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Une femme est décédée et une douzaine de personnes sont tombées malades en raison de la COVID-19 après une éclosion à la Good News Chapel, où les chefs religieux ont été accusés de transmettre de la désinformation sur le virus et les recommandations de la santé publique.
Ce texte est une traducction de CTV News
La femme de 61 ans, prénommée Diana, est décédée dimanche, deux semaines après avoir été admise à l’hôpital. CTV News a choisi de ne pas dévoiler son nom complet.
Sa cousine, Judy Fuoco, estime que Diana aurait contracté le virus à la chapelle, située dans Saint-Léonard à Montréal. « Sa famille, Diana et son mari ont décidé de ne pas se faire vacciner en raison de ce qu’ils se sont fait dire à l’église », a mentionné Judy Fuoco elle-même ex-membre de l’église, lors d’une entrevue avec CTV News.
La mère de Diana est elle aussi décédée des suites du virus il y a un peu plus d’un an, alors que les vaccins étaient déjà disponibles. « Elle aurait dû savoir », a ajouté Fuoco. « Mais elle était vraiment croyante au point où elle se disait “je vais suivre Dieu, et je ne me ferais pas vacciner. J’ai la foi” ».
Judy Fuoco a quitté l’église en 2019 lorsque les sermons sont devenus plus politiques. CTV News a interviewé plusieurs personnes connaissant bien l’église, ces dernières confirmant qu’il y a au sein de l’organisation une hésitation envers les vaccins et une résistance aux mesures de la santé publique entretenues par les leaders de l’église.
L’église avait déjà fait parler d’elle lors de la pandémie.
Le 14 février 2021, les membres ont ouvertement défié les interdictions de rassemblements en organisant plus de 100 personnes à l’église. Le pasteur Steve Gesualdi avait pour sa part qualifié les mesures sanitaires de « ridicules ». « Trop de personnes souffrent de choses bien plus dangereuses que la COVID-19. Les suicides sont en hausse, l’anxiété est en hausse, les dépressions sont en hausse », avait déclaré le pasteur le soir du rassemblement interdit.
Ce discours antimesure sanitaire s’est transposé dans ses sermons qu’il avait l’habitude de partager sur les réseaux sociaux. La plupart de ses publications ont depuis été effacées. Lorsque la rumeur selon laquelle le virus était en train d’infecter plusieurs personnes, des voix au sein de la congrégation se sont élevées pour demander de fermer l’église. Le pasteur aurait plaidé pour laisser les portes de l’église ouvertes. « Il y a quelques personnes qui m’ont contacté pour me mentionner qu’ils avaient des symptômes de la COVID-19 et qui sont allées se faire dépister », a dit Gesualdi. « Mais ceci n’a rien à avoir avec l’église… Dieu protège notre église ».
Quelques jours après, lorsque Diana a été admise aux soins intensifs, le pasteur a défié les membres de l’église. « Il n’y a aucun ordre qui peut fermer l’église de Jésus Christ », en ajoutant que si les fidèles n’étaient pas prêts pour un combat, qu’ils devaient rester à la maison. « Tu sais, tu devrais utiliser ton influence pour demander aux gens d’aller se faire vacciner », a dit le pasteur en dénigrant les gens qui osaient le critiquer. « Ce n’est pas de mes affaires. Celui qui nous protège est celui qui siège sur le trône. »
Lors d’un sermon, le pasteur a mentionné avoir reçu plusieurs messages de fidèles lui mentionnant qu’ils avaient surmonté les symptômes associés à la COVID-19, notamment la perte de goût et de l’odorat. « Alors que je mangeais le pain, j’ai pu [de nouveau] gouter le pain et le jus », a récité Gesualdi. « À tous ceux qui sont tombés malades dans les derniers jours, personne ne partira. Dieu s’occupera de vous », a entonné le pasteur avant d’entamer une prière. « Dieu le père, je prie pour Diana qui est à l’hôpital. Et seigneur je te remercie parce que tu changes les choses tous les jours ».
CTV News a tenté de rejoindre le pasteur à plusieurs reprises, mais ce dernier n’a jamais rappelé.
La santé publique de Montréal n’a pas confirmé que le décès de Diana était directement lié à l’église en raison de la politique selon laquelle on ne commente pas les décès individuels. Cependant, entre le 11 et le 23 novembre, la santé publique a été en mesure de retracer 10 cas de COVID-19 à l’église, selon des documents obtenus par CTV News.
Sur les 10 cas, au moins trois personnes se sont retrouvées aux soins intensifs.
La santé publique a mentionné que plus que de cas pourraient être découverts en raison du registre inadéquatement tenu par l’église. « D’autres cas ont pu échapper à notre enquête », a déclaré la santé publique.
Lors d’une lettre datant du 1er décembre, les autorités ont ordonné à la Good News Chapel de restreindre l’accès à l’église aux personnes pleinement vaccinées, en plus de demander d’encourager les fidèles à aller se faire dépister et de mettre à jour le registre des personnes qui fréquentent l’église. « Les établissements qui ne respectent pas les règles de la santé publique s’exposent à des conséquences qui peuvent aller jusqu’à la fermeture de l’endroit », a rappelé Jean Nicolas Aubé, porte-parole du CIUSSS Centre-Sud.
Pour Judy Fuoco, il est temps de passer à l’action. Elle veut que la santé publique ferme l’église. « S’il vous plait, fermez l’endroit parce qu’ils [les fidèles] ne le feront pas. Ne laissez personne d’autre tomber malade », dit-elle. « On dirait que tous les jours, il y a de nouveaux cas », continue cette dernière. « Nous ne connaissons pas tous ces gens qui sont infectés, mais lorsque c’est un membre de la famille, ça blesse. » « J’ai été bloqué par plusieurs membres de ma famille sur les réseaux sociaux parce que je ne partage pas la même opinion qu’eux », ajoute Fuoco.
Plusieurs craignent que les infections soient beaucoup plus élevées, et que les personnes malades ne soient pas allées se faire dépister. Jonathan Di Carlo a grandi au sein de l’église dirigée par le pasteur Steve Gesualdi. Di Carlo a quitté la communauté en 2017, mais plusieurs membres de sa famille en font toujours partie. Ce dernier a dit à CTV News qu’il connait entre 25 et 50 personnes, qui fréquentent l’église ou sont des amis ou de la famille, qui ont été infectées. « Plusieurs d’entre eux ne sont jamais allés se faire dépister par peur d’établir un lien avec l’église», a-t-il révélé à CTV News. «Ç'a créé des divisions. Certains ne se parlent plus ou d’autres adhèrent à un consensus selon lequel on ne parle jamais de l’église. Tout ça pour garder une paix d’esprit».