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Une énorme décision de la Cour suprême du Canada qui aura des conséquences sur le destin de certains prisonniers purgeant des peines de longue durée.
Alexandre Bissonnette, reconnu coupable de la tuerie de la Grande Mosquée de Québec, devra purger une peine de 25 ans avant de demander une libération conditionnelle, vient de juger la Cour suprême du Canada. Le plus haut tribunal du pays invalide ainsi le cumul des peines.
Cette disposition 745.51, ajoutée en 2011 par l'ex-gouvernement de Stephen Harper, donnait la possibilité à des juges condamnant des personnes coupables de multiples meurtres d'imposer plusieurs périodes d'inadmissibilité de 25 ans à la libération conditionnelle, purgées consécutivement.
Le plus haut tribunal au pays a toutefois tranché, dans un jugement fort attendu publié vendredi, que le cumul de ces tranches de 25 ans contrevient à l'article 12 de la Charte canadienne des droits et libertés protégeant contre tous traitements ou peines cruels et inusités. Cette invalidation est par ailleurs rétroactive, tout contrevenant ayant écopé de périodes d'inadmissibilités de 50 ans ou plus pourra donc demander réparation.
«Poussée à l'extrême, la disposition contestée autorise le tribunal à ordonner à un contrevenant de purger un temps d'épreuve qui dépasse l'espérance de vie de toute personne humaine, une peine dont l'absurdité est de nature à déconsidérer l'administration de la justice», peut-on lire dans la décision rédigée par le juge en chef Richard Wagner.
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De plus, la Cour suprême détermine que l'article 745.51 du Code criminel est contraire à la dignité humaine et présuppose que des contrevenants «ne possèdent pas la capacité de s'amender et de réintégrer la société».
«L'horreur des crimes ne nie pas la proposition fondamentale que tous les êtres humains portent en eux la capacité de se réhabiliter et qu'en conséquence, les peines qui ne tiennent pas compte de cette qualité humaine vont à l'encontre des principes qui sous-tendent l'(article) 12 de la Charte», peut-on lire.
En première instance dans le dossier du tireur de la mosquée de Québec, le juge François Huot de la Cour supérieure avait fixé la période d’inadmissibilité à la libération conditionnelle à 40 ans en se basant sur le principe d’interprétation large.
Il a évalué qu’une peine de prison à perpétuité avec possibilité de libération dans les délais habituels «occulte complètement le nombre de personnes décédées, l’inqualifiable violence exercée, les motivations profondes de l’accusé et les répercussions dramatiques des gestes posés sur les membres des familles endeuillées, la communauté musulmane de Québec et la société en général».
En contrepartie, il a jugé que le recours à deux périodes consécutives de 25 ans sans possibilité de sortir de prison équivaudrait à une violation à l’article 12 de la Charte canadienne des droits et libertés, ce pour quoi il a établi la période à 40 ans pour remédier à l’inconstitutionnalité.
Tant la Cour d’appel du Québec que la Cour suprême ont conclu que le juge Huot a fait erreur en appliquant ce principe d’interprétation large.
Le 29 janvier 2017 avait eu lieu la tuerie de masse au Centre culturel islamique de Québec (CCIQ). Armé, Alexandre Bissonnette avait fait irruption à l’heure de la prière. Le bilan avait été de six morts et huit blessés, dont six graves. Il a plaidé coupable à 12 chefs d’accusation, dont six de meurtre au premier degré, mais avait contesté la sentence initiale avec succès en 2019.
En mars dernier, la Cour suprême du Canada avait entendu la cause sur la constitutionnalité de cette disposition du Code criminel ajoutée en 2011, sous le gouvernement conservateur de Stephen Harper.
Les victimes d'Alexandre Bissonnette sont six hommes, à savoir Ibrahima Barry, Mamadou Tanou Barry, Khaled Belkacemi, Aboubaker Thabti, Abdelkrim Hassane et Azzedine Soufiane.
Des survivants et des proches de victimes de plusieurs tueries survenues au Canada dans les dernières années continuent de faire pression sur le gouvernement de Justin Trudeau afin de faire bannir définitivement les armes de poings et les armes d’assaut au pays.