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Le parc immobilier d'habitations à loyer modique du Québec continue de se détériorer. La situation ne fera qu'empirer alors que les coûts de remise à niveau de ces bâtiments augmentent d'année en année, dénoncent des regroupements de locataires.
Le parc immobilier d'habitations à loyer modique du Québec continue de se détériorer. La situation ne fera qu'empirer alors que les coûts de remise à niveau de ces bâtiments augmentent d'année en année, dénoncent des regroupements de locataires.
Ceux-ci exigent que le gouvernement provincial tienne parole et investisse les quelque 2,2 milliards $ annoncés pour rénover les logements des plus démunis.
«Les HLM au Québec représentent un actif de 13 milliards de dollars, a rappelé Patricia Viannay, organisatrice communautaire pour la Fédération des locataires d'habitations à loyer modique du Québec (FLHLMQ). On y loge plus de 64 000 ménages, mais pourtant, il y a des dizaines de milliers de locataires qui vivent dans des conditions indécentes qui posent un risque pour leur santé, leur sécurité et leur dignité.»
En deux ans, le nombre d'immeubles de la Société d'habitation du Québec (SHQ) jugés en mauvais état ou en très mauvais état a crû de 39 %, déplore la FLHLMQ. Les logements cotés «D», soient en mauvais état, ou «E», considérés en très mauvais état, sont passés de 18 644 en 2020 à 25 974 en 2022.
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Pour la même période, la proportion de logements à prix modique dans la province ayant besoin de travaux majeurs est passée de 28,9 % à 40,2 %, a dénoncé la FLHLMQ, qui a convoqué les médias devant un immeuble du quartier montréalais Centre-Sud barricadé depuis 2019 en raison de son caractère inhabitable.
Selon la fédération, remettre en état ce multiplex de six logements destiné à des familles à faible revenu aurait coûté 271 000 $ en 2020. Avec l'inflation et la flambée du coût des matériaux de construction, il en coûterait désormais 438 000 $ pour en arriver au même résultat. C'est sans compter que le statut de l'immeuble qui est passé d'une cote «D» à une cote «E».
Sur l'île de Montréal uniquement, 285 immeubles sont cotés «D» et 351 sont cotés «E». L'Office municipal d'habitation de Montréal chiffre à 955 millions $ la somme nécessaire, sur cinq ans, pour les maintenir habitables.
Et alors qu'un financement adéquat pour remettre en état d'habitation les logements cotés «D» et «E» se fait attendre, les autres logements ne sont guère plus entretenus, ce qui contribue à la dégradation généralisée du parc locatif. Ce faisant, ils risquent eux aussi de se retrouver en mauvais état, a prévenu Richard Gagné, président du Comité consultatif des résidents de Montréal.
«Si on ne fait rien, le parc va se contracter de plus en plus; on va perdre des HLM, qui sont un besoin essentiel, a-t-il dit. Ce n'est pas normal qu'au Québec, on soit incapable de loger les gens les plus pauvres.»
Carole Guilbault, qui demeure dans un appartement de catégorie «E», ne sait pas si elle serait en mesure de s'offrir un logement dans le quartier Lasalle, où elle demeure, si elle perdait son toit. «Dans mon immeuble, les fenêtres tombent en morceaux; il y a des travaux à faire en électricité et en plomberie; la façade est abîmée; la brique, le ciment, tout ça tombe; il y a de l'eau qui coule», a-t-elle énuméré.
«On est toujours en train de se demander combien de temps on peut rester ici encore», a ajouté la locataire.
La FLHLMQ demande à la nouvelle ministre de l'Habitation, France-Élaine Duranceau, de tenir l'engagement de son gouvernement et d'investir les 2,2 milliards $ promis dans la rénovation des logements à loyer modique, et ce, à raison de 400 millions $ par année, dont la moitié pour les appartements de la métropole.
La FLHLMQ reproche au gouvernement et à la ministre des Affaires municipales, Andrée Laforest, qui avait le portefeuille de l'Habitation jusqu'au dernier droit de 2022, d'avoir renié une entente signée en 2020 avec le gouvernement fédéral, où quelque 275 millions $ prévus pour rénover les logements à loyer modique auraient «plutôt servi à financer d'autres projets», dont la construction de nouveaux logements sociaux. À peine 48,9 millions $ ont servi pour rénover les logements existants, déplore l'organisme.
En 2016, la SHQ estimait à plus de 700 le nombre de ses immeubles à loyer modique en mauvais état, donc cotés D ou E. Cela représentait près de 30 % du parc immobilier de la société d'État.
La FLHLMQ était accompagnée des trois porte-parole de l'opposition en matière d'habitation - Andrés Fontecilla pour Québec solidaire, Virginie Dufour pour le Parti libéral et Méganne Perry Mélançon pour le Parti québécois.
Ceux-ci ont tous déploré la fin annoncée du programme AccèsLogis Québec, une intention de la ministre Duranceau rapportée par La Presse lundi matin.
«C'est déplorable. On a besoin de logement social, a laissé tomber Mme Dufour, députée de Mille-Îles. La CAQ met tous ses œufs dans le même panier, celui des logements abordables, qui le sont de moins en moins pour de plus en plus de familles monoparentales et d'aînés.»
Mme Perry Melançon a abondé en ce sens. «C'est inquiétant, a-t-elle indiqué. La vision du gouvernement Legault, sur la question de l'habitation, privilégie les gens qui ont plus de moyens. Avec une annonce comme la fin d'AccèsLogis, ce sont les gens avec les faibles revenus qui vont en subir les impacts, alors que la demande explose dans les offices municipaux d'habitation avec la hausse du coût de la vie et des loyers, et le salaire minimum qui stagne.»
Dernier à prendre la parole, M. Fontecilla n'a pas mâché ses mots. «C'est un gouvernement qui ne croit plus aux logements sociaux. Il préfère mettre tout son argent au profit des promoteurs privés», a avancé le député de Laurier-Dorion.
«L'inaction du gouvernement est en train de mettre en péril un parc locatif extrêmement important, qui a pris des décennies à prendre forme, a poursuivi l'élu solidaire. Le tout se détériore à une vitesse folle et de plus en plus, nous allons retrouver d'autres immeubles barricadés qui coûteront de plus en plus cher à être rénovés.»
Alors que les élus réagissaient à la fin du programme AccèsLogis, l'Union des municipalités du Québec a effectué une sortie pour dénoncer le fait que les programmes actuels soutenant la réalisation de logements sociaux sont «particulièrement complexes et inapplicables».
La hausse des coûts attribuable au contexte inflationniste actuel rend quasiment impossible la réalisation de projets d'habitations sociales dans les délais prévus, et ce, malgré la hausse de la demande, a déploré le président de l'UMQ, Daniel Côté.
«Après des années d'analyse et un projet accepté par Québec, les municipalités sont confrontées à une hausse de coûts qui fait en sorte que le projet est mis sur la glace. Pour le Programme d'habitation abordable Québec, ce n'est pas mieux, car les mises de fonds exigées sont trop élevées. Il faut dégrossir les processus, alléger les lourdeurs administratives, et surtout, ajuster le financement des programmes en fonction de l'inflation», a-t-il plaidé dans un communiqué.