Début du contenu principal.
L’enquête cherche notamment à faire la lumière sur la réaction à la première vague de COVID-19 qui a dévasté les centres.
La ministre des Aînés et des Proches aidants, Marguerite Blais, dit avoir appris le 9 mars 2020, au retour de ses vacances, que les personnes âgées seraient potentiellement plus vulnérables à la COVID-19.
À lire également:
Mais, même alors, elle ne s'en est pas inquiétée outre mesure, ayant obtenu l'assurance du sous-ministre à la Santé de l'époque, Yvan Gendron, que les CHSLD étaient «habitués» de gérer des éclosions.
À plusieurs reprises durant son témoignage devant la coroner Géhane Kamel, vendredi, Mme Blais a plaidé que les CHSLD avaient une culture de prévention et de contrôle des infections.
«Madame la coroner, les CHSLD sont reconnus pour gérer des éclosions», a-t-elle déclaré. Et puis, «personne ne croyait que ça allait (les) toucher (...) comme ça; (...) on croit que ça va toucher les hôpitaux. C'est ça la réalité».
Pourtant, l'ex-ministre de la Santé Danielle McCann, M. Gendron et l'ex-directeur national de santé publique Horacio Arruda, ont tous les trois témoigné avoir eu une préoccupation pour les aînés dès janvier.
À l'époque, «il n'est pas question de personnes âgées, là. Il est question de voyageurs, au début, qui arrivent, de transmission aussi avec les gens qui sont revenus de vacances», insiste Marguerite Blais.
«Vous comprenez mon étonnement, a réagi la coroner Kamel. Il y a des témoignages qui sont venus dire totalement l'inverse de ce que vous dites ce matin.»
La ministre des Aînés a affirmé avoir intégré la cellule de crise le 14 mars 2020.
S'est-elle impliquée dans les discussions, a voulu savoir la coroner. Sa voix a-t-elle été entendue ou, comme elle l'a déclaré en septembre 2020 à une journaliste, on ne l'écoutait pas?
«Tout le monde sait que quand c'est le temps de parler, je parle, a répondu Mme Blais. Si je n'avais pas été entendue du premier ministre, on n'aurait jamais eu autant d'investissements pour améliorer les soins aux aînés.»
«Je n'avais pas le recul nécessaire, a-t-elle soutenu. J'étais dans des émotions extrêmes. (...) Cette entrevue-là ne reflète pas l'objectivité que j'ai aujourd'hui.»
Lors de cet échange, Me Kamel a dit comprendre que la ministre devait faire preuve de «loyauté» envers son parti politique.
Plus tard, l'avocat Patrick Martin-Ménard, qui représente six familles d'aînés décédés en CHSLD, a demandé à Mme Blais de lui fournir des exemples de préoccupations qu'elle avait soulevées à la cellule de crise.
Elle n'en a fourni aucun.
Les questions d'équipement de protection individuelle (EPI) et de ressources humaines n'étaient pas de son ressort, a-t-elle témoigné.
Tout au plus la ministre évoque-t-elle la question de l'exclusion des proches aidants des CHSLD, entre la mi-mars et la mi-avril, qui aurait suscité un débat au sein de la cellule de crise.
Elle a affirmé avoir reçu «des dizaines» de demandes d'exemptions de la part d'aidants naturels qui désiraient s'occuper de leurs proches en CHSLD.
Au final, a conclu Mme Blais devant la coroner, l'exclusion des proches aidants a servi à les protéger, ainsi que leurs êtres chers. «Ça a duré un mois», a-t-elle tenté de relativiser.
Au printemps 2020 au Québec, près de 4000 aînés sont morts en CHSLD, certains dans la solitude la plus totale, et n'ayant pas été nourris ni hydratés.
Preuve que le témoignage a soulevé un certain mécontentement,la coroner a dû rappeler à l'ordre des internautes qui suivaient l'audience à distance et tenaient des propos dégradants à l'égard de la ministre.
«Je n'accepterai certainement pas qu'on insulte des gens via le «chat». Gardez ça pour vos réseaux sociaux. Allez vomir ce que vous avez à vomir, mais ça ne sera pas dans ma salle», s'est-elle insurgée.
Sur Twitter, la porte-parole de l'opposition officielle pour les aînés et les proches aidants, Monique Sauvé, a néanmoins réagi en exigeant la démission de la ministre.
«À la lumière de ce que l'on a entendu, (...) nous estimons que Marguerite Blais ne peut plus assumer ses fonctions», a tranché Mme Sauvé.
Avant de débuter son témoignage, Mme Blais avait tenu à faire une déclaration. Elle a exprimé ses plus profondes condoléances aux familles des aînés décédés en CHSLD.
«Ces gens sont en deuil; je le suis aussi», a-t-elle dit.
Elle a affirmé que la mort de milliers d'aînés en CHSLD en 2020 ne l'avait pas laissée «indifférente» et qu'elle considérait que l'enquête de la coroner était «fondamentale» pour améliorer les soins aux aînés.
La ministre de 71 ans a reconnu qu'elle avait été aux premières loges de la crise, et qu'elle devait aux familles de «prendre ses responsabilités» et de venir témoigner à l'enquête.
Mme Blais a expliqué qu'elle n'avait pu venir témoigner en novembre comme prévu, puisqu'elle vivait _ et vit toujours _ un épuisement professionnel. «J'étais pas mal trop émotive», a-t-elle confié.
L'enquête, qui porte sur les décès survenus en CHSLD lors de la première vague, se poursuit lundi avec le témoignage du responsable de la sécurité civile, Martin Simard.