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«Il est dans notre intérêt collectif, en tant qu'amis, partenaires et alliés, de travailler ensemble pour veiller à ce que nos incitations stimulent l'innovation et l'investissement, plutôt que de créer une spirale vicieuse.»
La ministre fédérale des Finances, Chrystia Freeland, met en garde contre les dangers d'un «nivellement par le bas» à l'échelle mondiale, alors que les dépenses publiques alimentent la croissance de la nouvelle économie verte.
Mme Freeland a fait ce «rappel poli» mercredi lors d'un discours organisé par le Peterson Institute for International Economics à Washington.
La ministre des Finances et vice-première ministre du Canada se trouve dans la capitale américaine pour les réunions annuelles de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international.
Elle a d'abord fait l'éloge de l'administration Biden et de l'Inflation Reduction Act, cette nouvelle loi controversée qui prévoit plus de 369 milliards $ de dépenses pour le climat. Il s'agit d'un projet de loi «historique et transformateur» qui «changera le monde pour le meilleur», a déclaré Mme Freeland.
L'importance de la participation des États-Unis à la lutte contre le changement climatique, six ans seulement après la décision de l'ancien président Donald Trump d'abandonner l'accord de Paris, ne peut être surestimée, a-t-elle ajouté.
«C'est bon pour les États-Unis, c'est bon pour le Canada et c'est bon pour le monde», a mentionné la vice-première ministre.
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Mais elle a reconnu que l'approche américaine pour lancer une économie respectueuse du climat — «la transformation la plus importante depuis la révolution industrielle», a-t-elle dit — a engendré une consternation dans certaines parties du monde.
Des dirigeants européens, dont le président français Emmanuel Macron, estiment que le projet de loi donne aux fabricants nord-américains un avantage déloyal, tout comme d'autres incitations que les pays concurrents pourraient se sentir obligés d'égaler.
C'est là que réside le danger, a affirmé Mme Freeland, mercredi.
«Nous savons tous que la construction d'une économie propre et la création de bons emplois pour la classe moyenne nécessiteront beaucoup de capitaux. Soyons donc conscients d'un danger: il sera trop facile de nous laisser entraîner dans une course vers le bas pour les attirer», a-t-elle déclaré.
Mme Freeland a averti que les efforts déployés par le passé pour promouvoir l'investissement et relancer la croissance économique ont fini par faire baisser les taux d'imposition des sociétés. Le danger est que cela affaiblisse les recettes fiscales nationales, essentielles à la bonne santé de la classe moyenne.
S'engager dans une guerre des subventions risquerait d'aboutir à une «concurrence qui se sabote mutuellement» et qui ne profiterait à personne sur le long terme, a-t-elle précisé.
«Une guerre des subventions aux entreprises pourrait être bénéfique pour certains actionnaires, mais elle épuiserait nos trésors nationaux et affaiblirait les filets de sécurité sociale qui sont le fondement des démocraties efficaces», a mentionné Mme Freeland.
«Il est dans notre intérêt collectif, en tant qu'amis, partenaires et alliés, de travailler ensemble pour veiller à ce que nos incitations stimulent l'innovation et l'investissement, plutôt que de créer une spirale vicieuse.»
Mme Freeland a également exhorté son auditoire à Washington à considérer le commerce libre et équitable comme un moteur de croissance, à condition que la classe ouvrière n'en soit pas exclue et que cela n'ait pas pour effet d'envoyer automatiquement les emplois manufacturiers au plus bas soumissionnaire international ou d'enrichir les entreprises aux dépens des travailleurs.
«Les travailleurs du Canada, des États-Unis et des démocraties du monde entier ont compris depuis longtemps qu'ils tiraient à la courte paille dans la compétition avec le prolétariat sans voix dans les usines des économies autoritaires», a-t-elle déclaré.
Nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour égaliser les chances de nos populations.
Aucun pays ne peut non plus tout faire seul, a ajouté Mme Freeland.
«Aucun pays, pas même les États-Unis, ne peut inventer toutes les nouvelles technologies ou posséder toutes les ressources naturelles dont l'économie mondiale à zéro émission a besoin», a fait valoir la ministre canadienne.
«En fin de compte, nous cherchons tous à construire des économies propres qui protègent les travailleurs. Nous ne devons jamais oublier que, lorsqu'il est bien fait, le commerce libre et équitable peut nous aider à atteindre cet objectif.»
Mme Freeland a utilisé la guerre de la Russie en Ukraine comme une mise en garde, démontrant les dangers de supposer que les avantages économiques mutuels serviraient de protection contre de futures agressions.
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Le président russe Vladimir Poutine «a clarifié une leçon et que la Chine tente également de nous enseigner depuis des années: la sécurité économique est une question de sécurité nationale urgente».
D'où l'importance du friendshoring, terme anglais utilisé par la secrétaire d'État américaine au Trésor, Janet Yellen, pour renforcer les chaînes d'approvisionnement essentiels en resserrant les liens économiques et commerciaux avec des alliés fiables et partageant les mêmes idées.
Mme Freeland a également profité de l'occasion pour prendre la défense d'Evan Gershkovich, le journaliste du Wall Street Journal détenu le mois dernier en Russie sur la base d'allégations d'espionnage qui, selon les États-Unis et le journal, sont manifestement fausses.
«Personnellement, en tant qu'ancienne journaliste, je suis très, très préoccupée par l'arrestation d'Evan Gershkovich. Je pense que tout le monde devrait l'être», a-t-elle déclaré.
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Lorsque le Canada a fait face à la détention arbitraire prolongée de Michael Kovrig et Michael Spavor par la Chine, il était essentiel d'avoir le soutien d'autres pays dans le monde, y compris les États-Unis, a-t-elle ajouté.
«Je pense donc qu'il est vraiment, vraiment important que nous demandions tous de toute urgence la libération d'Evan. Il franchit cette ligne, qui devrait être incroyablement intouchable, qu'est la liberté de travail des journalistes».