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Les notions de confidentialité et du secret professionnel doivent être assouplies, estiment des policiers.
Des corps policiers demandent des changements législatifs pour favoriser le partage d'information de la part du réseau de la santé concernant les personnes en détresse psychologique faisant souvent l'objet d'appels au 911, afin d'éviter des drames.
Des représentants du milieu policier ont parlé de leur réalité au deuxième jour des volets recommandations et représentations de l'enquête publique du Bureau du coroner sur la thématique du suicide, au palais de justice de Trois-Rivières, jeudi.
Les notions de confidentialité et du secret professionnel doivent être assouplies, a soutenu la capitaine et commandante adjointe de la Direction adjointe de la surveillance du territoire au Service de police de la Ville de Québec (SPVQ), Julie Marcotte.
«Quand il y a de l'urgence, l'information rentre et sort, il n'y en a pas de problème», a exposé la commandante. Mais lorsque le danger n'est pas immédiat ou pour de futures interventions, les policiers se butent à un refus des professionnels de la santé, a déploré Mme Marcotte, devant la coroner Me Julie-Kim Godin.
Le devoir de confidentialité qui s'applique aux équipes de soins «brime» le travail des agents lorsqu'ils interviennent régulièrement auprès des mêmes personnes en détresse. Plus souvent qu'autrement, elles sont retournées à l'hôpital, les policiers ne sachant pas quoi faire, a décrit la gestionnaire.
S'inspirant de la police d'Ottawa, le SPVQ a tout de même mis sur pied un carrefour d'échanges avec le CIUSSS de la région et un service d'aide en situation de crise afin d'établir les actions à poser auprès de cas récurrents. Mais à la grande différence du modèle ottavien, le corps policier de Québec se heurte à davantage de contraintes sur le plan de la confidentialité.
Les intervenants en santé se montrent d'ailleurs «très frileux» à promouvoir publiquement leur collaboration avec le SPVQ, a mentionné Mme Marcotte, qui a présenté l'histoire d'un dame auprès de qui la police est intervenue 43 fois entre 2020 et 2022.
Il faut légitimer le partage d'information en «situation préoccupante» afin de «rassurer» ces employés «qui ont peur présentement» de transmettre certains détails, a plaidé Mme Marcotte.
Un agent du Service de police de l'agglomération de Longueuil a aussi proposé une réflexion sur l'assouplissement de la loi sur l'accès à l'information pour permettre un partage de renseignements sans consentement, avant d'en arriver à une situation urgente et dangereuse.
Il faut ajouter dans la loi une notion de transition, «de point de bascule», a affirmé Ghyslain Vallières.
«Au moment de bascule, ce moment charnière, je pense que nous sommes très légitimés de dire: nous sommes à risque tellement élevé qu'on n'a pas à attendre l'urgence sous la crise», a déclaré M. Vallières, venu décrire l'initiative RÉSO de la police de Longueuil pour venir en aide aux plus vulnérables.
«Il faut attendre que la personne en arrive à vouloir se suicider avant de lui donner le soutien et l'accompagnement? Pourquoi? On a déjà perdu-là», a-t-il poursuivi.
Souvent, les établissements font une interprétation restreinte de la loi, contrairement aux experts, précise M. Vallières.
La police de Québec propose également de modifier la loi sur la protection des personnes dont l'état mental présente un danger pour elles-mêmes (LPP), qui est «trop contraignante».
La LPP permet à la demande d'un médecin une ordonnance du tribunal pour qu'une personne soit gardée provisoirement dans un établissement de santé pour y subir un examen psychiatrique, malgré l'absence de consentement, en raison du danger pour elle‐même ou pour autrui.
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Si un intervenant estime que l'état mental d'une personne présente un «danger grave et immédiat», un policier peut, sans l'autorisation du tribunal, l'amener contre son gré dans un établissement.
«La loi est faite pour ici et maintenant. J'aimerais qu'on puisse se parler jusqu'à l'ordonnance de soins», a expliqué Mme Marcotte.
L'enquête menée par la coroner couvre les décès de Mikhaël Ryan, Joceline Lamothe, Suzie Aubé, Jean-François Lussier, Marc Boudreau et Dave Murray.
Amorcée en 2019, l'enquête est dans son dernier droit, après avoir complété le volet factuel l'automne dernier. Elle s'est d'abord penchée sur les causes et les circonstances de chacun des décès.
Les audiences sur les recommandations et représentations se tiendront jusqu'au 10 juin. Une quarantaine de témoins viendront alimenter la réflexion de la coroner sur des solutions pour prévenir le suicide. Vendredi, il est prévu que des proches des défunts faisant l'objet de l'enquête publique partagent leurs commentaires.