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Alors qu’il faisait face à une pression grandissante pour qu’il démissionne de son poste, Anthony Rota quitte ses fonctions de président de la Chambre des communes.
Le président de la Chambre des communes, Anthony Rota, s'est rendu mardi à l'évidence et a présenté sa démission, ayant perdu la confiance d'une majorité d'élus qui lui reprochent de les avoir menés à ovationner un ancien combattant ukrainien ayant servi dans une unité nazie lors de la visite du président de l'Ukraine.
«Le travail de cette Chambre est au-dessus de chacun d’entre nous. Par conséquent, je dois me retirer de mon rôle de président», a-t-il déclaré «le cœur lourd» peu avant le début de la période des questions.
M. Rota a réitéré ses «profonds regrets» d'avoir souligné la présence de l'ancien nazi. «J'accepte l'entière responsabilité de mes actes», a-t-il ajouté.
Les élus ont plus tard aussi adopté à l’unanimité une motion du Bloc québécois qui condamne l’invitation à l’ancien soldat et retire tout hommage lui ayant été rendu.
La démission de M. Rota entrera en vigueur à la fin de la séance de mercredi afin de laisser le temps que soit organisée l'élection d'un nouveau président. Ce sont les vice-présidents qui seront responsables d'arbitrer les débats d'ici là.
En cas de vacance à la présidence, les députés, «lorsqu'ils sont prêts», doivent procéder à l'élection d'un président, indique le règlement de la Chambre des communes.
Selon l'ouvrage de référence, cette tâche a «priorité sur toutes autres affaires», si bien que la Chambre doit continuer de siéger sans interruption durant le scrutin «jusqu'à ce que le Président soit déclaré élu et occupe le fauteuil de la façon habituelle».
Le coup de grâce est venu mardi avant-midi, lorsque la leader du gouvernement à la Chambre, Karina Gould, a signalé aux journalistes que les libéraux ne réaffirmeraient plus leur appui à M. Rota et qu'il était venu le temps que ce dernier fasse «la chose honorable».
Les troupes de Justin Trudeau ajoutaient donc leur voix à celles des bloquistes et néo-démocrates, qui réclamaient déjà lundi la démission du président de la Chambre.
Mme Gould a jugé les événementsde vendredi «honteux pour le Parlement et pour les Canadiens», notant au passage que M. Rota n'avait averti «ni le gouvernement, ni la délégation ukrainienne, ni chacun des parlementaires».
Une fois la démission du président de la Chambre survenue, elle a déclaré que celui-ci aurait dû démissionner «aussitôt qu'il a appris» qui était réellement l'ancien combattant ukrainien qu'il a invité dans les tribunes de la Chambre et fait acclamer à tout rompre par les parlementaires, à l'occasion de la visite du président ukrainien Volodymyr Zelensky.
«C’est dommage que ça a pris jusqu’à aujourd’hui, mais c’était la décision correcte à prendre», a-t-elle dit.
La pression avait monté de plusieurs crans pour M. Rota quand le premier ministre et des ténors libéraux ont multiplié les commentaires publics de désaveu.
C'est à ce moment que le chef conservateur Pierre Poilievre avait aussi tranché sur X (anciennement Twitter) que «le président devra démissionner», sans toutefois préciser si c'était un constat ou si M. Rota avait perdu sa confiance. Ce n'est qu'après la démission qu'il a affirmé que M. Rota aurait dû le faire «immédiatement» lorsque le scandale a éclaté.
Lors de la période des questions, il a qualifié Anthony Rota de «président libéral». M. Poilievre a ensuite reproché au premier ministre Trudeau d'être responsable des «dommages massifs» à la réputation du pays.
Selon lui, les services de protocole et de renseignement «du premier ministre» étaient en droit d'exiger la liste de toutes les personnes qui seraient reconnues en Chambre.
«On est maintenant dans la pire crise parmi notre réputation. Jamais dans notre histoire. Donc, où est le premier ministre? Où se cache-t-il et pourquoi ne se lève-t-il pas à la Chambre des communes pour défendre notre réputation en tant que Canadien», a-t-il demandé.
Tant le Bloc québécois que le Nouveau Parti démocratique (NPD) ont réclamé que le premier ministre Trudeau offre des excuses. Il n'est pas «coupable de l'erreur», mais est responsable de la réparer comme chef du gouvernement, a affirmé en Chambre le chef bloquiste, Yves-François Blanchet.
«Il doit prendre sa responsabilité et s'excuser auprès de la communauté juive du Canada et du Québec et de toutes celles à travers le monde, il doit s'excuser aux parlementaires, il doit s'excuser à l'ensemble des citoyens et singulièrement au président Zelensky que cet événement a jeté en pâture à la propagande russe», a-t-il affirmé.
Lors d'un point de presse, le chef néo-démocrate Jagmeet Singh a aussi réclamé des excuses, mais aussi «un plan» pour corriger les conséquences négatives de l'incident.
Il a aussi clarifié qu'il n'était pas favorable au retrait des références à l'hommage à l'ancien nazi du journal des débats, comme l'ont réclamé en vain les libéraux la veille.
«Pour ce qu'on garde dans les "records" de l'histoire, en général, je pense que c'est important qu'on garde ce qui s'est passé, a-t-il déclaré. J'ai partagé mes principes. Est-ce qu'ils s'appliquent à cette situation? Bien sûr.»
Vendredi, le président Rota avait présenté Yaroslav Hunka, âgé de 98 ans, comme «un héros» ayant combattu pour la 1ère Division ukrainienne. Or, cette division était également connue sous le nom de Division SS Galicie, une unité de volontaires placée sous le commandement de la SS.
Lorsque l'affaire a éclaté dimanche à la suite de doléances d'un groupe de défense des droits des personnes juives, le président Rota avait immédiatement présenté des excuses. Et il les a réitérées verbalement lundi lors de la reprise des débats à la Chambre.
«L'individu en question étant de ma circonscription et cela ayant été porté à mon attention, personne, y compris vous, mes collègues parlementaires ou la délégation ukrainienne, n'était au courant de mes propos avant qu'ils ne soient prononcés», avait-il déclaré.
L'organisation juive B’nai Brith Canada demande maintenant au gouvernement fédéral de saisir l'occasion pour lever le «mystère» sur les archives du Canada.
«Les Canadiens méritent de savoir dans quelle mesure les criminels de guerre nazis ont été autorisés à s'établir au pays après la guerre», écrivent-ils dans un communiqué de presse transmis mardi uniquement en anglais.
Les démissions de présidents de la Chambre des communes sont rares, mais il existe des précédents.
Les présidents Louis-Philippe Brodeur (1904), Thomas Simpson Sproule (1915), Albert Sévigny (1917) et Jeanne Sauvé (1984) ont démissionné pour être nommés ministre, sénateur ou gouverneur général, selon des informations rassemblées par la Bibliothèque du Parlement.
Le président John Bolsey a quant a lui démissionné en 1986 en raison de l'indiscipline des députés et de l'érosion du respect de la population envers le Parlement.
Les présidents Louis-René Beaudoin (1956) et Gilbert Parent (2000) ont fait l'objet de motions de censure, mais cela n'a pas mené à leur départ.
- Avec des informations d'Émilie Bergeron