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La 33e Semaine de prévention du suicide commence dimanche.
La vie ne semble pas de tout repos pour les vétérinaires, si on se fie sur certaines données.
Ainsi, si le taux brut de suicide au Québec était en 2021 d'environ 13,3 par 100 000 personnes, il était presque trois fois plus élevé chez les vétérinaires. Pas moins de 15 suicides ont été relevés en 35 ans par l'Association des médecins vétérinaires du Québec (AMVQ).
Pour Angelo Soares, sociologue et professeur titulaire au département d'organisation et ressources humaines de l'Université du Québec à Montréal, la problématique ne se trouve pas sur un plan individuel, mais plutôt dans l'organisation du milieu professionnel. Son étude menée en 2022 auprès de 975 membres de l'Ordre des médecins vétérinaires du Québec (OMVQ) a révélé que 38 % des vétérinaires québécois vivaient des symptômes d'épuisement professionnel.
Sur l'ensemble des répondants, 15,7 % ont également affirmé qu'il leur arrivait de penser à se suicider, mais qu'ils ne le feraient pas. Un pourcentage de 0,6 % des répondants souhaitent mettre fin à leurs jours, et 0,5 % ont déclaré qu'ils passeraient à l'acte si l'occasion se présentait.
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«Ce 16,8 % est très préoccupant, parce que même si la personne ne posera pas le geste, la pensée est là et elle existe», souligne M. Soares.
Dans l'ensemble du Canada, les enjeux sont sensiblement les mêmes: les statistiques fournies par l'Association canadienne des médecins vétérinaires montrent qu'un vétérinaire ou technologue sur cinq a déclaré avoir des idées suicidaires.
Cette détresse touche davantage les femmes, qui représentaient en 2021 67 % des 2757 médecins vétérinaires au Québec. Au sein de la cohorte de la même année, 82 % des 94 diplômés étaient des femmes.
«C'est une profession qui s'est féminisée. (...) Mais dans les groupes que j'ai étudiés, les femmes avaient davantage de pensées suicidaires que les hommes, et pas parce qu'elles étaient plus nombreuses», précise le sociologue.
La surcharge de travail est, selon les chercheurs, la principale cause de crise au sein de la profession. La pandémie a exacerbé les problèmes déjà existants, notamment l'impossibilité de recruter du personnel en raison de la pénurie de main-d'œuvre, accentuant ainsi la difficulté de la conciliation travail-famille et les risques d'épuisement professionnel.
Le harcèlement en milieu de travail est également en cause, ajoute Angelo Soares, et contribue aux idéations suicidaires chez plusieurs médecins vétérinaires. Les résultats de son sondage révèlent que 30,6 ou sévère (9,3 %), qu'il soit psychologique, sexiste ou sexuel.
Mieux cibler les professionnels à risque
Bien que certaines informations soient accessibles à partir d'enquêtes spécifiques dans les milieux de travail, il n'existe actuellement pas de données globales au Québec qui recensent les métiers des gens décédés du suicide.
«Malheureusement, quand le Bureau du coroner fait ses enquêtes et que l'INSPQ évalue, la collecte des données ne nous permet pas de connaître l'occupation professionnelle de la personne qui décède», explique Jérôme Gaudreault, président-directeur général de l'Association québécoise de prévention du suicide (AQPS).
Selon lui, le fait d'obtenir cette information pourrait aider les organisations à mieux cerner les facteurs aggravants et à cibler les corps de métier où le taux de suicide est plus élevé.
«Je sais, par exemple, qu'il y avait des enjeux dans le Service de police de la Ville de Montréal. Dans les années 90, ils ont mis en place un programme de prévention spécifiquement pour les policiers qui a donné d'excellents résultats et qui a permis de baisser de 80 % le taux de suicide», soutient le gestionnaire.
Des enjeux de confidentialité, entre autres, peuvent toutefois limiter la diffusion de ces informations, admet M. Gaudreault, mais ces éléments pourront possiblement être «travaillés à long terme» avec le Bureau du coroner.
«C'est extrêmement important d'avoir accès à ces données, estime Angelo Soares. (...) La prévention est cruciale, car c'est quand la personne commence à penser au suicide qu'il faut intervenir. En se penchant sur les facteurs qui déclenchent ces idées, on peut agir à la source dans les milieux professionnels concernés».
33e Semaine de prévention du suicide
L'AQPS a d'ailleurs lancé dimanche la 33e Semaine de prévention du suicide, qui se tiendra sous le thème Mieux vaut prévenir que mourir. Ose parler du suicide du 5 au 11 février prochains. Cette année, l'organisation met de l'avant l'importance d'aborder le suicide avec ses proches, malgré l'inconfort qu'engendre parfois le sujet.
«Il existe encore un mythe très présent dans la population selon lequel parler du suicide à quelqu'un pourrait lui donner l'idée de passer à l'acte. Or, les idées suicidaires n'apparaissent pas de façon aussi soudaine. (...) La parole est le premier geste à poser pour obtenir de l'aide», explique en entrevue Jérôme Gaudreault, président-directeur général de l'AQPS.
Si les données de l'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) montrent que le taux de mortalité par suicide se stabilise depuis quelques années, c'est tout de même plus de 1000 Québécois qui se sont enlevé la vie en 2020, soit presque trois personnes par jour.
Si vous avez besoin d'aide ou si vous sentez qu'un de tes proches est en difficulté, contactez les centres de prévention du suicide : 1-866-appelle.