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Des 130 000 nouveaux logements locatifs nécessaires, 46,9% devraient être offerts dans la région métropolitaine de recensement (RMR) de Montréal.
La construction de 130 000 portes supplémentaires d'ici 2031 serait nécessaire pour endiguer la crise du logement, estime la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ), qui a dévoilé mardi les résultats d'une étude sur l'état du marché locatif dans la province.
Il y a deux ans, le déficit en logements locatifs pour atteindre un taux d'inoccupation de 3%, seuil considéré comme étant en équilibre, était de 16 300 portes. Notons qu'entre 2012 et 2021, la croissance du parc immobilier locatif a été de 30%, indique le rapport réalisé par la firme Aviséo Conseil, qui s'appuie principalement sur des chiffres datant de 2021 ou de 2022, lorsque disponibles.
Des 130 000 nouveaux logements locatifs nécessaires, 46,9% devraient être offerts dans la région métropolitaine de recensement (RMR) de Montréal.
Par ailleurs, 42% des besoins actuels en logement se situent en dehors des régions métropolitaines les plus importantes de la province. «Le déficit et les besoins y sont présents parce que la capacité de construction n'est pas là, elle se concentre davantage à Montréal et à Québec», souligne Jean-Pierre Lessard, économiste pour Aviséo Conseil et auteur de l'étude.
Grâce à ces données fraîches, la CORPIQ espère déconstruire plusieurs idées préconçues sur les loyers au Québec.
Le rapport indique que les Québécois paient moins pour se loger qu'ailleurs au Canada, allouant en moyenne 18,1 % de leur revenu pour leur loyer comparativement à 22,9% dans le reste du pays.
M. Lessard et Marc-André Plante, directeur des affaires publiques et des relations gouvernementales à la CORPIQ, font par ailleurs valoir que la flambée des loyers n'est pas aussi prononcée que certains font croire.
«L'augmentation du loyer moyen, c’est quand il y a eu une offre qui s’est ajoutée, précise M. Lessard. C’est sûr que les loyers plus récents reflètent le loyer économique, donc ils sont plus chers, mais quand on parle de l'augmentation du prix des loyers, on ne peut pas dire que c'est le même logement qui a augmenté de X%.»
Pour atteindre cet objectif d'équilibre sur le marché locatif, la CORPIQ plaide pour davantage de flexibilité, autant de la part du gouvernement provincial que des municipalités, dont «la fiscalité et les politiques publiques actuelles nuisent au développement d'une offre locative de qualité et abondante».
Le rapport fait valoir que «le poids de la réglementation est cinq fois plus élevé pour le locatif par rapport à une maison unifamiliale à Montréal», par exemple, et que 136 municipalités au Québec taxent davantage les immeubles de six logements et plus, ce qui décourage leur construction.
On retrouve dans le document 24 recommandations, dont certaines en appellent à une certaine souplesse administrative comme l'élimination des exigences minimales de stationnement et l'abrogation des règlements municipaux interdisant la «densité douce».
«La densification, ce n'est pas nécessairement de construire des immeubles de 30 étages, illustre M. Plante. Ça pourrait de permettre un triplex dans un quartier composé d'habitations unifamiliales, ou d'aménager un logement dans le sous-sol d'une maison ou dans un bâtiment accessoire.»
Une réforme du Code du bâtiment est aussi souhaitée, celui-ci étant contraignant pour bon nombre de propriétaires d'immeubles locatifs, qui n'en possèdent généralement qu'un ou deux et qui comptent sur cet investissement pour leur retraite.
MM. Lessard et Plante s'expliquent mal cette obligation de faire appel à autrui pour de menus travaux, outre ceux qui doivent être réalisés par des professionnels pour des raisons de sécurité, comme l'électricité.
«Les propriétaires se trouvent dans une lourdeur administrative. Est-ce qu'ils pourraient rénover eux-mêmes la tuile de leur salle de bain par exemple? Il faudrait permettre un peu plus de flexibilité, surtout dans un contexte de rareté de main-d'œuvre», stipule M. Lessard.
L'étude propose aussi la création d'un programme d'aide à la rénovation pour les immeubles locatifs qui permettrait de soutenir l'entretien des immeubles existants.
«Le parc immobilier est quand même âgé, souligne M. Lessard. Environ 70% du parc a plus de 40 ans, et ça monte à plus de 80% à Montréal. Il y a 1,3 million de logements construits avant 2011. Ces logements-là existent dans le marché, ils sont de plus en plus vieillissants.»
«Le gouvernement a tout intérêt à aider à maintenir le parc existant parce que c’est là qu’on retrouve la plupart des logements abordables», renchérit M. Plante.
En ce sens, un soutien gouvernemental serait bienvenu pour assurer la pérennité de ces logements qui sont les plus abordables sur le marché.
«Les locataires seraient gagnants de cette mesure puisque les subventions sont soustraites du montant sur lequel est calculée l'augmentation du loyer devant le TAL, fait valoir M. Plante. Des rénovations pourraient aussi permettre des améliorations énergétiques qui se transformeraient en une facture moins élevée pour le locataire qui paie son électricité.»
Pour Cédric Dussault, porte-parole du RCLALQ, l'étude de la CORPIQ ne peut pas être considérée sérieusement tant elle est complaisante. Selon lui, les conclusions du rapport étaient vraisemblablement «prédéterminées» parce qu'elles font écho à des demandes de longue date de la CORPIQ.
«Ce n'est pas une étude scientifique, c'est une étude menée par une firme conseil privée, c'est presque une firme de marketing qui a été mise à contribution pour produire ce rapport-là et pour appuyer des points déjà amenés [par la CORPIQ]», a-t-il lancé en entrevue avec La Presse Canadienne.
2/ Cette étude n'a rien de scientifique, puisque les conclusions sont déterminées d'avance (et sont pour la plupart de vieilles rengaines de la CORPIQ), et qu'elle n'a pas été réalisée dans un contexte de recherche, mais par une firme de marketing. #polqc #crisedulogement
— RCLALQ (@rclalq) May 9, 2023
Contrairement à ce que plaide le commanditaire du document, les avantages pour les locataires sont quasiment inexistants dans l'étude, relève M. Dussault. `L'aspect humain est complètement évacué de tout ça', dit-il.
«En fait, il reste peu de barrières pour permettre la défense des droits des locataires et la préservation de l'abordabilité du parc locatif, mais avec ses recommandations, la CORPIQ souhaite les faire tomber. C'est dangereux et inquiétant», lâche le porte-parole.
Celui-ci fait notamment état de la demande d'abandon de la section G dans les baux, peu remplie, mais qui permet à quelqu'un de savoir de combien était le loyer pour le précédent locataire. Il souligne aussi la demande d'abandon de la cession de bail, «un droit des locataires, et une des seules choses qui permet aux loyers de rester abordable lors des changements de locataires».
Enfin, M. Dussault estime que ce n'est pas en augmentant l'offre que la crise du logement prendra fin, mais plutôt en coupant court à la spéculation, responsable de la flambée des loyers.
«Il y a une concentration de la propriété de plus en plus grande au Québec, souligne-t-il. De libéraliser le marché et d'éliminer ce qui freine l'explosion des loyers, ça ne va qu'aggraver la situation pour les locataires.»