Début du contenu principal.
Le conjoint Carol Dubé et la famille de la défunte mère atikamekw, soutenus par le Conseil des Atikamekw de Manawan (CDAM), ont déposé cette poursuite au civil afin d’obtenir «justice pur Joyce».
La famille de Joyce Echaquan intente une poursuite de 2,675 millions $ contre l’hôpital de Joliette, la Dre Jasmine Thanh et l’infirmière Paule Rocray, soit les différentes parties impliquées dans les événements entourant son décès.
Le conjoint Carol Dubé et la famille de la défunte mère atikamekw, soutenus par le Conseil des Atikamekw de Manawan (CDAM), ont déposé cette poursuite au civil afin d’obtenir «justice pour Joyce». La poursuite a été déposée jeudi en Cour supérieure au palais de justice de Joliette.
Le 28 septembre 2022 le deuxième anniversaire de la mort de Joyce Echaquan, à 37 ans. Son décès est survenu peu après qu’elle ait publié une vidéo en direct sur Facebook alors que des employés de l’hôpital de Joliette dans Lanaudière lui proféraient des insultes à caractère racial.
«La famille de Joyce a vécu un énorme préjudice suite au décès», a fait valoir l'avocat de la famille, Me Patrick Martin-Ménard, en conférence de presse en compagnie de membres de la famille et de chefs atikamekw, ajoutant que le racisme dont elle a été victime a «significativement aggravé le préjudice».
Voyez le récapitulatif d'Anaïs Elboujdaini au bulletin Noovo Le Fil 17 dans la vidéo.
«Elle a consulté à plusieurs reprises dans les mois qui ont précédé son hospitalisation et à chaque fois, on ignorait ses plaintes, on la renvoyait chez elle de façon sommaire sans traiter la cause de sa douleur en lui donnant de la morphine», a raconté le juriste.
«Dès sa prise en charge, elle a été étiquetée comme étant narcomane, on n'a pas investigué l'ensemble de sa condition. On n'a pas, notamment, investigué sa condition cardiaque et c'est ce qui a mené à sa détérioration et à son décès», a tranché Me Martin-Ménard.
Paule Rocray était l’une de ces infirmières, et la Dre Thanh a traité Mme Echaquan peu avant sa mort.
Le fait de poursuivre le Centre intégré de santé et de services sociaux représente une anomalie, mais l'avocat de la famille, Me Patrick Martin-Ménard, fait valoir que le CISSS avait été avisé à l'issue des travaux de la commission Viens, des problèmes de racisme systémique à l'hôpital de Joliette.
En 2018, un rapport à ce sujet avait été remis au CISSS, mais celui-ci n'avait rien fait pour changer la situation au moment de l'hospitalisation de Mme Echaquan, selon les reproches contenus dans la poursuite, déposée jeudi matin.
«Le CISSS de Lanaudière savait ou devait savoir qu'en ne faisant rien, la situation fondamentalement attentatoire aux droits fondamentaux des gens de la communauté de Manawan allait continuer, a avancé Me Martin-Ménard. Il n'y a rien qui justifie l'inaction du CISSS de Lanaudière. C'est la raison pour laquelle on réclame des dommages punitifs.»
Sur la question des dommages punitifs réclamés à Paule Rocray, Me Martin-Ménard n'a pas été tendre à l'endroit de l'infirmière: «Les dommages punitifs, ça vise à punir les auteurs d'un fait fautif ayant causé un préjudice.»
«L'infirmière, Paule Rocray, a intentionnellement porté atteinte au droit à la dignité, au droit à l'égalité de Joyce de par son comportement raciste. Elle a également porté atteinte au droit au secours de Joyce dans le contexte où Joyce était en détresse après (une) chute. Il y avait un épisode cardiaque en installation. Elle a été laissée sous isolement, sous contention, attachée aux quatre membres et au torse, alors qu'il y avait un épisode cardiaque qui était en installation. C'est ce qui a assurément mené à son décès», a-t-il déclamé.
La poursuite est tout aussi sévère à l'endroit de la docteure Jasmine Thanh, lui reprochant d'avoir négligé de l'avoir évaluée correctement et d'avoir conclu «fautivement et négligemment que la problématique de Mme Echaquan était liée à un sevrage de morphine». Le document juridique poursuit en reprochant à la généraliste d'avoir «fautivement et négligemment omis de réévaluer la condition médicale de Mme Echaquan alors que sa symptomatologie s'aggravait et que la douleur intense qu'elle ressentait persistait et ce, malgré les appels du personnel infirmier lui rapportant cette condition».
«Pour ne pas qu'elle soit morte en vain»
Carol Dubé, le conjoint de Mme Echaquan, s'est exprimé avec émotion lors de la conférence de presse visant à donner les détails de la poursuite. Interrogé sur les raisons qui le poussaient à lancer la poursuite, il a dit être à la recherche de «la guérison, pas seulement pour moi, mais pour tous ceux qui ont été touchés par cet événement. Il faut que ça change aussi, pour que personne (ne vive) ce triste événement. Aussi pour la mémoire de ma femme, pour l'honorer, pour ne pas qu'elle soit morte en vain.»
Carol Dubé et les chefs atikamekw Sipi Flamand et Constant Awashish ont dénoncé le refus du gouvernement Legault de reconnaître le racisme systémique, estimant que le décès de Joyce Echaquan le démontre pourtant clairement. M. Dubé a de nouveau dénoncé les propos de François Legault selon qui les problèmes ont été réglés à l'hôpital de Joliette, ce qui est inexact, selon lui.
«Vous avez tous entendu M. Legault dire, il y a deux semaines, que le problème est réglé à Joliette», a rappelé Me Martin-Ménard. «Est-ce que le problème est vraiment réglé? Quand vous écoutez les gens de la communauté de Manawan, l'insécurité, les craintes, les enjeux au niveau de la communication, la qualité des soins demeurent bien présentes.»
«Il y a un contexte tout à fait politique autour de la reconnaissance du racisme systémique. Il y a des gestes qui doivent être posés en lien avec la communauté de Manawan», a fait valoir le juriste.
Carol Dubé, de son côté, a cherché à mettre le premier ministre sortant au défi. «Legault refuse de reconnaître le racisme systémique. Je lui demande des preuves que le racisme systémique n'existe pas dans les institutions. Qu'il le prouve. La commission Viens a récolté des centaines de témoignages qui ne peuvent être ignorés. Avant ce drame, les choses qui auraient dû changer n'ont pas été changées. On attend encore», a-t-il laissé. tomber avec amertume.
Le chef de la communauté de Manawan, Sipi Flamand, a réitéré la demande au gouvernement Legault «d'adopter le principe de Joyce et de le mettre en application dans son administration», mais adopter ce principe, qui vise a assurer aux Autochtones un accès équitable et sans discrimination aux services de santé et sociaux, implique de reconnaître, justement.
Le grand chef de la nation atikamekw, Constant Awashish, a pour sa part évoqué l'avenir. «Moi, je veux pouvoir vieillir en sachant que nos enfants, nos petits-enfants puissent vivre pleinement leur identité, qu'ils puissent être confortables dans qui ils sont et qu'ils puissent recevoir des services publics tout en étant sécures, tout en étant bien dans leurs démarches, peu importe les services qu'ils vont chercher.»
Avec des informations de La Presse canadienne.