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Sur TikTok, les influenceurs fitness diabolisent les aliments qui ont touché certaines huiles végétales.
Avez-vous déjà entendu parler des «Hateful Eight»? — et non, on ne fait pas référence au thriller western de Quentin Tarantino. En ligne, des gourous du fitness et des influenceurs souvent associés à la droite conservatrice dénoncent un groupe d’huiles végétales — celles de canola, de maïs, de coton, de soja, de tournesol, de carthame, de raisin et de son de riz. Selon eux, ces huiles provoqueraient une diminution de la testostérone et divers problèmes de santé. Le hic? Ces affirmations ne reposent sur aucune base scientifique.
Bien au fait de cette tendance, Myriam Beaudry, nutritionniste-diététiste, confirme que l'inquiétude entourant ces huiles est exagérée. Elle explique que les huiles végétales sont souvent associées à des effets inflammatoires. Mais dans les faits, ce ne sont probablement pas elles les coupables.
«On a du mal à attribuer si c’est directement la consommation d’huile qui va causer l’inflammation ou l’aliment dans lequel elles se retrouvent», explique la professionnelle de la santé «Parce que les huiles végétales, on va beaucoup les retrouver dans des aliments ultra-transformés qui sont aussi riches en sucre, en sel, en additifs alimentaires et d'autres molécules qui sont néfastes pour la santé.» Ce n’est past le fait de consommer ces huiles qui provoquerait de l’inflammation, mais plutôt les aliments qu’elles enrobent.
Consommées avec modération, ces huiles peuvent même avoir des bienfaits. «Il y a certaines huiles végétales, comme l’huile de canola, auxquelles on attribue des avantages pour la santé, notamment une diminution du cholestérol», précise Mme Beaudry.
Bien que marginal, ce mouvement anti-huiles végétales attire de véritables adeptes. Sur Reddit, un forum intitulé @StopEatingSeedOils compte près de 50 000 membres, et une application mobile, SeedOilScout, répertorie les restaurants qui utilisent «trop» ou pas du tout d’huile végétale transformée. Cette plateforme permet aux adeptes d’identifier des lieux à éviter, s’ils ne souhaitent pas consommer ces ingrédients. Certains utilisateurs de l’application ont même recensé des commerces à Montréal, comme le Frite Alors! sur la rue Saint-Denis.
La gérante du Frite Alors! se dit peu préoccupée par le fait que son commerce se retrouve sur l’application. Elle souligne d’ailleurs que de nombreux autres commerces pourraient s’y retrouver. «Oui, on utilise de l’huile de canola, mais en très petite quantité. La plupart des restaurants sont dans le même bateau; c’est une question de coût et de rapidité pour la cuisson», explique-t-elle.
Pour Myriam Beaudry, cette obsession pour les huiles végétales et le stress qu’elle peut générer chez les consommateurs sont contre-productifs. «Éviter toutes les huiles végétales ajoute un stress inutile et détourne l’attention sur des détails qui ne sont pas forcément pertinents quand on regarde la totalité de l’alimentation», juge-t-elle.
«La variété dans l’alimentation est bien plus importante que d’éliminer un seul type de produit», ajoute-t-elle.
La désinformation au sujet des huiles végétales serait apparue sur les réseaux sociaux autour de 2018, selon le chercheur Guy Crosby, de l’Université Harvard, cité par le magazine Rolling Stone.
À l’époque, une fausse nouvelle affirmant que l’Union européenne avait banni l’huile de canola s’est mise à circuler. Selon cette rumeur infondée, les autorités européennes en seraient venues à cette décision parce que l’huile était «toxique» et «carcinogène», notamment parce qu’elle peut contenir des traces d’un solvant appelé hexane, utilisé pour extraire l’huile de la plante de canola. Des études ont toutefois démontré que ce processus ne comporte pas de risque significatif pour la santé.
L’idée de la «toxicité» de l’huile de canola a toutefois été reprise par de nombreux influenceurs. Le passage remarqué de Paul Saladino – grand militant pour la diète carnivore – au podcast de l’influenceur de droite Joe Rogan en 2020, a fait exploser la popularité de cette théorie.
Depuis, de nombreux influenceurs de droite ont repris la théorie à leur compte, certains faisant d’ailleurs la promotion de l’application StopSeedOils.