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Une bonne dose d'animosité semble avoir ponctué la réponse des différents ordres de gouvernement à la crise du «convoi de la liberté».
Une bonne dose d'animosité semble avoir ponctué la réponse des différents ordres de gouvernement à la crise du «convoi de la liberté» qui a paralysé la capitale fédérale l'hiver dernier, si l'on en croit le témoignage de l'ancienne présidente de la commission de police d'Ottawa.
Et de nouvelles preuves suggèrent que des policiers s'attendaient déjà à un siège de plusieurs semaines, même si le chef de la police d'Ottawa estimait en privé que les manifestants seraient partis après une fin de semaine.
Des rivalités sont apparues au sein du conseil municipal, du gouvernement fédéral et du Service de police d'Ottawa, alors que les rues du centre-ville de la capitale fédérale étaient occupées par des manifestants, en février, a déclaré la conseillère municipale Diane Deans à l'enquête publique qui se penche sur le recours sans précédent de la Loi sur les mesures d'urgence par le gouvernement fédéral.
Mme Deans, qui était alors présidente de la commission de police de la Ville, a même laissé entendre qu'une mauvaise relation entre le chef de la police de l'époque, Peter Sloly, et le ministre fédéral de la Protection civile, Bill Blair, aurait pu retarder l'arrivée des renforts policiers, selon un résumé écrit d'une entrevue qu'elle a accordée en août dernier aux procureurs de la commission.
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«Cette vieille maxime selon laquelle ''il ne faut jamais gaspiller une bonne crise'': ça offre également la chance de régler de vieux comptes», a déclaré Mme Deans mercredi.
La conseillère municipale a déclaré que son propre conflit avec le maire Jim Watson avait entravé leur capacité à travailler ensemble. Elle assure qu'elle n'avait elle-même aucun intérêt à entretenir une rivalité avec le maire, mais elle sentait qu'il avait montré de l'animosité à son égard.
Alors que la situation a atteint son paroxysme dans les derniers jours de la manifestation et que le chef Sloly avait démissionné de son poste, Mme Deans a secrètement enregistré une conversation avec le maire, dans laquelle ils étaient en désaccord sur les plans pour le remplacer.
Dans un enregistrement audio diffusé à l'enquête, le maire Watson nie être au courant de tout effort visant à évincer Mme Deans et il déclare qu'il n'a pas encore décidé s'il appuierait un vote de non-confiance. Plus tard ce soir-là, lors d'une réunion houleuse du conseil municipal, le maire votera finalement pour l'évincer de la commission de police de la Ville.
Avant ces événements, Mme Deans a déclaré qu'elle était parfois laissée dans l'ignorance par les responsables de la Ville au sujet des demandes de renforts des gouvernements fédéral et provincial, malgré son rôle au sein de la commission. «Nous aurions tous dû jouer dans la même équipe», a déclaré Mme Deans.
Les divisions étaient par ailleurs déjà présentes aussi au sein du service de police: le chef Sloly a avoué à Mme Deans qu'il y avait des luttes intestines dans les rangs. «Il semblait y avoir une intention d'utiliser cette crise pour saper davantage le chef. C'était mon évaluation», a-t-elle déclaré à la commission.
Les poids lourds ont commencé à arriver à Ottawa le 28 janvier et les manifestants ont paralysé le centre-ville, près de la colline du Parlement, pendant environ trois semaines. La Ville d'Ottawa a déclaré l'état d'urgence le 6 février et le gouvernement provincial l'a fait cinq jours plus tard.
Dans les jours qui ont suivi le recours à la Loi sur les mesures d'urgence par le gouvernement Trudeau, le 14 février, le chef Sloly a démissionné de son poste. Le lendemain, la conseillère municipale Deans a été démise de ses fonctions de présidente de la Commission de services policiers d'Ottawa, par ses collègues au conseil.
Mme Deans a déclaré mercredi que le chef Sloly avait toujours conservé sa confiance et celle des membres de la commission de police d'Ottawa. Son témoignage suggère que la démission de M. Sloly était plutôt le résultat de pressions de la population, de l'administration municipale et du service de police lui-même.
Elle a déclaré qu'elle avait déjà confié au chef Sloly, lors d'un de leurs appels téléphoniques réguliers, qu'il y avait beaucoup de gens à Ottawa qui souhaitaient son départ, alors que la frustration augmentait au sein de la population.
Sa réponse a été: «Eh bien, faites-moi un chèque et je m'en vais, a-t-elle déclaré à la commission. Je ne m'attendais pas à ça et je ne savais pas si c'était juste dit comme ça, en passant (...) si c'était juste de la frustration, dans le feu de l'action.»
Dans les jours qui ont suivi, Mme Deans a appris que certains de ses collègues au conseil municipal prévoyaient de déposer une motion pour demander officiellement au chef Sloly de démissionner. Elle soutient qu'une telle motion n'a pas pu se rendre jusqu'au conseil à l'insu du maire Watson et sans son consentement.
«Et puis, il y a eu ce que je décrirais comme une sorte d'insurrection de l'intérieur», a raconté Mme Deans. La CBC a diffusé un reportage le 15 février dans lequel plusieurs sources anonymes alléguaient que le chef Sloly avait «rabaissé et réprimandé» des officiers devant leurs collègues.
Selon Mme Deans, il s'agissait du «genre d'accusations qui provenaient clairement du service» de police. Elle a raconté mercredi qu'elle avait appelé M. Sloly tard dans la soirée pour lui demander s'il pensait ce qu'il disait quand il a dit qu'il partirait, et il a répondu qu'il avait l'intention de mener le dossier du convoi jusqu'au bout.
Mais le lendemain matin, il a appelé Mme Deans pour lui dire: «je veux partir», a déclaré l'ex-présidente de la Commission de services policiers d'Ottawa.
La conseillère municipale, qui ne sollicite pas de nouveau mandat lundi prochain, a aussi mentionné à plusieurs reprises mercredi qu'on ne lui avait pas toujours brossé un tableau complet de la situation, et que la commission n'avait jamais reçu de rapports de renseignement, même de façon confidentielle.
Selon des documents déposés auprès de la commission, le chef Sloly avait déclaré le 26 janvier à la Commission de services policiers d'Ottawa, lors d'une réunion d'information, que des camions devaient arriver à Ottawa la fin de semaine suivante et qu'ils pourraient rester dans la capitale pour une «période prolongée».
Un rapport de renseignement de la Police provinciale de l'Ontario daté du 26 janvier, le même jour que cette réunion, précise que les manifestants n'ont exprimé «aucune date de départ».
Pat Morris, commandant du bureau provincial du renseignement opérationnel de l'OPP, a déclaré mercredi à la commission que la police provinciale avait prévu une manifestation prolongée. Il a ajouté que bien avant le début de la manifestation, des plans étaient déjà en cours pour une manifestation de deux ou trois semaines.
Des groupes impliqués avaient exprimé leurs griefs pendant des mois, a déclaré M. Morris, et les élections fédérales avaient montré que les gens «étaient prêts à aller plus loin pour illustrer leur mécontentement».
Mais Mme Deans a soutenu mercredi que lors d'une conversation en tête-à-tête, le chef Sloly lui avait dit qu'il s'attendait à ce que les manifestants soient partis le lundi suivant. «Il m'a dit: ''Qu'est-ce qui t'inquiète tant?''.»