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Le fait que le Québec sélectionne lui-même ses immigrants économiques ajoute une procédure administrative provinciale d’environ six mois qui n’existe pas dans les autres provinces.
Si le premier ministre François Legault veut faire du rapatriement des pouvoirs en immigration son cheval de bataille, il devrait prioriser dans ses négociations avec Ottawa le processus administratif lié aux demandes de résidences permanentes où les délais sont beaucoup plus longs que dans les autres provinces canadiennes, croit la présidente de l’Institut du Québec (IDQ), Mia Homsy.
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La patience des personnes qui demandent l’obtention d’une résidence permanente au Québec est mise à rude épreuve lorsqu’elles se comparent aux autres provinces, démontre une étude de l’IDQ, dévoilée mercredi.
Les délais administratifs pour cette démarche peuvent prendre jusqu’à 37 mois au Québec, soit un peu plus de trois ans. Dans les autres provinces, le temps d’attente varie entre 6 et 28 mois.
Ce délai devrait être la priorité dans les négociations sur le partage des compétences entre Québec et le fédéral en matière d’immigration, juge Mme Homsy. « Je pense que c’est bien de demander plus de pouvoir en immigration vu que le fédéral n’est pas parvenu à régler l’enjeu des délais de manière significative, répond-elle. C’est juste qu’on pense que, dans le cadre de ces discussions-là, il faudrait concentrer les demandes sur l’immigration économique. Je ne vois pas de problème à faire une demande plus large. »
Le Québec est responsable de la sélection des immigrants économiques sur son territoire. Le Canada, pour sa part, s’occupe, par la suite, des vérifications relatives à la criminalité, à la sécurité et à la santé. L’IDQ en vient à la conclusion que les délais d’attente «sont majoritairement» attribuables à l’administration fédérale. «Une lenteur qui désavantage considérablement le Québec», peut-on lire dans le document.
Le flou demeure quant à savoir pourquoi les démarches conjointes prennent plus de temps au Québec que dans les autres provinces canadiennes, constate Mme Homsy. «C’est loin d’être clair. La réalité, c’est que c’est extrêmement opaque sur la partie fédérale.»
Elle avance tout de même certaines hypothèses. Elle souligne que le fait que les seuils d’immigration sont plus bas au Québec peut faire en sorte que la pile de demandes à traiter s’accumule.
Le fait que le Québec sélectionne lui-même ses immigrants économiques ajoute une procédure administrative provinciale d’environ six mois qui n’existe pas dans les autres provinces, explique Mme Homsy. Ceci étant dit, le travail du fédéral prend également plus de temps que dans les autres provinces.
Immigration Canada, par le biais de documents déposés en avril dans le cadre d’une poursuite de l’Association québécoise des avocats et avocates en droit de l’immigration (AQAADI), affirmait que les formulaires pour le Québec étaient majoritairement déposés en format papier plutôt qu’électronique, ce qui avait augmenté les délais.
L’IDQ recommande donc que le Québec s’occupe des vérifications faites par le fédéral, au moins pour l’immigration économique qui est déjà dans le champ de compétence de la province. «Ça serait quand même intéressant. Ça nous permettrait justement de faire une comparaison avec le délai de traitement fédéral versus Québec. Là, on comprendrait mieux ce qui est dû aux délais administratifs et ce qui est dû fait que les seuils sont plus bas au Québec qu’au Canada.»
Le premier ministre François Legault a des visées plus larges. Il a fait du rapatriement de la filière du regroupement familial une question de survie pour la nation québécoise. À quatre mois des élections provinciales, il est allé jusqu’à brandir le spectre de subir le sort de la Louisiane avec une disparition progressive de la langue française au Québec, si le statu quo est maintenu. La demande a été rejetée, mardi, par le premier ministre Justin Trudeau qui a dit qu’un pays comme le Canada «doit continuer d’avoir un mot à dire sur son immigration».
Si elle n’a «rien contre» les demandes de M. Legault, Mme Homsy souligne que le gouvernement du Québec aurait de toute façon une marge de manoeuvre «limitée» s’il obtenait les compétences en immigration pour la réunification familiale, qui touche des personnes déjà établies au Québec, et les réfugiés, une question qui est aussi régie par des accords internationaux. «L’immigration économique représente 65 % au total et c’est vraiment là qu’on a un enjeu pour la compétitivité du Québec.»
L’étude amène également de bonnes nouvelles pour les immigrants résidant au Québec. Leur situation économique s’est nettement améliorée au cours des dernières années, souligne l’IDQ.
Le taux de chômage des immigrants de 25 à 54 ans était de 5,3 % en avril au Québec, comparativement à 12,7 % il y a dix ans. Sur la même période, le taux d’emploi de cette cohorte est passé de 69,9 % à 81,9 et s’approche de la Colombie-Britannique (82,1 %).
L’écart entre le salaire d’entrée des immigrants économiques et celui des travailleurs québécois a fondu. Il était 40 % inférieur à la moyenne québécoise en 2010. L’écart n’est plus que de 1,3 %.
Le statut des immigrants a également changé au cours de la dernière année. Il y a 61 668 immigrants à statut temporaire au Québec, ce qui représente 64 % du solde des immigrants internationaux en 2019, contre 9 % en 2012.
Pour plusieurs, l’immigration temporaire est une porte d’entrée avant de demander le statut de résident permanent. Québec devrait en profiter pour faciliter l’arrivée des immigrants temporaires en région, ce qui augmenterait les chances qu’ils s’y installent pour de bon, recommande l’IDQ.
«On voit que les immigrants permanents qui ont d’abord eu un statut temporaire s’intègrent beaucoup mieux au marché du travail. Ils maîtrisent le français, ils ont de meilleurs emplois, de meilleurs revenus. On croit qu’il faut miser là-dessus pour accroître les seuils en région.»
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