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Le «mécontentement d’une poignée d’individus» ne devrait pas décider du sort d’un «joyau collectif».
Une centaine de musiciens, de comédiens, d'humoristes et d'autres acteurs de la scène culturelle signent vendredi une lettre ouverte pour dénoncer la décision de la Cour d'appel du Québec qui oblige la salle de spectacles La Tulipe, à Montréal, à cesser d'émettre du bruit qui pourrait déranger ses voisins.
Dans la foulée de cette décision, rendue lundi, la direction de la salle historique située dans l'arrondissement du Plateau-Mont-Royal a annoncé qu'elle devait cesser ses activités «pour le moment», ce qui a suscité un tollé.
Dans leur lettre publiée dans les pages de La Presse, vendredi, les signataires plaident que le «mécontentement d’une poignée d’individus» ne devrait pas décider du sort d’un «joyau collectif».
«Nous avons espoir que ce géant de notre histoire culturelle ne disparaîtra pas en silence. Nous avons espoir que nos voix qui se joignent à celles qui résonnent dans La Tulipe depuis plus de 100 ans seront entendues», écrivent-ils, appelant la Ville de Montréal à intervenir.
Les signataires de la missive, portée par Tire le coyote et Dumas, rappellent que La Tulipe est un «fleuron de la culture montréalaise et québécoise» et qu'il s'agit d'une salle facilement accessible qui se trouve en plein cœur de la métropole.
«En plaçant l’individualité au-dessus du collectif, la Cour d’appel du Québec semble démontrer une indifférence face à notre réalité de travailleuses et travailleurs de la culture. Nous refusons de voir des lieux patrimoniaux culturels disparaître pour des points de détail légaux», tranchent-ils.
En entrevue, Tire le coyote, dont son vrai nom Benoit Pinette, a déclaré qu’il y avait quelque chose «d’effrayant» dans la décision du tribunal, car «ce qui arrive à La Tulipe peut arriver à d’autres salles de concert et bars de Montréal». Il a également accusé l'administration montréalaise d'être restée les bras croisés alors que d'autres salles de spectacles étaient contraintes de fermer à cause de plaintes similaires pour nuisances sonores.
Des salles de spectacles comme La Tulipe, qui ont été pendant des années situées à côté d'immeubles non résidentiels, sont devenues victimes de la crise du logement, la ville ayant accordé des permis pour construire des logements afin de répondre à la demande.
La lettre ouverte est publiée au lendemain d'une manifestation qui s'est tenue devant La Tulipe, jeudi soir, lors de laquelle les participants ont utilisé des instruments de musique pour faire du bruit, en riposte au jugement.
L'auteur-compositeur Steve Dumas a également contribué à faire connaître la lettre. En tant qu'artiste, Dumas s'est produit dans cette salle des dizaines de fois. En tant que spectateur qui vit à quelques pâtés de maisons de La Tulipe depuis 20 ans, il a vu des spectacles d'une myriade d'artistes québécois et internationaux y être présentés.
«On a le sentiment que les nouveaux développements gagnent toujours», a-t-il déploré, mais la forte participation des manifestants lui a donné un certain optimisme. «Je pense qu'on va trouver une solution. C'est très important pour Montréal d'avoir ce genre de salle», a-t-il dit.
Dans le monde musical, la lettre est entre autres signée par Robert Charlebois, Ariane Moffatt, Daniel Bélanger, Isabelle Boulay, Michel Rivard, Cœur de Pirate et les membres des Cowboys Fringants.
Louise Latraverse, Guy A Lepage, Alexandra Stréliski, Corneille, Louise Forestier, Christian Bégin et Damien Robitaille font aussi partie des nombreux signataires.
La saga judiciaire entourant La Tulipe a commencé en 2016, lorsqu'un nouveau propriétaire a obtenu un permis de rénovation lui permettant de transformer un local adjacent à la salle en espace résidentiel. Il s'agissait d'une erreur, qui a été reconnue par la Ville de Montréal.
Les activités de l'institution ont été perturbées à partir de ce moment, par des plaintes du nouveau propriétaire, des contraventions et des démarches judiciaires, a fait valoir La Tulipe. En 2023, la Cour supérieure a exigé que la salle isole le mur mitoyen entre les deux bâtiments pour poursuivre ses activités, mais le nouveau voisin a fait appel de la décision, dont le jugement est tombé lundi.
Dans sa décision, la Cour d'appel a exigé que La Tulipe cesse les émissions de bruit qui pourraient être entendues dans l'immeuble voisin, notamment avec des appareils sonores comme des amplificateurs.
À la suite de la publication du jugement, le maire de l'arrondissement du Plateau-Mont-Royal, Luc Rabouin, a proposé de modifier la réglementation municipale sur le bruit.
Le bâtiment dans lequel se trouve La Tulipe, le théâtre Dominion, a été construit en 1913.
La Tulipe n'a pas répondu à une demande de commentaires.