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Québec a confirmé en janvier dernier une hausse de 0,50 $ l'heure du taux général du salaire minimum. Il passe à 15,75 $ l'heure en date de mercredi, 1er mai 2024.
Québec a confirmé en janvier dernier une hausse de 0,50 $ l'heure du taux général du salaire minimum. Il passe à 15,75 $ l'heure en date de mercredi, 1er mai 2024. Nous sommes habitués aux hausses du salaire minimum, il monte chaque année depuis 2002, mais saviez-vous que la notion de «salaire minimum» ne concernait que les femmes lorsqu'elle est apparue au Québec, autour de 1920?
À la fin de la Première Guerre mondiale, le Québec vit une dégradation des conditions de travail, des grèves et des tensions salariales.
En effet, la présence de nombreuses femmes sur le marché du travail — sous-payées par rapport aux hommes — crée alors une baisse des salaires dans les métiers industriels.
Le gouvernement avait une belle occasion d’abolir la discrimination et d’établir un salaire minimum uniforme, mais non. La solution a plutôt été de légiférer que sur le salaire minimum des femmes.
La Loi du salaire minimum des femmes est donc adoptée en 1919, mais n'entre en vigueur qu'en 1925 avec la création de la Commission du salaire minimum des femmes.
L’idée est de fixer un salaire minimum pour les femmes dans le secteur industriel, car on les juge «incapables de se défendre elles-mêmes et de s’organiser». La mesure vise aussi à redorer le salaire des hommes.
À l’époque, la Commission avait établi que le budget type de l’ouvrière était de 12,20 $ par semaine — un montant jugé suffisant pour la femme dans l’attente d’un mari ou pour une épouse voulant aider aux besoins de la famille — et tentait de se fier à cette balise.
Mais attention, il n’y a alors pas un salaire minimum, mais des salaires minimaux puisque dans les faits, chaque industrie a son propre taux établi par un comité spécial où siègent des représentants de l’employeur et des employées.
L’échelle salariale pouvait donc changer selon différents critères : la zone, l’industrie, l’expérience, le pourcentage d’apprenties et d’ouvrières expérimentées, et le handicap.
Les entreprises ont vite fait de profiter des failles de la Loi du salaire minimum des femmes en adoptant par exemple un système horaire ou à la pièce.
Les entreprises se tournaient aussi beaucoup plus vers la main-d’œuvre masculine, puisqu’aucune loi n’interdisait de les sous-payer. Des employeurs militaient même contre le salaire minimum pour les enfants stipulant qu’un salaire décent ne pouvait que pousser un garçon à quitter l’école.
En 1930, la création du ministère du Travail fait en sorte que la Commission lui est maintenant rattachée et permet un certain redressement — sans être parfait.
Au fil du temps, la Commission du salaire minimum des femmes a notamment obtenu le pouvoir de fixer la semaine normale de travail dans chaque industrie (entre 44 et 55 heures) et elle a fixé une règle concernant la rémunération des heures supplémentaires.
Lorsque la Commission du salaire minimum a été dissoute en 1937, il existait 153 salaires minimaux différents au Québec.
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La loi sur les salaires raisonnables a ensuite été sanctionnée en 1937.
En quoi est-elle différente de la Loi du salaire minimum des femmes? Elle avait un aspect plus étoffé, elle englobait maintenant les hommes et on parlait de «salaire raisonnable» au lieu de «salaire minimum» — sans définir toutefois ce qu’était «un salaire raisonnable».
La Loi sur les salaires raisonnables permit aussi d’inclure les salariés travaillant à domicile, de prévoir la rémunération du temps d’attente et des heures supplémentaires, d’établir la réglementation de la fréquence et du mode de versement des salaires.
C’est aussi à cette époque que la loi prévoit un salaire moindre pour les employés à pourboires. Par exemple, dans un restaurant, les employés sans pourboires, comme le plongeur ou le cuisinier, gagnent 30 cents de l’heure alors que le serveur obtient 20 cents l’heure en plus des pourboires.
Les choses s’améliorent-elles? Tranquillement.
Il existe en 1938 encore quelques centaines de salaires minimaux différents au Québec et on retrouvait encore des failles qui profitaient aux employeurs, dont les permis dérogatoires.
Les salaires hebdomadaires les plus élevés pouvaient atteindre 24 $ et les plus bas, 4,80 $.
L’Office des salaires raisonnables voudrait bien en arriver au principe «à travail égal, salaire minimum égal», mais elle se heurte aux objections gouvernementales et patronales.
En juin 1940, le Parti libéral d’Adélard Godbout abolit l’Office des salaires raisonnables et le remplaça par la Commission du salaire minimum.
Sanctionnée le 22 juin 1940, la Loi du salaire minimum est entrée en vigueur le 18 septembre 1940 avec la création de la Commission du salaire minimum.
Cette fois, la loi vise tous les salariés du Québec qui travaillent chez un employeur ou à domicile, sauf certaines exceptions.
De 1940 à 1950, le taux du salaire minimum haussera considérablement – un accident de parcours selon plusieurs historiens - pour revenir à son rôle plancher en 1951.
En 1965, le Québec possède le taux du salaire minimum le plus bas au Canada. Pour rattraper le retard, le gouvernement décrète une hausse du salaire minimum. Des hausses seront ainsi votées au fil des ans afin de soutenir les travailleurs.
En 1977, le salaire minimum atteint 3,15 $ l’heure, devenant ainsi le salaire minimum le plus élevé en Amérique du Nord.
Les différents taux du salaire minimum présents au Québec sont difficiles à gérer si bien que la Loi sur les normes du travail est sanctionnée en juin 1979 pour entrer en vigueur en avril 1980.
À partir de ce moment, le gouvernement fixe par règlement «le salaire minimum payable à un salarié», une mesure qui ne fait pas l’unanimité.
La loi permet aussi au gouvernement d’élargir le champ d’application des normes minimales du travail et de fixer la durée de la semaine normale de certains salariés.
Les travailleurs au pourboire sont tenus, depuis 1983, de déclarer leurs pourboires à l’impôt.
En 1986, en raison de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, la discrimination fondée sur l’âge disparaît dans les salaires minimaux.
Les taux du salaire minimum ont été gelés de 1981 à 1986 en raison de la récession.
Au printemps de 2002, le gouvernement adoptait un mécanisme officiel permettant de réviser annuellement le salaire minimum selon des critères stables et clairement établis.
En 2002 également, le gouvernement révise en profondeur la Loi sur les normes du travail.
Aujourd’hui, les règles de la Loi sur les normes du travail stipulent que les travailleuses et les travailleurs ont droit au salaire minimum qu’ils travaillent à temps plein, à temps partiel, à la pièce ou à la commission. Le travailleur doit recevoir au moins le salaire minimum même s’il a certains avantages comme une voiture ou un logement fourni par son employeur.
La loi stipule également que le travailleur ne peut pas recevoir un salaire plus bas que le taux en vigueur. L’employeur doit lui verser un salaire égal ou supérieur au salaire minimum.
Il est aussi précisé que lorsque le taux du salaire minimum augmente, l’employeur n’est pas obligé d’ajuster le salaire du travailleur si le salaire qu’il reçoit est plus élevé que le taux minimum.
SOURCE : L’histoire du salaire minimum au Québec par Denis Ledoux; Le salaire minimun au Québec - CNESST; Taux du salaire minimum - Institut de la statistique du Québec.
Avec la collaboration de Guillaume Théroux.