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Selon les experts, Haïti pourrait connaître une augmentation des infections au VIH en raison de la pénurie de médicaments.
Une vidéo montrant des dizaines de personnes défilant vers le bureau du premier ministre haïtien a suscité l'étonnement de certains lors de sa récente diffusion sur les réseaux sociaux. Les manifestants, qui sont séropositifs, ne cachaient pas leur visage – un fait rare dans un pays où un tabou règne toujours sur le sida.
«Appelez le ministre de la Santé! Nous sommes en train de mourir!» scandaient les membres du groupe.
Les manifestants ont risqué d'être traités en paria pour sonner la clochette d'alarme sur le manque de médicaments contre le VIH à Haïti. Cette sortie arrive quelques mois seulement après que l'administration du président américain Donald Trump a réduit de plus de 90% les contrats d'aide étrangère de l'USAID et de 60 milliards de dollars d'aide mondiale.
Dans un hôpital près de Cap-Haïtien, dans le nord du pays, le Dr Eugène Maklin a déclaré avoir du mal à partager cette nouvelle réalité avec ses plus de 550 patients atteints du VIH.
«C'est difficile de leur expliquer, de leur dire qu'ils ne trouveront pas de médicaments, a-t-il rapporté . C'est comme un suicide.»
Trois jours après la manifestation de lundi, le chef du Conseil présidentiel de transition d'Haïti, Louis Gérald Gilles, a annoncé avoir rencontré des militants et tenter d'obtenir des financements.
Plus de 150 000 personnes en Haïti sont atteintes du VIH ou du sida, selon les estimations officielles, même si les associations estiment que ce chiffre est bien plus élevé.
David Jeune, travailleur communautaire en hôpital de 46 ans, en fait partie. Il a été infecté il y a 19 ans après un rapport sexuel non protégé. «J’avais peur d’en parler aux gens, car ils me montreraient du doigt en disant que je transmettais le sida à d’autres», a-t-il témoigné.
Sa peur était si grande qu’il n’en a parlé à personne, pas même à sa mère. Mais cette crainte s’est dissipée grâce au soutien que M. Jeune dit avoir reçu des associations. Sa confiance a grandi au point de lui permettre de participer à la manifestation de lundi.
«J’espère que Trump changera d’avis», a-t-il déclaré, précisant que ses médicaments seront épuisés en novembre. «Laissez les pauvres obtenir les médicaments dont ils ont besoin.» Patrick Jean Noël, représentant d'une fédération d'organismes luttant contre le VIH en Haïti, a déclaré qu'au moins cinq cliniques, dont une accueillant 2500 patients, ont été contraintes de fermer suite aux coupes budgétaires de l'USAID.
«Nous ne pouvons pas rester silencieux, a-t-il soutenu. Il faut que davantage de personnes se manifestent.»
Mais la plupart des personnes vivant avec le VIH en Haïti hésitent à le faire, a expliqué la Dr Sabine Lustin, directrice générale de l'association à but non lucratif Promoteurs Objectif Zérosida, basée en Haïti.
La stigmatisation est si forte que de nombreux patients hésitent à venir chercher leurs médicaments en personne. Ils sont plutôt envoyés dans des colis emballés comme des cadeaux pour ne pas éveiller les soupçons, a expliqué Dr Lustin.
L'organisation de Dr Lustin, qui aide quelque 2 000 personnes en Haïti, reçoit un financement des Centres pour le contrôle et la prévention des maladies des États-Unis. Bien que leur financement n'ait pas été réduit, elle a indiqué que, peu après l'investiture de M. Trump, l'agence avait interdit les activités de prévention, car elles ciblaient un groupe jugé non prioritaire. Dr Lustin a compris que cela faisait référence aux hommes homosexuels.
Cela signifie que l'organisation ne peut plus distribuer de préservatifs gratuits ou sensibiliser la population à la maladie.
«On risque une augmentation des infections, a-t-elle prévenu. On a une population jeune, sexuellement active, qui ne reçoit pas les messages de prévention et n'a pas accès aux préservatifs.»
Selon les experts, Haïti pourrait connaître une augmentation des infections au VIH en raison de la pénurie de médicaments, alors que la violence des gangs et la pauvreté sont en plein essor.
Le Dr Alain Casseus, chef du service des maladies infectieuses de Zamni Lasante, le plus grand prestataire de soins de santé privé d'Haïti, a déclaré qu'ils s'attendaient à une augmentation du nombre de patients compte tenu des coupes budgétaires.
Finalement, cela n'a pas eu lieu, les déplacements terrestres en Haïti étant devenu trop dangereux en raison des gangs violents qui ouvrent le feu sur des véhicules au hasard.
«Il ne faudrait pas longtemps, surtout compte tenu de la situation en Haïti, pour entrer dans une phase très critique», prévenu le Dr Casseus à propos des infections au VIH. Même si des financements sont disponibles, une interruption de traitement pourrait entraîner une résistance, a-t-il ajouté.
À l'hôpital New Hope dirigé par le Dr Maklin, dans le nord d'Haïti, les rayons sont vides. Il recevait auparavant plus de 165 000 $ par an pour aider les patients atteints du VIH/sida. Mais ce financement s'est tari. «Ces gens vont mourir, a-t-il affirmé. Nous ne savons pas comment ni où nous allons obtenir davantage de médicaments.»
Les médicaments contrôlent l'infection et permettent à de nombreuses personnes d'avoir une espérance de vie moyenne. Sans eux, le virus attaque le système immunitaire et mène au sida.