Début du contenu principal.
«C’est certain que ça serait inquiétant, si l’on voulait s’assurer que la population du Québec croît en fonction de sa croissance naturelle, et non de l’immigration.»
Mercredi, l’Institut de la statistique du Québec (ISQ) révélait que l’accroissement naturel de la population québécoise chute «à un niveau particulièrement bas». Mais on est encore loin de sonner l’alarme.
Mis à part l’immigration, qui a été le facteur monstre contribuant à la hausse la plus importante de population des 50 dernières années, l’accroissement naturel a été de 2300 personnes. Plus précisément, il y a eu 80 700 naissances et 78 400 décès au Québec en 2022.
Le Bilan démographique du Québec pour 2022 révèle qu’au 1er janvier dernier, la population du Québec était estimée à 8,8 millions de personnes, en hausse de 149 900 personnes au cours de l’année 2022.
Finalement, le taux d’accroissement du Québec s’établit à 1,7 %, comparativement à 3,0 % dans le reste du Canada.
Le démographe à l’ISQ, Frédéric Fleury-Payeur, a précisé en entrevue avec Noovo Info que l’accroissement naturel devrait basculer au négatif dès 2032. Il devrait donc y avoir plus de décès que de naissances dans moins de 10 ans.
Cette transition vers un accroissement naturel négatif rime avec le vieillissement de la population, l’augmentation des décès, et évidemment, la baisse du taux de fécondité.
Mais est-ce que cette tendance est nécessaire inquiétante? Pas nécessairement.
«C’est quelque chose qui s’observe un peu partout ailleurs dans les pays industrialisés», tempère M. Fleury-Payeur.
D’entrée de jeu, l’affaiblissement de l’accroissement naturel est une tendance qui est observée depuis des décennies. Au Québec, il faut retourner au début des années 1970 pour retrouver l’«indice synthétique de fécondité» au seuil de remplacement de 2,1 enfants par femme. Et depuis, les femmes ont tout simplement de moins en moins d’enfants, mais l’indice se maintient tout même autour de 1,6, souligne M. Fleury-Payeur.
«L’année prochaine, on va réviser cette hypothèse [...] Si l’on regarde la tendance un peu partout dans le monde, j’ai envie de dire qu’on pourrait la réviser à la baisse», ajoute le démographe.
En 2022, l’indice de fécondité était de 1,49. Cependant, il était à 1,58 l’année précédente. Et il faut prendre en ligne de compte que les femmes n’ont généralement pas des enfants deux années consécutives, ajoute le démographe.
Il faudra attendre encore quelques années pour voir si cette tendance à la baisse se concrétise et passe réellement sous la barre de 1,50 enfant par femme.
«Avant de dire que le 1,49 est vraiment significatif d’une nouvelle tendance ou d’une chute drastique [...] c’est peut-être juste circonstanciel», tempère M. Fleury-Payeur.
En plus de l’évolution des mœurs de la société québécoise, de nombreux facteurs peuvent venir influencer les gens à avoir des enfants. On peut notamment penser à l’accès à la propriété, l’insécurité économique ou même l’impact sur l’environnement.
«C’est vraiment multifactoriel et il serait difficile de cibler la cause principale», estime M. Fleury-Payeur.
D’ailleurs, le Bilan démographique du Québec pour 2022 indique que les femmes ont leurs enfants plus tardivement qu’avant. L’âge moyen à la maternité se situe à 31,1 ans en 2022, comparativement à 27,3 ans en 1976. Ceci est généralement un signe qu’elles auront moins d’enfants dans leur vie, explique le professeur agrégé au Département de démographie de l’Université de Montréal, Yves Carrière.
«C’est certain que ça serait inquiétant, si l’on voulait s’assurer que la population du Québec croît en fonction de sa croissance naturelle, et non de l’immigration [...] Mais quand on tombe sous le 1,5 [bébé par femme], je pense qu’on peut commencer à se poser des questions.»
Même si l’on s’éloignait davantage du seuil de remplacement de 2,1 enfants par femme — et ce n’est pas nécessairement le cas — l’immigration vient s'occuper du reste.
Et pourquoi souhaite-t-on toujours faire augmenter notre population? La courte et simple réponse pointe vers le désir de vouloir faire croître l’économie nationale.
Rappelons que le gouvernement fédéral souhaite accueillir 500 000 nouveaux immigrants au Canada chaque année afin d’atteindre «l’initiative du siècle» d’augmenter la population canadienne à 100 millions d’habitants d’ici 2100.
La ministre fédérale responsable des Langues officielles, Ginette Petitpas Taylor, a récemment défendu que cette «initiative du siècle» n’est pas une «politique officielle» de son gouvernement. Elle a cependant évoqué la «perte démographique», le vieillissement de la population et la pénurie de main-d’œuvre qui a un impact important sur l’économie comme autant d’éléments à l’appui de la volonté fédérale d’«augmenter les cibles» en matière d’immigration.
«Mais, l’immigration n’est pas une solution au vieillissement démographique, estime M. Carrière. Oui, ils arrivent à l’âge autour de 30 ans, mais ils ne repartent pas quand ils atteignent 65 ans, et ils s’ajoutent à la population des personnes âgées.»
De plus, M. Carrière précise que tout en étant en faveur de l’immigration, il estime que l’arrivée de millions de personnes doit se faire avec la préparation adéquate, notamment au niveau des services sociaux, des logements et de l’intégration.
Du côté de la perte démographique, le professeur estime que le produit intérieur brut (PIB), et par conséquent l’économie du pays, ne sont pas les variables les «plus importantes».
«Ce n’est pas un effectif de population qui va augmenter le bien-être de la population», soutient-il.
Même si le fait d’avoir 100 millions de Canadiens était un moteur important pour la création de richesse au pays, le professeur argumente qu’il est plus important de se concentrer sur la répartition de cette richesse entre chacun des citoyens.
Avec de l’information de la Presse canadienne.