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«Il est très probable que la maladie soit présente chez les ours canadiens.»
Les scientifiques craignent que les ours polaires canadiens soient menacés par la propagation de la grippe aviaire après que les autorités ont confirmé que la maladie avait tué un ours en Alaska.
«Il est très probable que la maladie soit présente chez les ours canadiens, soutient Andrew Derocher, éminent biologiste spécialiste des ours polaires à l'Université de l'Alberta. Elle est présente. C'est juste que nous ne la recherchons pas.»
Le mois dernier, des fonctionnaires du ministère américain de l'Agriculture ont confirmé que la souche H5N1 de la grippe aviaire avait tué un ours polaire, trouvé en octobre près de la ville d'Utqiagvik, en Alaska, à environ 500 kilomètres de la frontière avec le Yukon.
Les ours polaires se déplacent sur des centaines de kilomètres et l'ours décédé faisait partie d'une population partagée par les deux pays.
Le virus est apparu pour la première fois au Yukon il y a plus d'un an chez un renard roux, expose Jane Harms, vétérinaire du territoire.
«Cette souche de la grippe aviaire semble avoir la capacité d'infecter et de provoquer des maladies chez des mammifères de différents types», mentionne-t-elle.
«Le fait que ce virus puisse provoquer des maladies et la mort d'ours polaires, ainsi que d'autres espèces, est préoccupant.»
On ne sait pas encore exactement jusqu'où le virus s'est propagé parmi les mammifères de l'Arctique. L'Alaska l'a trouvé chez des renards roux, un ours noir et un ours de Kodiak.
Selon Mme Harms, il semble que jusqu'à présent le virus se propage lorsque les mammifères mangent des oiseaux infectés.
«Dans la plupart des cas, les mammifères sauvages sont infectés en mangeant des tissus d'oiseaux infectés. La maladie ne semble pas se transmettre de mammifère à mammifère», évoque-t-elle.
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Toutefois, M. Derocher a déclaré que les changements climatiques augmentaient probablement l'exposition des ours, car la diminution de la glace de mer les maintient plus longtemps sur le rivage et les oblige à se nourrir de proies telles que des oiseaux morts. Ces périodes prolongées de rareté relative sur le rivage affaiblissent également les ours.
«Les fonctions du système immunitaire diminuent. Avec un système immunitaire affaibli, ils sont plus susceptibles de succomber», dit-il.
En outre, les ours polaires sont plus vulnérables aux virus que les autres ours, explique John Whiteman, chercheur en chef à Polar Bears International et professeur à l'université Old Dominion en Virginie.
En évoluant pour l'Arctique, ils ont perdu une grande partie de leur «bibliothèque» génétique des agents pathogènes possibles et des moyens d'y résister.
«Si l'on peut reconnaître un grand nombre d'agents pathogènes, on est mieux armé pour les combattre, explique M. Whiteman. Les ours polaires ne reconnaissent pas beaucoup d'agents pathogènes.»
Selon lui, les changements climatiques ont fait exploser le nombre de virus dans le monde.
«Nous savons que les agents pathogènes modifient leur répartition et que certains d'entre eux, qui n'auraient pas pu survivre sur le versant nord de l'Alaska, sont en train de s'implanter», affirme-t-il.
La grippe aviaire est désormais présente sur tous les continents, à l'exception de l'Australie.
MM. Whiteman et Derocher ont tous deux appelé à une meilleure surveillance des maladies des animaux sauvages.
Mme Harms indique que le Yukon effectuait régulièrement des nécropsies sur les animaux sauvages morts, mais qu'il fallait aller plus loin. La confirmation de la grippe aviaire nécessite des tests supplémentaires, ajoute-t-elle.
«La réalité est que nous aurions probablement plus d'infections par le virus de la grippe aviaire chez les mammifères si nous avions la possibilité de les rechercher», mentionne Mme Harms.
La population du sud de la mer de Beaufort, dont faisait partie l'ours mort, est estimée à environ 900 individus, bien qu'il soit difficile d'en être certain. On considère que cette population a diminué d'environ 50 % depuis les années 1980, avance M. Derocher.
Le virus a durement touché d'autres mammifères. Les scientifiques l'ont associé à la mort de près de 500 phoques dans le Maine au cours des deux dernières années.
Mais MM. Derocher et Whiteman estiment qu'un seul décès d'ours n'est pas suffisant pour déclencher le bouton de panique concernant le virus.
«Je dirais qu'il s'agit d'une situation un peu alarmante, soutient M. Whiteman. Cette menace comporte encore beaucoup d'inconnues. Mais il y a un potentiel de mortalité.»
«La plus grande menace pour cette espèce est de loin la disparition de la glace de mer», ajoute-t-il.