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À gauche, à droite, en haut, en bas: l’astrologie est partout.
À gauche, à droite, en haut, en bas: l’astrologie est partout. Lors de conversations entre collègues, dans des librairies, dans des publicités de produits de beauté, sur des tatouages, et sans surprise, sur les médias sociaux.
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Nous nous éloignons, lentement, mais sûrement, de l’horoscope trouvé aux dernières pages des journaux et magazines hebdomadaires. C’est sur le Web que prend forme l’astrologie, et la pandémie a vraisemblablement aligné les planètes pour favoriser sa croissance.
Des applications mobiles comme Co–Star, The Pattern et Sanctuary poursuivent leur ascension vers les plus hauts sommets des palmarès numériques. Plusieurs entreprises lancent des éditions limitées de leurs produits, dont la marque essie, qui s’est amusée à personnaliser sa gamme de vernis à ongles selon les signes du zodiaque. Les astres se mêlent même aux candidats d’Occupation Double, qui consacre ici et là du temps d’antenne à l’astrologue Mademoiselle Lili. Les influences célestes sont bel et bien en orbite autour de nous.
Même si elle n'a pas de fondement scientifique, l’astrologie séduit les sociétés depuis très longtemps. Cette pratique divinatoire «remonte au moins au deuxième millénaire avant notre ère», nous rappelle Nicolas Boissière, anthropologue et chargé de cours au département de sciences des religions de l’Université du Québec à Montréal (UQAM).
Pour lui, rien d’étonnant à ce que cette pratique perdure, même si nos sociétés se modernisent.
«La science, souvent, offre des réponses concrètes sur les mécanismes, sur le comment des choses, mais elle donne rarement des réponses sur le pourquoi. Notamment, aux grandes questions qui nous préoccupent en tant qu'humain, à savoir qui l’on est, d'où l'on vient, quel est notre destin, notre mission de vie», insiste M. Boissière, dont le champ d’expertise couvre entre autres les spiritualités dans les sociétés occidentales contemporaines.
«Les individus y croient toujours plus qu'ils ne le disent. Ils se retrouvent dans un rapport de distanciation critique, mais ça leur fait du bien.» - Nicolas Boissière
La pandémie, qui sévit depuis presque deux ans, a plongé les populations dans de longues périodes d’incertitudes. La quête de sens est devenue de plus en plus présente, ce qui a davantage mis les pseudosciences comme l’astrologie sur la mappe.
«Les gens préfèrent croire que douter.»- Serge Larivée, professeur à l'École de psychoéducation de l'Université de Montréal
«Ce que le cerveau humain fait de mieux, c'est croire. Parce que pour fonctionner, il a besoin de sens. [Les croyances], qu'elles soient religieuses, politiques ou psychologiques, donnent du sens à notre vie», ajoute celui qui est aussi auteur de l’essai critique Quand le paranormal manipule la science.
Depuis mars 2020, Christopher Corsini, qui pratique le tarot et le reiki – une technique de soins utilisant des approches énergétiques – a remarqué ce besoin grandissant de sens au sein de sa communauté de plus de 400 000 abonnés sur Instagram. Une communauté qui a grandi, qui s’est définie et qui a évolué dès les balbutiements de la pandémie.
«Je pense que les gens cherchaient vraiment des réponses et de la clarté, et essayaient juste de comprendre où ils pourraient les obtenir. Ils voulaient sentir qu’ils avaient une connexion à quelque chose de bien et sentir qu’ils pouvaient avoir confiance et garder espoir», estime-t-il.
L’astrologie a donc usé de son charme en ces temps troubles et a peut-être également trouvé un nouveau souffle sur le Web. Avec l’émergence de médias sociaux comme TikTok, l’astrologie se serait, vraisemblablement, démocratisée.
Tout juste avant la nouvelle année, le mot-clé #ZodiacSigns cumulait 38,4 milliards de vues, #Astrology 28,6 milliards de vues et #WitchTok [un mot-valise combinant “sorcellerie” et “TikTok”] 21,7 milliards de vues, selon des données obtenues de TikTok Canada.
«Cela ne me surprend pas que l'astrologie explose en popularité sur TikTok. Il y a un appétit incroyable pour le contenu éducatif. #LearnOnTikTok a plus de 210 milliards de vues dans le monde. La façon dont nous voyons souvent l'astrologie et du contenu similaire apparaître sur la plateforme passe par cet objectif: en apprendre davantage sur les étoiles, bien sûr, mais aussi sur vous-même et sur vos proches», nous indique Kathryn Hudson, directrice des partenariats médias de TikTok Canada.
Photo: chriscorsini, shawtyherbs et AstroDim ont constaté un intérêt grandissant pour l’astrologie depuis le début de la pandémie.
L’astrologie semble donc se détacher de plus en plus de sa vocation prédictive et emprunte plutôt le chemin du développement personnel et de l’introspection. Ce qu’on peut appeler l’astrologie coaching ou l’astrologie évolutive.
«On remarque l'utilisation de l'astrologie comme un outil de connaissance de soi et des autres.» - Nicolas Boissière
«Cela permet aux gens d'augmenter leur capacité d'agir, c'est-à-dire d'être plus conscients de leur dynamique interne, émotionnelle ou cognitive, de savoir mieux agir avec eux-mêmes, avec les autres et avec l'environnement qui les entoure», suggère-t-il.
Cette tangente introspective de l’astrologie a également été constatée par la plateforme Pinterest, qui prédit une année 2022 marquée par un sens plus aiguisé de soi-même et de nos relations avec les autres.
D’octobre 2019 à septembre 2021, le nombre de recherches pour Comment augmenter votre vibration? a connu une hausse de 145 % sur la plateforme à travers le monde, alors que Comment protéger votre énergie? a augmenté de 60 %, selon les données obtenues par Pinterest.
Cette montée fulgurante, notamment en ce qui concerne les «différentes énergies», Kenna, qui se surnomme The Confetti Queen, peut en témoigner. À 20 ans, cette jeune Albertaine dirige maintenant sa propre entreprise basée sur ce qui la passionne depuis qu’elle a neuf ans: les cristaux.
Au cours de l’année dernière, Kenna, qui pratique aussi le tarot, a vu ses abonnés TikTok passer de 10 000 à 3 millions, nous dit-elle.
«Ça illumine mes journées.» Ce sont des commentaires comme celui-là qui poussent la jeune sensation à poursuivre sa passion.
AstroDim, créatrice de contenu spirituelle, reçoit régulièrement des commentaires semblables. Celle-ci ne s’en surprend pas et décrit la communauté composée de passionnés d’astrologie comme étant particulièrement accueillante envers certaines personnes issues des minorités.
Cet aspect communautaire est grandement valorisé par Maryaam Lewis-Herbert, qui modère un groupe d’astrologie appelé Astro Twitter sur la plateforme sociale.
«Essentiellement, c'est un groupe conçu pour que d'autres passionnés d'astrologie aient un espace sûr pour parler d'astrologie sans craindre d'être jugés», précise celle qui étudie les astres depuis quatre ans.