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Les femmes qui sont victimes d’un infarctus du myocarde pourront devoir patienter plus longtemps que les hommes avant d’être soignées, ce qui pourra ensuite avoir un impact néfaste sur leur pronostic, préviennent deux expertes montréalaises.
Les femmes qui sont victimes d’un infarctus du myocarde pourront devoir patienter plus longtemps que les hommes avant d’être soignées, ce qui pourra ensuite avoir un impact néfaste sur leur pronostic, préviennent deux expertes montréalaises.
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Les femmes ressentent les mêmes symptômes que les hommes lors d’une crise cardiaque, a dit la docteure Jessica Forcillo, qui est chirurgienne cardiaque au CHUM, mais elles les décrivent d’une manière différente des hommes, ce qui pourra envoyer les médecins de première ligne sur une mauvaise piste.
« Les hommes qui se présentent à l’urgence (avec un infarctus), on appelle ça la présentation hollywoodienne : un point dans la poitrine, qui irradie au bras ou à la mâchoire, a-t-elle dit. Les femmes, on pense que c’est le même genre de symptômes, mais c’est la façon de l’exprimer qui est différente, puis qui peut être difficile pour le médecin traitant de justement faire le lien avec l’infarctus. »
De plus, certains des symptômes, nausées, bouffées de chaleur, fatigue ? peuvent être « confondants », a-t-elle ajouté. « Alors les femmes viennent, viennent, viennent, elles se présentent, elles n’ont pas de diagnostic, et finalement on leur diagnostique quelque chose, puis elles aboutissent en chirurgie », a déploré la docteure Forcillo.
Sa collègue, la cardiologue Christine Pancheco, rappelle qu’on a longtemps adopté « l’approche bikini, qui est l’approche de regarder surtout le système reproducteur en santé de la femme, puis vraiment un peu ignorer le reste ».
« J’ai eu une patiente qui avait eu des douleurs, des malaises à la poitrine, qui était allée voir son médecin traitant qui lui a dit, “Ah bon, ce sont peut-être des brûlements d’estomac, voici une bouteille de Pepto-Bismol, rentrez chez vous”. Puis finalement deux semaines plus tard, je l’ai vue à l’urgence parce qu’elle avait des symptômes de pire en pire », a dit la docteure Pancheco, qui est la seule médecin spécialiste au Québec à détenir une surspécialisation en santé de la femme.
Un tel retard dans une prise en charge adéquate se traduit souvent par des séquelles qui auraient pu être évitées, a-t-elle ajouté. « Et ce n’est pas une histoire unique, malheureusement. »
Lors de l’évaluation initiale de cette patiente, a précisé la docteure Pancheco, on avait écarté la possibilité d’une maladie cardiaque « parce que, dans le corps médical, historiquement, la maladie cardiaque chez les femmes était un peu mise de côté ».
Les tests nécessaires pourront aussi survenir plus tardivement. Lors d’une récente étude américaine, par exemple, on a constaté que les électrocardiogrammes et les prises de sang qui permettent de détecter une crise cardiaque survenaient plus tard chez les femmes que chez les hommes, ce qui repousse d’autant la prise en charge adéquate de la maladie.
Les docteures Pancheco et Forcillo sont deux des fondatrices de Cardio F, une clinique du CHUM qui se spécialise dans la prévention, le diagnostic et le traitement des maladies cardiovasculaires chez la femme.
Mais les médecins de première ligne qui ne réalisent pas assez rapidement que la patiente devant eux fait une crise cardiaque ne sont pas les seuls en cause, ont dit les deux spécialistes : les femmes elles-mêmes pourront mettre plus de temps que les hommes à comprendre ce qui leur arrive puisque, rappelons-le, la maladie cardiovasculaire est traditionnellement une affaire d’hommes dans l’imaginaire populaire.
Moins du quart des femmes auraient déjà discuté de leur risque cardiovasculaire avec leur médecin. Pourtant, une Canadienne sur trois sera victime d’une maladie cardiovasculaire pendant sa vie, et la maladie cardiovasculaire tuera cinq fois plus de femmes que le cancer du sein. Des données canadiennes démontrent par exemple que les femmes de 18 à 65 ans sont plus susceptibles que les hommes de décéder pendant l’année qui suit leur infarctus.
D’autres études montrent que la mortalité des jeunes femmes est plus élevée que celle des hommes, et les symptômes qu’elles décrivent semblent différents. Elles ressentiraient par exemple des douleurs moins intenses que les femmes plus âgées. Les causes d’un infarctus peuvent aussi être différentes chez elles.
« Pour les femmes plus jeunes également, ce sont aussi les rôles multiples travail-famille, a souligné la docteure Forcillo. On a vu ça aussi augmenter pendant la période de la COVID avec les cardiomyopathies de stress; on appelle ça le “Broken Heart Syndrome”, qui se manifeste davantage chez les femmes jeunes. C’est un mécanisme d’infarctus qui n’est pas un blocage dans les artères, mais qui est relié au stress qui se manifeste justement plus chez les femmes plus jeunes. »
Et si des facteurs de risque bien connus comme l’obésité, le tabagisme et la sédentarité peuvent toucher les membres des deux sexes, d’autres plus spécifiques aux femmes devraient retenir l’attention des médecins.
« La haute pression, le diabète durant la grossesse, les traitements de fertilité, la dépression, la période de menstruation qui est précoce..., a conclu la docteure Forcillo. Il y a plein d’autres facteurs comme ça qui peuvent être reliés et qui sont encore méconnus auprès du corps médical.»