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À long terme, ce qui inquiète le plus, c'est le déclin et le vieillissement de la population.
Le 15 novembre 2022, la population humaine a atteint huit milliards sur Terre. Selon les chiffres des Nations Unies (ONU), ce nombre atteindra les 10 milliards dans les années 2050, mais la surpopulation n’est pourtant pas l’enjeu démographique le plus inquiétant.
Il y a près de 50 ans, en 1952, la population mondiale atteignait 2,5 milliards d’humains. La crainte de la surpopulation a émergé plus sérieusement à la suite de la Conférence internationale sur la population et le développement organisée par l’ONU à Caire, en Égypte, en 1994. Selon les organisateurs, la conférence avait pour objectif de s’attaquer aux enjeux d’éducation universelle, des décès des enfants et des mères à la naissance et des services de santé en lien avec la reproduction aux pays dans le besoin.
Ultimement, les 20 000 délégués tentaient de faire reconnaître certains droits de la personne dans un contexte où la population mondiale montait en flèche.
Mais si l’on regarde attentivement, les craintes liées à la surpopulation remontent à plus loin encore. Selon le professeur et directeur du Département de sociologie de l’Université Laval Richard Marcoux, il faut retourner au début du 19e siècle avec les travaux de l’économiste Thomas Malthus.
Le terme «malthusianisme» provient de la doctrine prônant une restriction volontaire de la natalité par crainte que la croissance démographique d’une population sur un territoire donné pouvait mener à un manque de ressources. Cette période concorde également avec le cap du premier milliard d’humains sur Terre, ainsi que le début d’une croissance démographique exponentielle, alors qu’avant, la croissance se faisait de manière plutôt linéaire.
Plusieurs s'inquiètent que la tendance à la hausse menace de laisser encore plus de personnes dans la misère dans les pays en développement. En ce qui a trait aux changements climatiques, les experts préviennent que la plus grande menace pour l'environnement demeure la consommation, a rapporté l'Associated Press.
Cependant, aujourd’hui, la source des inquiétudes démographiques n’est plus uniquement une hausse exponentielle de la population. Selon les chiffres de l’ONU et de Worldometer (une ressource reconnue à l’international depuis plus de 15 ans sur les données démographiques), la croissance démographique devrait plutôt ralentir avant d’atteindre un sommet vers l’an 2100, à un niveau de 10,4 milliards à 11 milliards d’humains, selon les estimations.
À long terme, ce qui inquiète le plus, c'est le déclin et le vieillissement de la population.
Selon le rapport World Population Prospects 2022, trois scénarios sont envisagés pour calculer l’évolution démographique après 2100, mais seulement un «attire le plus d’attention», c’est-à-dire, le scénario qui coupe la poire en deux.
Selon cette projection, non seulement la croissance de la population mondiale atteindra son sommet vers l’an 2100, mais elle débutera aussi son déclin. Lors de la dernière année du 21e siècle, le nombre d’humains sur la Terre chutera de 11 millions, soit l’équivalant de la population de la Belgique en 2019.
Crédit photo: Montage Noovo Info | Source: Nations Unies
Historiquement, un déclin dans la population mondiale pouvait s’apparenter à une guerre importante ou à une pandémie. Cette fois, le déclin est directement lié à une baisse du taux de fécondité, particulièrement dans les pays les plus développés.
En dehors des facteurs liés à l’immigration, un taux de fécondité de 2,1 enfants par famille est nécessaire afin de conserver une population stable.
En 2021, près de 60% des pays de la Terre enregistraient des taux de fécondité de 2,1 ou inférieurs à celui-ci. C’est ce que plusieurs rapportent dans la littérature universitaire comme étant le nouvel «effondrement démographique».
En revanche, la croissance démographique est concentrée dans les pays les plus pauvres, alors que les pays les plus riches commencent à voir leur population décliner.
Par exemple, la Chine a recensé son premier déclin démographique en plusieurs années, en 2022, a rapporté l’Associated Press, en début décembre. Le Bureau national des statistiques a indiqué que le pays comptait 850 000 habitants de moins à la fin de 2022 qu’au même moment l’année précédente.
Le plus récent dénombrement de la population chinoise fait état d’une de 1,411 75 milliards de personnes. Il y a eu 9,56 millions de naissances, contre 10,41 millions de décès, en 2022. Crédit photo: Mark Schiefelbein | Associated Press
De l’autre côté, en 2021, les femmes des pays d’Afrique subsaharienne avaient en moyenne 4,6 enfants chacune.
La croissance démographique des pays les plus riches a atteint son apogée «en termes de croissance — et non en termes d’effectif» — au tour de 1960, a expliqué M. Marcoux.
Autrement dit, la population a évidemment continué d’augmenter, mais à une «vitesse beaucoup plus lente».
Plusieurs facteurs peuvent tenter d’expliquer cette baisse de croissance. Mais la raison principale, selon le professeur, est le changement de mode de vie.
Avoir un enfant «c’est un espace en garderie, c’est la conciliation famille-travail, la conciliation des aspirations individuelles, la précarité des unions et ainsi de suite […] On n’a pas encore trouvé les conditions qui permettraient aux gens d’avoir les enfants qu’ils souhaiteraient avoir», a-t-il avancé.
En plus d’une diminution de la croissance démographique, la population globale est vieillissante. Selon l’ONU, toutes les régions du monde ont bénéficié d’une amélioration de l’espérance de vie au cours des dernières décennies. De plus, la baisse de la fécondité mène automatiquement au vieillissement d’une société.
Ajouté au déclin de la population, son vieillissement apporte son lot de crainte, notamment des pénuries de main-d’œuvre et des compétences, l’affaiblissement de la productivité économique et de l’innovation, ainsi que des pressions fiscales sur les gouvernements et les populations.
Selon le professeur Marcoux, le «catastrophisme lié au vieillissement» n'est catastrophique que «si on s’y prend mal».
«Il faut prévoir les modalités pour en arriver à ça», soutient M. Marcoux. Le professeur étudie notamment les sociétés africaines dans lesquelles les enfants sont considérés comme des «bâtons de vieillesse». Il soutient qu’on doit revoir le cercle d’entraide, que ce soit à travers la famille ou les amis afin de permettre aux aînés de vivre le plus longtemps possible dans la dignité.
Après tout, le vieillissement de la population, ailleurs comme chez nous, est inévitable.
Malgré les prévisions d’une baisse de population au cours du prochain siècle, les théories de Malthus possèdent tout de même une certaine sagesse qui est transposable aux problèmes d’aujourd’hui et de demain. Malthus a observé un monde en pleine révolution industrielle où les ressources étaient majoritairement pas renouvelables.
Aujourd’hui, l’empreinte écologique d’un Canadien moyen est près de 100 fois celle d’un Éthiopien, selon le professeur Marcoux. La consommation et l’utilisation de ressources disponibles sur la planète se font à «géométrie variable», rendant «presque impossible» le calcul du nombre de personnes exact que la Terre puisse supporter.
Mais ultimement, «l’enjeu principal, ce n’est pas la croissance démographique. C’est la consommation. Il faut revoir nos modes de consommations», a conclu M. Marcoux.
Finalement, la question qu'on se pose ne porte pas vraiment sur le nombre de personnes sur Terre ou sur leur âge, mais plutôt sur notre capacité de s’adapter à vivre sur la même planète.