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Des néologismes comme « flurona » et « Deltacron » portent à croire que le coronavirus se propage allègrement et qu’il fusionne sans retenue avec d’autres virus qu’il croise sur son chemin, ce qui alarme inutilement la population, estime un expert.
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Si la première partie de la proposition est vraie (oui, est-il besoin de le rappeler, le coronavirus, et surtout le variant Omicron, se répand actuellement comme une traînée de poudre), la deuxième l’est beaucoup moins, a dit le docteur Cédric Yansouni, un spécialiste des maladies infectieuses du Centre universitaire de santé McGill.
« Je pense que d’inventer une nouvelle terminologie qui n’ajoute pas de valeur porte à confusion », a-t-il dit.
« C’est plus clair de parler de co-infection que d’utiliser des terminologies qui pourraient porter à croire que l’on parle d’une fusion entre deux virus. Ce n’est pas du tout le cas et je pense que c’est une nuance assez importante. Il ne s’agit pas d’une nouvelle maladie ou d’un nouveau syndrome pour lequel il faut de nouveaux traitements. »
Le « flurona », par exemple, n’est ainsi pas le nom d’une nouvelle maladie; le terme désigne plutôt les patients qui sont infectés à la fois par le virus de l’influenza (la grippe) et par le coronavirus.
De telles co-infections ne sont pas nouvelles, rappelle le docteur Yansouni. Lors d’une année « normale », sans pandémie, il est normal pour plusieurs virus respiratoires de circuler en même temps et donc de voir des patients être infectés simultanément par plus d’un virus; des traces d’infection avec plus d’un virus étaient ainsi détectées chez 10 % à 15 % des patients chez qui on cherchait des virus respiratoires, a-t-il dit.
Si on rapporte quelques cas de « flurona » aux États-Unis et en Europe, la réponse du docteur Yansouni quand on lui demande s’il constate une telle situation sur le terrain au Québec est claire: « La réponse très brève, c’est non », laisse-t-il tomber.
« C’est sûr qu’avec l’arrivée du nouveau coronavirus, tout le monde craignait une collision de deux pandémies, donc la pandémie annuelle d’influenza, qui est normalement responsable de plusieurs milliers d’admissions à l’hôpital par année au Canada, et de ce nouveau pathogène, a-t-il expliqué. Mais en fait ce qu’on a vu, c’est le contraire. Jusqu’à maintenant on a vu la quasi-élimination de la circulation des autres virus respiratoires, avec quelques exceptions. »
Plusieurs facteurs expliquent vraisemblablement cette situation, à commencer par les mesures de prévention et de confinement adoptées pour endiguer la propagation du coronavirus et qui seraient aussi efficaces face aux autres virus respiratoires.
Par exemple, l’année dernière, on anticipait au Canada l’admission de 1600 enfants infectés par l’influenza; dans les faits, il n’y en a eu aucune, et la situation a été similaire chez les adultes.
« Il n’y a eu presque aucune circulation de l’influenza l’année dernière, a dit le docteur Yansouni. Cette année, on en voit un tout petit peu, mais ça demeure très rare. »
Pour le moment, donc, « il est extrêmement rare (...) au niveau mondial et local de voir des co-infections d’influenza et du coronavirus », a-t-il ajouté.
Et comme si une seule « chimère » de la COVID n’était pas suffisante, voilà qu’une deuxième fait surface: le Deltacron, un pseudovariant qui regrouperait en une seule souche des caractéristiques des variants Delta et Omicron.
Un virologue chypriote, Leondios Kostrikis, a confié à la presse locale il y a quelques jours avoir découvert une vingtaine de patients infectés à la fois par les variants Delta et Omicron, et une nouvelle souche combinant les deux.
Son annonce s’est toutefois immédiatement heurtée au scepticisme de la communauté scientifique internationale. Des experts ont notamment évoqué une possible contamination des échantillons.
Lundi, la docteure Maria Van Kerkhove, qui chapeaute la campagne de l’Organisation mondiale de la santé contre la COVID, a dit sur Twitter que « Deltacron » est probablement le résultat d’une erreur commise lors du séquençage en laboratoire.
« N’utilisons pas de mots comme deltacron, flurona ou flurone. S’il vous plaît, a écrit la docteure Van Kerkhove. Ces mots impliquent une combinaison de virus/variants & ça ne se produit pas. »
Une autre experte de l’OMS, la docteure Krutika Kuppalli, a été encore plus catégorique: « Deltacron n’existe pas », a-t-elle lancé sur Twitter.
Le docteur Kostrikis défend la validité de ses données et l’intégrité de ses résultats. Il souligne par exemple que « Deltacron » a été séquencé plusieurs fois dans différents pays, et qu’il ne peut donc pas s’agir d’une erreur technique.
« Je crois que les néologismes et les nouvelles terminologies sont utiles lorsqu’ils nous aident à communiquer rapidement et de façon efficace un nouveau concept, a conclu le docteur Yansouni. Dans le cas dont on parle, ça porte plutôt à confusion et ça n’ajoute aucune valeur à la discussion. »