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La nouvelle ministre de la Petite Entreprise a traversé un parcours assez atypique.
Rechie Valdez, qui est entrée dans l'histoire cette semaine en devenant la première femme d'origine philippino-canadienne nommée ministre fédérale, a emprunté un chemin inhabituel vers ses hautes fonctions politiques, passant de la banque à la pâtisserie avant d'arriver à la Chambre des communes.
Née en Zambie dans une famille philippine qui avait immigré dans ce pays d'Afrique australe, Mme Valdez, aujourd'hui âgée de 43 ans, a raconté que le jour où son vol a atterri au Canada en décembre 1989, c'était la première fois qu'elle enfilait un manteau d'hiver.
«J'ai grandi en short et en t-shirt, puis je suis arrivée dans cet incroyable pays en plein hiver», confie-t-elle en entrevue à La Presse canadienne.
Sa promotion, cette semaine, au poste de ministre des Petites Entreprises par le premier ministre Justin Trudeau a marqué une percée pour les Canadiens d'origine philippine, une communauté qui s'inquiète de sa sous-représentation au gouvernement.
Mme Valdez, qui a été élue pour la première fois pour représenter Mississauga—Streetsville en 2021, a eu du mal à retenir ses larmes lorsqu'elle a prêté serment au cabinet mercredi, dans le cadre d'un remaniement plus large du cabinet Trudeau.
«C'est un moment de grande fierté», avait-elle alors déclaré, notant que son mari et ses deux enfants étaient dans le public et que sa famille à Mississauga, en Ontario, regardait à la télévision.
En entrevue, Mme Valdez souligne que les Canadiens d'origine philippine n'avaient pas eu voix au chapitre en politique fédérale depuis que le député de Winnipeg Rey Pagtakhan – qui est devenu en 1988 le premier Canadien d'origine philippine à devenir député – a été défait aux élections de 2004.
«Il s'agit de représentation et d'avoir une voix à la table», relève-t-elle.
Plus de 957 000 Canadiens ont affirmé avoir des racines philippines lors du recensement de 2021, dont plus de 757 000 personnes nées aux Philippines et ayant immigré au Canada, selon Statistique Canada.
Mme Valdez a travaillé dans le secteur bancaire pendant 15 ans, mais a effectué un de cap en 2016, lorsqu'elle avait préparé un gâteau pour le premier anniversaire de sa fille.
«Je suis devenue une boulangère autodidacte. J'ai commencé par faire de la pâtisserie. J'ai dit à mes amis : "Hé, alors je fais des petits gâteaux maintenant. Tu veux essayer?", relate la principale intéressée. Finalement, une fois que j'ai pu maîtriser mes recettes, j'ai enregistré mon entreprise et je suis devenu un entrepreneur officiel de petite entreprise.»
Au fur et à mesure que son entreprise grandissait, elle a commencé à servir des clients dans toute la région du Grand Toronto. Puis, elle a lancé une autre entreprise fournissant une gamme de pâtisseries et de desserts fusion philippins aux chaînes d'épiceries asiatiques de Mississauga.
«Je suis passée de la préparation d'un seul gâteau d'anniversaire à la possibilité de faire des courses», rappelle-t-elle.
Elle a également animé une émission sur la télévision philippine qui partageait des histoires d'entrepreneurs et d'artistes. Elle a travaillé avec des associations de basketball et a recueilli des fonds pour des organismes de bienfaisance pour enfants partout au Canada.
Elle estime que son curriculum vitae l'a équipée pour défendre les petites entreprises.
«En tant qu'entrepreneure de petite entreprise au Canada, on apprend ce qu'il faut pour avoir une vision, pour travailler dur pour concrétiser cette vision et pour développer son entreprise à partir de zéro», note-t-elle.
Grant Gonzales, cofondateur de l'Association politique Philippino-Canadienne, qualifie la nomination de Mme Valdez d'« inspirante ».
«Personnellement, j'étais très fier. C'était tellement émouvant de voir Rechie prêter serment parce que cela signifie énormément pour la communauté philippino-canadienne», dit-il.
M. Gonzales est d'avis qu'il existe des obstacles systémiques dans la politique canadienne qui empêchent les personnes racisées, y compris la communauté philippino-canadienne, d'accéder à des fonctions électives.
«Les personnes racisées ne peuvent souvent pas compter sur des réseaux intergénérationnels qui ont profité aux autres», illustre-t-il.
«Nous sommes des immigrants de première génération ou nous sommes des Canadiens de deuxième génération. Nous n'avons pas ces réseaux bien établis qui sont souvent si essentiels pour aider à propulser les gens vers des postes électifs», renchérit-il.
Paul Saguil, un avocat philippin-canadien qui s'est présenté comme candidat libéral dans Willowdale aux élections provinciales de l'Ontario l'année dernière, a convenu que sa communauté avait rencontré des obstacles pour entrer en politique, notamment le fait que de nombreux Philippins ont commencé leur vie au Canada sans résidence permanente.
M. Saguil croit que la représentation des Philippines en politique bénéficie du fait que les partis considèrent de plus en plus les Canadiens racialisés comme des candidats solides.
Des Canadiens d'origine philippine ont été élus au niveau provincial en Colombie-Britannique et au Manitoba et comme conseillers municipaux en Alberta, en Colombie-Britannique et en Ontario. Mais, souligne-t-il, il reste encore un long chemin à parcourir.
«Les Philippins sont au Canada depuis presque avant la Confédération et il est tragique que nous n'ayons jamais eu de représentation à Queen's Park ou à l'hôtel de ville de Toronto, avance-t-il. Je pense que cela doit changer.»