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«Écoute, on a failli mourir, c’est pas compliqué.»
Trois femmes ayant subi des violences aux mains du même homme alors qu’elles étaient en couple avec lui s’inquiètent de sa remise en liberté imminente.
Daniel Curran, 50 ans, sortira de prison la semaine prochaine après avoir purgé une peine de près d’un an pour les agressions infligées à ces trois victimes.
«Écoute, on a failli mourir, c’est pas compliqué.»
Érika a rencontré Daniel Curran sur Facebook. L’homme paraît bien, s’exprime aisément, est attentionné. La femme tombe rapidement sous le charme.
Mais deux semaines après le début de leur relation, le comportement de Daniel Curran change. Il se met à avoir des sautes d’humeur et commence à l’insulter. Il saccage sa salle de bain, la traîne par terre. Une autre fois, dans un élan de colère, il tente de la pousser à l’extérieur de son véhicule pendant qu’il conduit. Une «blague», dira-t-il plus tard.
Érika met fin à la relation à la suite de plusieurs événements violents, mais l’homme réussit à la convaincre de le reprendre. Il s’excuse, promet d’aller en thérapie, invoque l’abandon vécu par ses parents pour justifier son comportement.
Mais la violence s’intensifie. En février 2022, il la projette contre un mur, lui fracturant le dos.
«Le médecin capotait. Il m’a dit: "il faut que tu portes plainte", raconte la femme. Je n’étais pas capable, alors ils l'ont fait pour moi.»
Quelques jours plus tard, l’homme est arrêté.
Érika l’ignore, mais le Lavallois s'apprète à faire d’autres victimes.
Marjolaine a rencontré Daniel Curran en mars 2022, l'homme lui envoie un message un Facebook. Leur relation a duré six mois.
Sa première saute d’humeur se passe une semaine après leur rencontre. Il est jaloux. Alors qu’elle soupe avec son père, Daniel exige une photo pour prouver qu’elle n’est pas en train de le tromper. Quelques semaines plus tard, il tente de la jeter à l’extérieur de son véhicule en marche.
Une journée, il l’attend chez elle. Il fouille son appartement. Il trouve son journal intime et en fait la lecture. Il tombe sur un passage qui ne le concerne pas et il fait une crise au téléphone. Il est menaçant, hystérique.
Il quitte l’appartement, mais se cache non loin de sa résidence. Marjolaine revient de travailler, entre chez elle et barre la porte. Daniel surgit cinq minutes plus tard. Il entre dans la maison et la pousse violemment contre le mur.
L’homme se confond en excuses, pleure, promet qu’il va changer. Elle le laisse dormir chez elle, parce qu’elle a peur de lui dire de partir.
«Il m’a dit que c’était une poussée d’amour… pour me shaker.»
Le lendemain, elle met fin à la relation. Daniel la bombarde de messages et d’appels. Elle le menace d’appeler la police et il arrête.
Marjolaine décide d'aller porter plainte.
Quelques mois plus tard, à l’automne 2022, Daniel Curran entame une relation avec Valérie. Ils se connaissent alors depuis une dizaine d’années, puisqu’elle fréquente régulièrement le restaurant où il travaille.
Les premières semaines de leur relation ont des allures de lune de miel: il lui prépare ses smoothies préférés le matin, lui trace des cœurs dans la neige, la bombarde de compliments, de messages textes et d’appels pour lui témoigner de son amour. Valérie est certaine d’avoir trouvé son âme soeur.
Puis, l’homme commence à avoir des accès de colère: des crises de jalousie au restaurant, des épisodes où il lance ses effets personnels par la porte, allant jusqu’à l’embarrer à l’extérieur en plein hiver.
Il admet ses torts, affirme que c’est la dernière fois que ça arrive et promet de changer. Il va en thérapie. Au début, elle le croit, elle lui pardonne. Elle lui donne une chance. Elle l’aime.
Mais après quelques mois, elle en a assez. Un matin, alors qu’elle était chez lui, elle ramasse ses effets personnels et le quitte. Daniel la pourchasse dehors et tente de l’empêcher d’entrer dans son véhicule. Elle démarre.
«Je roulais à 150 km/heure, j’arrêtais pas de me dire, c’est fini, c’est fini», se remémore-t-elle. L’homme l’appelle à répétition, mais elle ne répond pas. «À un moment, je lève mes yeux, et je le vois dans mon rétroviseur. Il devait rouler à 200 km/heure. Il me pourchassait.»
Daniel la dépasse et la coupe. Elle n’a pas le choix d’arrêter sur le bord du chemin. Daniel apparait, force la fenêtre pour entrer dans son véhicule. Valérie a son téléphone en main, prête à composer le 911. Daniel fond en larmes et s’excuse. Il lui dit qu’il est «anéanti» et qu’il se sent «abandonné». Valérie n’appelle finalement pas la police.
«Il est tellement imprévisible, c’est épeurant. Je savais à quel point ça pouvait être incroyable avec lui, mais j’avais tout le temps peur que ça vire mal», explique-t-elle.
Elle contactera finalement la police quelques semaines plus tard, dans un contexte similaire. Elle le quitte, Daniel la pourchasse en voiture, et l’appelle sans cesse. Il est 7h30 du matin, le 27 avril 2023.
«Il me dit: "Valérie, je ne veux pas que tu partes fâchée, laisse-moi te faire une dernière caresse.”» Elle s'arrête dans un stationnement, Daniel sort de son véhicule et tente de l'étrangler.
Daniel pleure et s’excuse. Dans les heures qui suivent, il la bombarde de textos et d’appels.
Après cette agression, Valérie décide de prendre contact avec les ex de Daniel Curran. Elle découvre qu’elle était loin d’être la seule à avoir vécu de la violence de sa part. Elle réalise qu’il est dangereux et qu’elle doit porter plainte pour protéger les futures femmes qui croiseront la route de Daniel.
L’homme est de nouveau arrêté le jour même.
«Ce n'est pas facile de dénoncer, c’est un gros processus, souligne-t-elle. Mais j’ai réalisé que j’étais dans un cycle de violence conjugale.»
«Ma vision de la violence conjugale a complètement changé parce que j’en ai été victime.»
Le 11 avril 2023, Daniel plaide coupable de voies de fait et d'agression armée causant des lésions corporelles envers Érika. Les accusations d'étranglement et de voies de fait ont été abandonnées.
Puis, le 1 mai 2023, sept chefs d’accusation s’ajoutent en lien avec les gestes posés contre Valérie. Le 18 septembre 2023, il plaide coupable de voies de faits, agression armée, harcèlement criminel et introduction par effraction. Les chefs d'étranglement, de conduite dangereuse et de harcèlement criminel contre Valérie sont abandonnés.
En août de la même année, l’homme plaide coupable à un chef de détention par la force contre Marjolaine.
Pour l’ensemble des gestes posés envers les trois victimes, il écope de près d’un an de prison.
Ses trois ex-petites amies craignent maintenant sa sortie de prison. Érika – qui partage maintenant sa vie avec un autre homme – a déménagé et installé des caméras de sécurité à son nouveau domicile. Mais elle a toujours peur… surtout pour la prochaine femme qui croisera la route de Daniel Curran.
«Il a besoin bien plus d’une thérapie de yoga, il est dangereux. Il ne faut pas qu’il sorte de prison», martèle-t-elle.