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La leader parlementaire des libéraux Karina Gould a présenté la mise à jour économique.
Ottawa largue son objectif de maintenir le déficit sous les 40 milliards $. Il a finalement atteint 61,9 milliards $ en 2023-2024, révèle l'énoncé économique de l'automne dévoilé lundi dans la foulée d'une journée chaotique marquée par la démission – le matin même – de la ministre des Finances, Chrystia Freeland.
Comment expliquer cette situation? Les revenus du gouvernement ont diminué de 5,5 milliards $ par rapport à ce qui était prévu au printemps. En parallèle, Ottawa projette dépenser 16,4 milliards $ supplémentaires pour des engagements déjà pris, surtout «au titre des revendications autochtones».
La mise à jour révèle également que le gouvernement fédéral anticipe que, pour l’année courante, le déficit passera de 39,8 milliards $ à 48,3 milliards $.
Mme Freeland aura néanmoins respecté les deux autres «ancrages financiers» qu’elle s’était donnés, soit de maintenir le ratio de la dette par rapport à la taille de l’économie sur une trajectoire descendante et que le ratio du déficit par rapport au PIB reste en deçà de 1 % à compter de 2026-2027.
Faute d'une ministre des Finances, c'est la leader du gouvernement à la Chambre des communes, Karina Gould, qui a déposé l'énoncé économique, sans toutefois prononcer de discours.
Il n'était d'ailleurs pas clair jusqu'en début d'après-midi si l'événement allait être purement et simplement annulé, à tel point que le huis clos permettant aux journalistes et à toutes sortes de parties de l'analyser a duré à peine plus de deux heures.
Alors que le président désigné des États-Unis, Donald Trump, menace d’imposer des tarifs douaniers de 25 % sur les importations canadiennes, Ottawa chiffre son plan pour protéger sa frontière avec son voisin du Sud. Il entend dépenser 1,3 milliard $ sur six ans pour «un ensemble complet d’investissements», mais n’en détaille pas la nature.
«Ce qu'il y a d'un peu plus surprenant, c'est que c'est sur six ans et que c'est reparti à peu près également, explique Geneviève Tellier, professeure à l'école d'études politiques de l'Université d'Ottawa Il n’y a pas beaucoup de nouvel argent dépensé cette année ni l’an prochain. Est-ce que ça va être suffisant pour satisfaire les Américains? Je ne crois pas.»
Et le gouvernement rétablit son programme qui permet aux entreprises d’amortir plus rapidement les coûts d’investissement pour l’acquisition, entre autres, de machines et de matériel de fabrication. Avec une facture de 17,4 milliards $ sur six ans, il s’agit de loin de la mesure la plus coûteuse de l’énoncé économique.
La professeure Tellier a expliqué que la mesure rendra le régime d’imposition des sociétés plus concurrentiel face aux Américains et aux autres marchés internationaux. «On soupçonne qu’avec les tarifs douaniers, avec sans doute une baisse des impôts pour les entreprises aux États-Unis, ça pourrait nuire à la concurrence des entreprises canadiennes», a-t-elle expliqué.
Le fameux congé de TPS entré en vigueur samedi et pour deux mois coûtera 1,6 milliard $, confirme-t-on. Ottawa ne dit pas un mot sur la proposition des libéraux d’envoyer un chèque de 250 $ aux Canadiens qui ont gagné des revenus de travail inférieurs à 150 000 $ en 2023.
En conférence de presse à Rideau Hall immédiatement après son assermentation comme nouveau ministre des Finances, Dominic LeBlanc a expliqué que sa priorité sera de s'attaquer aux enjeux de coût de la vie.
«Les Canadiens s'attendent aussi à ce que le gouvernement dépense l'argent des contribuables d'une façon responsable. (...) Et c'est précisément le travail que j'ai hâte de faire comme ministre des Finances», a-t-il ajouté.
Parmi les autres mesures du document, le gouvernement entend dépenser près de 600 millions $ sur trois ans pour le retrait des armes de style d’assaut de la circulation et de dédommager «équitablement» leurs propriétaires.
Les billets de 5 $ seront désormais à l’effigie de Terry Fox, un héros canadien qui a tenté de traverser d’un bout à l’autre le pays en parcourant en moyenne 42 kilomètres par jour avec sa jambe artificielle pour amasser des fonds destinés à la recherche sur le cancer.
L’ancien premier ministre du Canada Sir Wilfrid Laurier sera déplacé sur les billets de 50 $, mais Ottawa ne dit pas le sort qu’il réserve à William Lyon Mackenzie King dans ce remaniement bancaire.
L’énoncé économique n’annonce aucune motion de voies et moyens, ce qui forcerait un vote de confiance envers le gouvernement, et qui pourrait donc possiblement le faire tomber.
À la Chambre des communes, le chef du Parti conservateur, Pierre Poilievre, s'est dit «stupéfait» que le nouveau ministre des Finances «se cache» à la résidence de la gouverneure générale plutôt que de présenter le discours qui dévoile l'imposant déficit.
«Incroyable: 55 % plus élevé que promis il y a huit mois. Hors. De. Contrôle, a-t-il lancé. Le premier ministre a pris le volant. Il a tiré vers la gauche. Il a frappé le garde-fou. Et maintenant l'autobus tombe dans le ravin. Et c'est un ravin d'endettement qui menace le futur des Canadiens».
M. Poilievre a demandé que les néo-démocrates «fassent leur travail pour une fois» et retirent leur confiance envers «ce gouvernement hors de contrôle, corrompu et coûteux».
Pour le leader bloquiste à la Chambre, Alain Therrien, la mise à jour économique est ni plus ni moins qu'une «histoire d'horreur» et la démission de la ministre Freeland s'explique tout simplement «parce qu'elle a des principes», ce dont M. Trudeau «pourrait apprendre».
Son collègue porte-parole en matière de finances, Gabriel Ste-Marie, s'est demandé «qui» endosse l'énoncé économique au gouvernement. Quant aux «chiffres épouvantables», il tranche que «ça n'a plus aucun sens».
«C'est un gouvernement qui a un bateau plus de gouvernail, plus de voiles et qui dérive, a-t-il déclaré. Je pense que pour les intérêts du bien commun, ça serait vraiment de déclencher des élections. Parce qu'actuellement, c'est vraiment folie sur folie, ineptie sur ineptie, rififi sur rififi.»
Son homologue du Nouveau Parti démocratique (NPD), Don Davies, a affirmé que l'énoncé économique démontre «une fois de plus» que les libéraux sont «déconnectés de la réalité et incapables de répondre aux réalités que vivent les Canadiens».
«Ils sont tout simplement trop faibles, trop égoïstes, trop en proie à des luttes intestines et trop redevables aux intérêts des entreprises pour se battre pour les gens», a-t-il déclaré.
Quant aux conservateurs, il leur reproche de n'offrir «aucune solution», mais plutôt des «coupes dans les services sur lesquels les gens comptent et d’allégements fiscaux pour leurs amis et les ultrariches».