Début du contenu principal.
La Russie s'est heurtée mardi aux États-Unis et à d'autres pays occidentaux à propos de l'appel du Kremlin à une enquête de l'ONU sur le sabotage en septembre dernier des gazoducs Nord Stream 1 et 2 reliant la Russie à l'Europe occidentale.
L'ambassadeur russe à l'ONU, Vassily Nebenzia, a déclaré au Conseil de sécurité de l'ONU que Moscou n'avait «aucune confiance» dans les enquêtes distinctes menées par le Danemark, la Suède et l'Allemagne, mais qu'il «fait entièrement confiance» au secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, pour établir une enquête internationale indépendante des explosions.
Les États-Unis, le Royaume-Uni, la France et d'autres ont déclaré que les autorités des trois pays enquêtaient toujours sur les attaques de pipelines et que la véritable raison pour laquelle la Russie a évoqué Nord Stream 1 et 2 maintenant était de détourner l'attention du premier anniversaire de son invasion de l'Ukraine et des activités de haut niveau de l'ONU pour les trois prochains jours, y compris l'adoption d'une résolution de l'Assemblée générale condamnant l'action de Moscou.
«La réunion d'aujourd'hui est une tentative flagrante de détourner l'attention de cela, a dénoncé le ministre-conseiller américain John Kelley au Conseil. Alors que le monde s'unit cette semaine pour appeler à une paix juste et sûre en Ukraine, conformément à la Charte des Nations unies, la Russie veut désespérément changer de sujet.»
Avant la réunion, les ambassadeurs du Danemark, de Suède et d'Allemagne ont envoyé une lettre aux membres du Conseil disant que leurs enquêtes ont établi que les pipelines avaient été gravement endommagés «par de puissantes explosions dues à du sabotage».
À lire également :
La lettre, diffusée mardi matin, indique que de nouvelles enquêtes sont en cours dans les trois pays et qu'il n'est pas clair quand elles se termineront. Elle indique que les autorités russes ont été informées des enquêtes.
Mais l'ambassadeur adjoint de Russie à l'ONU, Dmitry Polyansky, a démenti cette information. Il a déclaré aux journalistes : «Ils prétendent qu'ils en informent la Russie, ce qui n'est pas vrai (...) toute tentative pour nous d'obtenir des informations a été rejetée par eux ou ignorée.»
La Russie a fait circuler un projet de résolution aux membres du Conseil à la fin de la semaine dernière demandant au secrétaire général de l'ONU de créer d'urgence une commission pour enquêter sur les attaques des gazoducs Nord Stream. Des experts du Conseil de sécurité ont tenu lundi des consultations à huis clos sur le projet de résolution et des diplomates du Conseil ont indiqué qu'il y avait une opposition.
L'ambassadeur russe Nebenzia a dit que Moscou n'avait été autorisée à se joindre aux enquêtes d'aucun des trois pays, affirmant que «non seulement ils ne sont pas transparents, mais il est tout à fait clair qu'ils cherchent simplement à brouiller les pistes et à défendre leur frère américain.»
La Russie a allégué que les États-Unis étaient à l'origine du sabotage, qui, selon sa proposition de résolution, «s'est produit après les menaces répétées contre le Nord Stream par les dirigeants des États-Unis».
Le diplomate américain John Kelley a répondu en disant au conseil : « clairement et visiblement : les accusations selon lesquelles les États-Unis ont été impliqués dans cet acte de sabotage sont complètement fausses. Les États-Unis n'étaient impliqués d'aucune façon.»
Nord Stream 1 a transporté du gaz russe vers l'Allemagne jusqu'à ce que Moscou coupe l'approvisionnement à la fin août 2022. Nord Stream 2 n'est jamais entré en fonction, car l'Allemagne a suspendu son processus de certification peu de temps avant que la Russie n'envahisse l'Ukraine le 24 février 2022. Les explosions sur les deux se sont produites le 26 septembre.
La responsable des affaires politiques de l'ONU, Rosemary DiCarlo, a informé le Conseil de sécurité, affirmant que l'ONU n'était pas en mesure de vérifier les allégations relatives aux explosions et exhortant «toutes les personnes concernées à faire preuve de retenue et à éviter toute spéculation».
«Bien que ce qui s'est passé exactement sous les eaux de la mer Baltique en septembre 2022 ne soit toujours pas clair, quelle que soit la cause de l'incident, ses répercussions comptent parmi les nombreux risques que l'invasion de l'Ukraine a déclenchés», a-t-elle déclaré.
Jeffrey Sachs, professeur à l'Université de Columbia et économiste, a indiqué qu'il comparaissait devant le Conseil en son nom propre et il a déclaré que les conséquences du sabotage étaient «énormes» non seulement en raison des pertes économiques, mais aussi de la menace accrue pour toutes les infrastructures transfrontalières, dont les câbles Internet sous-marins et les parcs éoliens en mer.
«Il est de la responsabilité du Conseil de sécurité de l'ONU d'examiner la question de savoir qui aurait pu commettre l'acte afin de traduire l'auteur devant la justice internationale, de demander réparation aux parties lésées et d'empêcher de telles actions à l'avenir», a-t-il souligné.
M. Sachs a soutenu que la destruction des pipelines «nécessitait un degré très élevé de planification, d'expertise et de capacité technologique», et que le faire dans les zones économiques exclusives du Danemark et de la Suède «ajoute considérablement à la complexité de l'opération».
«Seule une poignée d'acteurs au niveau de l'État ont à la fois la capacité technique et l'accès à la mer Baltique pour mener à bien cette action, notamment les États-Unis, la Russie, le Royaume-Uni, la Pologne, la Norvège, l'Allemagne, le Danemark et la Suède, soit individuellement, soit en une combinaison, a fait valoir M. Sachs. L'Ukraine manque des technologies nécessaires ainsi que d'un accès à la mer Baltique.»
Dans leur lettre au Conseil, le Danemark, la Suède et l'Allemagne ont réitéré que les actes de sabotage contre les pipelines étaient «inacceptables, mettent en danger la sécurité internationale et suscitent leur profonde inquiétude».
Ils ont ajouté que les préoccupations concernant les effets indirects sur les émissions de gaz à effet de serre sont «substantielles et inquiétantes».
Le projet de résolution russe exprime sa profonde préoccupation face aux «conséquences dévastatrices pour l'environnement» des actes de sabotage qui «constituent également une menace pour la paix et la sécurité internationales».