tenté de rattraper le temps perdu. La consigne consistait alors à se procurer ces équipements « par tous les moyens possibles ». Résultat: certains fournisseurs ont même été payés pour des produits jamais livrés ou inadéquats, le gouvernement du Québec n'ayant pas pris la peine de vérifier au départ leur intégrité. Des poursuites judiciaires évaluées à 170 millions $ ont été entreprises contre certains d'entre eux.
Le ministère de la Santé n'était pas du tout préparé à gérer ce genre de situation, n'ayant pas mis à jour ses plans d'urgence sanitaire depuis plus de 10 ans, déplore la vérificatrice. Il n'avait prévu aucune mesure pour approvisionner le réseau en ÉPI en cas de pandémie et le réseau n'avait pas d'équipements en réserve.
Dans le feu de l'action, des employés du réseau de la santé ont dû utiliser ces équipements sans avoir reçu aucune formation, une lacune « particulièrement présente dans les CHSLD et les résidences privées pour aînés (RPA) », peut-on lire dans le rapport.
Or, des plans d'urgence auraient permis au gouvernement de mieux planifier les besoins en termes d'approvisionnement, prévoir la distribution des ÉPI à travers le réseau et assurer la formation du personnel, note la vérificatrice.
En Chambre, l'opposition péquiste a jugé que le gouvernement avait « dormi au gaz » dans ce dossier. Le chef parlementaire péquiste, Joël Arseneau, a demandé au premier ministre François Legault d'admettre son échec pour sa « réaction tardive ».
Mais M. Legault a rejeté les critiques du revers de la main, estimant que c'était « un peu facile » de « refaire l'histoire », et faisant valoir que son gouvernement avait fait ce qu'il pouvait, s'étant ajusté depuis.
Par voie de communiqué, le ministre de la Santé, Christian Dubé, a dit avoir « beaucoup appris de la première vague de la pandémie, qui a pris le monde entier par surprise ». Il affirme que son ministère s'était doté d'un plan pour la deuxième vague qui prévoyait notamment d'avoir une réserve de quatre à six mois d'ÉPI.