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Un débat fait toujours rage au Québec sur la trop grande présence des armes dans nos rues et sur le manque de progrès dans la lutte pour mettre fin à la violence faite aux femmes.
Le 6 décembre 1989, Marc Lépine a ouvert le feu à l’École polytechnique de Montréal tuant 14 femmes et blessant une dizaine d’autres personnes.
Une journée de commémoration qui a été l’occasion pour plusieurs de rappeler le chemin à parcourir pour enrayer la violence faite aux femmes alors que le Québec connaît encore de nombreux féminicides. Pour une huitième année consécutive, 14 faisceaux ont illuminé le ciel lundi soir à partir du mont Royal.
Le début de leur illumination devait avoir lieu dès 17h10, heure à laquelle les premiers coups de feu ont été tirés le 6 décembre 1989.
C’est après environ huit minutes de retard, après le passage d’une importante pluie et de forts vents, que les premiers faisceaux se sont allumés tour à tour, à quelques secondes d’intervalle. Le nom de chacune des 14 victimes a été prononcé: Geneviève Bergeron, Hélène Colgan, Nathalie Croteau, Barbara Daigneault, Anne-Marie Edward, Maud Haviernick, Barbara Klucznik-Widajewicz, Maryse Laganière, Maryse Leclair, Anne-Marie Lemay, Sonia Pelletier, Michèle Richard, Annie St-Arneault, Annie Turcotte. Une minute de silence a été observée durant l’évènement.
En raison de la pandémie, le public était invité à suivre la cérémonie de la maison sur les réseaux sociaux de Polytechnique Montréal. Le recueillement a eu lieu en présence de plusieurs élus, dont les premiers ministres Justin Trudeau et François Legault, ainsi que la mairesse de Montréal, Valérie Plante. M. Legault a invité les Québécois à avoir un devoir de mémoire au nom des 14 victimes, qui ont été assassinées par un tireur habité par une haine envers les femmes, en plus de faire une douzaine de blessées. « Ce n’est pas le Québec qu’on aime, ce n’est pas dans nos valeurs. (...) La grande, grande, grande majorité des Québécois sont prêts à tout faire pour qu’on défende cette valeur d’égalité entre les hommes et les femmes. On a fait du chemin, mais il y a encore du travail à faire », a affirmé M. Legault.
La mairesse de Montréal a souligné que les faisceaux permettaient de penser aux victimes et à leurs familles, « mais également (d’) avoir une réflexion en tant que société sur qu’est-ce qui doit être fait pour empêcher la violence faite aux filles et aux femmes et bien sûr les féminicides ».
Contrairement à M. Legault et Mme Plante, M. Trudeau ne s’est pas adressé aux médias, quittant les lieux rapidement après la cérémonie. Le premier ministre a échangé avec l’une des survivantes de la tuerie et porte-parole du groupe militant pour le contrôle des armes à feu PolySeSouvient, Nathalie Provost. Mme Provost n’a pas voulu commenter la discussion qu’elle a eue avec M. Trudeau. Elle semblait insatisfaite de la rencontre disant à La Presse Canadienne être « irritée ».
En mars dernier, PolySeSouvient menaçait de déclarer Justin Trudeau persona non grata aux commémorations en raison de son projet de loi C-21 sur le contrôle des armes, déposé en février. Le groupe s’est montré critique envers son contenu notamment concernant le programme de rachat des armes de style d’assaut.
Plus tôt dans la journée de lundi, des représentants étudiants, syndicaux et de la direction de Polytechnique Montréal ont déposé des gerbes de fleurs devant la plaque commémorative au pavillon principal.
Vers midi, plusieurs dizaines de personnes se sont réunies en format virtuel pour commémorer le tragique évènement. « Elles perdaient la vie, car elles étaient femmes, car elles étaient fortes, car elles avaient une voix », a déclaré la coordonnatrice de projet à la Fondation Filles d’action, Alison Abrego, lors de l’évènement de commémoration.
Celui-ci a été organisé par le comité « 12 jours d’action contre les violences faites aux femmes », durant lequel il y a eu des prises de parole de militantes ainsi que la lecture de poèmes. Le frère d’Annie St-Arneault, l’une victimes de la tuerie, a pour sa part souligné que le tireur « avait défiguré le visage de l’humanité où chaque personne est une histoire sacrée » et non « pas une image qui l’effrayait ». « Je pense que c’est important de se rappeler que chacun et chacune d’entre nous, nous sommes avant tout des personnes sacrées, c’est-à-dire que nous avons notre dignité. Et quand on perd de vue cette dimension-là, on arrive malheureusement à des catastrophes », a affirmé Serge St-Arneault, membre du groupe PolySeSouvient.
La cérémonie devait se tenir à la Place du 6-Décembre-1989, à Montréal, mais a été déplacée en ligne en raison des conditions météorologiques. Elle s’inscrivait dans le cadre de la campagne annuelle du Comité 12 jours, une coalition d’une vingtaine d’organismes, qui vise à éliminer des violences systémiques et institutionnelles faites aux femmes.
Différentes intervenantes ayant pris la parole ont exposé que les violences genrées touchent particulièrement les personnes des communautés LGBTQ+, autochtones et issues des minorités culturelles ainsi que de certains quartiers de Montréal. Leurs interventions ont mis de l’avant un besoin d’action pour prévenir ces violences, a résumé la présidente de la Fédération des femmes du Québec, Mélanie Ederer.
Elle a par ailleurs indiqué qu’à l’instar des 14 victimes de Polytechnique, les 18 féminicides survenus jusqu’à maintenant en 2021 au Québec ne sont « pas qu’un chiffre ». Ce sont des femmes avec une histoire et des aspirations. « Ce sont des individus qui ont été assassinés en fonction de leur genre dans une société qui encore aujourd’hui considère qu’on peut faire des violences envers les femmes, qui sont basées sur le genre », a-t-elle affirmé. Le 6 décembre est aussi devenu une journée nationale de la commémoration et d’action contre la violence faite aux femmes.